Depuis 1992, le Mali vit au rythme de tensions électorales persistantes résultant de pratiques peu orthodoxes entretenues par des dirigeants mal élus qui ont développé une grande créativité dans la conception et la mise en œuvre du crime électoral.
La fraude est restée pour eux le seul moyen de se maintenir et de prospérer. C’est pourquoi la politique de refondation en cours apparaît, avec l’adoption attendue de la nouvelle Constitution, comme l’occasion d’instaurer enfin une démocratie axée sur la réhabilitation des valeurs sociétales, un équilibre réel des pouvoirs et la moralisation du processus électoral.
Pour qui sonne le glas de la refondation ?
Pendant des décennies, le Mali a été gouverné au gré d’intérêts privés inavouables et selon l’humeur du Prince. Barricadés derrière une Constitution et des lois dont ils faisaient une lecture biaisée à souhait, les dirigeants se sont donné tous les droits en ignorant leurs devoirs. Après avoir bradé les équipements militaires et démobilisé les forces de défense et de sécurité du pays, ils ont morcelé la société civile en groupes corporatistes concurrents, avant de faire jeter l’opprobre sur les cours et tribunaux. Dans le même temps, des mécanismes ont été conçus pour pomper les finances publiques sans risques pour les bandits à col blanc. Des marchés publics ont ainsi été attribués dans la plus grande opacité et des ententes frauduleuses conclues avec certains opérateurs économiques nationaux et des puissances de l’ombre. Au grand dam des grands commis de l’Etat, des incompétents ont été hissés à des postes de responsabilité. Ceux-ci seront toujours moins coupables des échecs que ceux qui les ont aidés à monter, c’est-à-dire les auto-stoppeurs de la politique et les parvenus de la fraude électorale. La tricherie institutionnalisée explique le niveau de la corruption et de l’impunité, ainsi que la déliquescence de l’Etat. Pour freiner les prédateurs impénitents dans leur élan démoniaque, il devient indispensable de moraliser le processus électoral à tous les niveaux car la démocratie implique la diversité et les divergences d’opinions, comme elle sous-tend l’acceptation par tous du choix du plus grand nombre. On peut ne pas être d’accord avec ce choix, tout en sachant qu’il est souverain. Les nostalgiques du mouvement dit démocratique pensent détenir un droit de préemption sur la vie publique au Mali, oubliant que les morts de mars 1991 ne sont pas plus des martyrs que les millions de jeunes maliens désespérés et contraints à prendre les routes périlleuses de la migration à cause d’une élite politique corrompue qui a livré le pays à ses pires ennemis. Leur sang rougit encore le sable brûlant du Sahara ainsi qu’une bonne partie de la Méditerranée, jusqu’aux portes de l’Europe. Leurs tombes de fortune sont autant de pyramides du souvenir au Mali, au Niger, en Algérie, au Maroc et en Libye. C’est pour les responsables de la démocratie frelatée que sonne le glas de la refondation.
Le combat contre la fraude est une priorité nationale
Selon Confucius, « si ton plan est pour un an, plante du riz ; si ton plan est pour dix ans, plante des arbres ; si ton plan est pour cent ans, éduque les enfants ». La culture du riz au Mali ? On n’exploite même pas encore 10% des 2.000.000 d’hectares de l’Office du Niger, pourtant présenté comme le plus grand potentiel rizicole à même d’assurer l’autosuffisance alimentaire et créer des emplois. En ce qui concerne les arbres, le désert avance sans cesse et la faune jadis si riche est désormais inexistante. Comme de nombreux humains, les animaux ont choisi d’émigrer sous des cieux plus accueillants et moins à risques. Pour ce qui est de l’éducation, tout le monde voit comment la jeunesse malienne est sacrifiée depuis trente ans sur l’autel de la cupidité des hommes politiques et livrée au chômage et à la migration irrégulière. Le secteur dans lequel on excelle depuis trente ans est certainement la prédation des ressources publiques car d’énormes ressources financières sont dépensées chaque année dont on peine à voir les impacts sur le développement du pays. Le Mali est devenu avec les leaders issus du mouvement démocratique le pays où la Politique et la Fonction Publique enrichissent plus rapidement et plus paisiblement que l’entreprise privée, où les opérateurs économiques sont réduits au rôle de prête -nom et de sous-traitants exposés à tous les risques fiscaux, financiers et judiciaires. Le combat contre la fraude au sein de l’Administration et dans le processus électoral doit donc être érigé en priorité nationale au cours des prochaines années, en soutien aux efforts de sécurisation du pays et de bonne gestion des ressources publiques. C’est la condition pour renouveler sans heurt la classe politique, voir émerger des entreprises enfin compétitives, capables d’arracher des parts de marchés. Toute démocratie viable s’appuie sur une armée nationale forte, capable de défendre l’intégrité du territoire et l’économie nationale. Parallèlement, les grands criminels à col blanc doivent être « frappés d’indignité nationale », véritable mesure de salubrité publique, destinée à les éloigner définitivement de la gestion des affaires publiques.
La succession d’élections mal organisées et contestées a fini par créer une classe de « cadres » incompétents qui se sont transformés au fil du temps en associations de malfaiteurs pour piller les ressources du pays. Le Mali ne peut donc pas faire l’économie d’une remise à plat du système car, si la Constitution de 1992 est écrite avec le sang des martyrs, la nouvelle est inspirée du martyr de tout un peuple trompé et humilié par des pseudo-démocrates à qui le « Malikoura » voue désormais un destin de feuilles mortes.
Mahamadou Camara
Email : mahacam55mc@gmail.com
Il y en a qui veulent nous faire croire que toutes les crises que nous avons connu résultent des élections mal organisées. Je voudrais qu’on m’en donne une seule preuve.
Pour ma part, au Mali nous n’avons vu que deux coups d’État. Celui de Moussa Traoré contre Modibo Keita (à l’époque les présentateurs bambara l’appelaient BARA KA WILI) et celui de Amadou Aya contre ATT à quelques jours de la fin de son dernier mandat. L’effet surprise ou violence caractéristiques d’un coup d’État classique est absent dans l’éviction de Moussa Traoré par ATT en 1991 ou de celui d’Ibk qui ont attendu sagement qu’on vienne les cueillir dans leur salon. La constitution est le mode d’emploi d’un pays. Elle ne vaut que par ceux qui la mettent en oeuvre.
Plus trivialement ; c’est comme une voiture destinée à transporter des passagers d’un point A à un point B.
La voiture doit être bien entretenue, le chauffeur doté d’un permis de conduire et les passagers espèrent arrivés sains et saufs.Sur le parcours, les policiers dans le rôle des députés veillent au respect du code de la route.
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