” La corruption affecte la légitimité sur le plan politique, engendre la démoralisation du citoyen et constitue un frein pour le développement. Depuis des décennies, la lutte contre la corruption a été lancée mais les résultats sont insignifiants, voire nuls. Cependant la corruption n’est ni une fatalité, ni une malédiction. Elle peut être combattue avec une volonté politique ferme et institutionnelle. Nous disposons de l’arsenal juridique pour ce faire….. Quelle est l’image du cadre qui détourne les fonds publics pour financer une campagne électorale ! En tant qu’interface entre l’Etat et les citoyens, le député ne doit-il pas dire la vérité aux populations ?
Ces extraits d’un discours prononcé par le président de l’Assemblée nationale du Mali, l’honorable Dioncounda Traoré, ce 21 décembre dernier, lors d’un séminaire organisé au sein de l’hémicycle sur le thème ”la sensibilisation des députés sur le renforcement du rôle du parlement dans la lutte contre la corruption” intervient comme un cheveu sur la soupe du président de la République, Amadou Toumani Touré et son Premier ministre, Modibo Sidibé, qui ne partagent certainement pas son point de vue. En effet, ATT ne rate aucune occasion pour rappeler les résultats encourageants obtenus par les services des Pôles économiques et financiers en vue de récupérer les fonds détournés. Et, pour ce qui est de la corruption, rappelons -nous ces propos du même ATT : ”Notre pays ne détient ni un monopole, ni un record en matière de corruption.”
Dans ces conditions, ces propos de Dioncounda Traoré traduisent un désaccord des trois grandes personnalités de la vie publique de notre pays sur la très sensible question.
Tous ceux qui le connaissent savent que ”le mathématicien” n’est pas un spécialiste de la langue de bois. Un gaffeur ? On sait qu’il a à son actif des déclarations qui ont souvent embarrassé ses camarades. Comme ce fut le cas le 14 janvier 2007 lorsqu’il a affirmé, devant les militants de l’Adema, lors d’une assemblée générale que ” Si nous n’avions pas soutenu ATT, nous aurions eu l’administration, la justice, la sécurité d’Etat sur nos dos”. Ce rappel mérite tout son sens aujourd’hui.
L’intervention de l’honorable Dioncounda Traoré intervient dans un contexte marqué par les récentes déclarations du ”Tout puissant” patron du Pôle économique et financier de Bamako. Le procureur de la République près le tribunal de première instance de la commune III du district de Bamako, Sombé Théra, puisque c’est de lui qu’il s’agit, faisait l’état des sommes récupérées par ses enquêteurs qui se chiffrent à coûts de milliards de nos francs. Pas plus tard que la semaine dernière, l’épineuse question de la lutte contre la corruption était au centre du Conseil de cabinet réunissant le Premier ministre et les membres du gouvernement. Par là, il s’agissait de réaffirmer la volonté des plus hautes autorités de mener le combat contre le fléau et ses tentacules, dont la concussion, qui paraît encore plus répugnante.
Il n’est un secret pour personne que notre pays souffre énormément de ces pratiques et, surtout, de l’impunité dont jouissent leurs auteurs. Plusieurs responsables épinglés dans des rapports de contrôle ont plutôt bénéficié de promotion.
Certes le député a le droit de dire la vérité. Mais le président de l’Assemblée nationale ignore-t-il les raisons de l’impunité de ces cadres de l’administration, hommes politiques, opérateurs, véritables trublions de la République qui ont trempé dans toutes sortes d’affaires sales.
Par Chiaka Doumbia