Sévèrement battu, dimanche dernier, aux municipales, le président socialistes français a démis son Premier ministre et l’a remplacé, dès le lendemain, par son désormais ex-ministre de l’intérieur. Vingt-quatre heures plus tard, l’Ortm, la très sérieuse et trop soumise chaine d’Etat faisait part, dans son journal parlé de 07H, d’un remaniement ministériel avec Oumar Tatam Ly reconduit à son poste de chef d’un gouvernement de trente-deux membres. Apparemment, les deux faits ne sont liés en rien, distants de plusieurs milliers de kilomètres, la France et le Mali étant deux pays différents. Plus ou moins souverains, le premier est sous l’emprise d’une Europe de plus en plus forte et totalitaire, le second n’a pas encore recouvré l’entièreté de son territoire.
Pourtant, au-delà des considérations géographiques, ce qui lie les deux pays en ce moment précis, c’est la nécessité d’effectuer au plus tôt un changement de leur attelage gouvernemental pour répondre aux préoccupations fondamentales de leur peuple. Elus à un peu plus d’un an d’intervalle, les présidents François Hollande de France et Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) du Mali sont confrontés au même problème fondamental : une baisse vertigineuse de leur cote de popularité. En raison de leur incapacité, pour le moment, à faire face aux problèmes, entre autres, de chômage, de relance économique, de sécurité.
Focus sur le Mali
L’objectif de cet article n’est pas de faire une étude comparative entre la France et son ancienne ( ?) colonie, aussi nous allons nous focaliser sur le Mali.
En juillet-août derniers, après la fuite peu glorieuse du président démocratiquement élu, Amadou Toumani Touré (ATT) déchu de son piédestal par la soldatesque, alors que le pays était sous la tutelle de la communauté internationale qui, elle, tenait coûte que coûte à régler leurs comptes aux putschistes de mars 2012 pour ne pas perpétuer les précédents fâcheux dans la sous-région, Ibrahim Boubacar Kéita était apparu incontestablement comme l’homme de la situation. Depuis 2007, date à laquelle il est battu pour la deuxième fois à l’élection présidentielle par le même homme, ATT, lequel, cette seconde fois n’a eu besoin que d’un seul tour pour s’imposer à tous ses adversaires, depuis 2007 donc IBK s’était fait très discret. Il avait tellement su s’effacer que beaucoup de Maliens en étaient arrivés à oublier que le président du RPM avait été auparavant le président de l’Adema, alors parti le plus puissant du Mali, avant d’être président de l’Assemblée nationale pendant cinq ans.
En 2012 donc, lui qu’on n’appelle que par son titre « président » depuis une vingtaine d’années, apparait comme un sou neuf, l’un des rares voire le seul, dans la tirelire. C’est le contexte qui s’y prêtait : la classe politique, au fil des ans, s’est discréditée au aux yeux du peuple, notamment quand elle s’est divisée plus pour des intérêts individuels ou des considérations partisanes que par des convictions idéologiques et philosophiques dont ses leaders étaient, en majorité, dépourvus. Divisée en pro et anti putsch autrement dit en pour ou contre Amadou Haya Sanogo, le chef des putschistes. Aujourd’hui encore, alors que la descente en enfer continue pour beaucoup de ces putschistes, des leaders et sous-fifres étant sous les verrous, certains responsables politiques s’accrochent encore à leurs chimères de voir des militaires aux commandes du pays. Le comble : Oumar Mariko, ex-leader estudiantin, secrétaire général du parti Sadi, député réélu à Kolondiéba, nourrirait toujours le rêve à peine secret de devenir le Premier ministre d’un officier subalterne sans éducation politique ni culture démocratique.
Tout comme cette classe politique dépréciée, la société civile s’est également divisée en pro et anti putsch, ayant réalisé la prouesse de se politiser au point de devenir suspecte dans ses moindres initiatives.
Entre les pro et anti Sanogo, se trouvent les centristes, les équilibristes dont le plus distingué et remarqué a été IBK-Mali 2012. Tandis qu’IBK condamnait en public le putsch, son mouvement battait le pavé avec les extrémistes de Copam qui réclamait le retour à l’ordre inconstitutionnel. Pour renforcer encore plus sa position, le candidat du RPM s’est montré de plus aux côtés des associations et mouvements islamiques dans un pays qui compterait plus de 95% de musulmans. Dans le même temps, il a entrepris une campagne de lobbying d’homme neuf auprès des militaires, histoire de leur rappeler qu’au début des années 90, pendant qu’il visitait les casernes il avait versé des larmes sur les tristes et lamentables conditions de travail et d’existence de la troupe. Seulement, à l’époque, il ne pouvait rien faire, n’étant que Premier ministre.
Du nerfn Maninga, du nerf !
Devenu président de la République en partie grâce à eux, ces militaires sont en train de se poser des questions. S’ils sont aujourd’hui bien instruits, formés, armés et requinqués, ils le doivent à Dioncounda Traoré qui, début janvier 2013, a appelé au secours la France de Hollande. Si leurs chefs et camarades sont en détention, c’est certes parce que la communauté internationale le veut, mais c’est IBK qui est le président de la République. Et s’il a été élu c’est parce que le peuple est resté derrière son armée pour la consoler de la peu honorable fuite stratégique devant l’ennemi rebelle et jihadiste.
Mais surtout, si IBK a été plébiscité, c’est parce que, lors de la campagne électorale, les Maliens ont cru à ses contes électoraux qui les ont aidés à s’endormir après plus de neuf mois d’angoisse et de psychose. Mais près de huit mois après son intronisation, le 04 septembre dernier, le pays stagne, pour les plus optimistes, le pays recule, pour les plus pessimistes, le pays ne tardera pas à toucher le fond, selon les plus réalistes. Pour ces derniers, IBK ne parvient pas à revenir du « pays des merveilles » que même Alice a quitté, pour enfin mettre en œuvre son programme de gouvernement bel et bien réalisable et crédible.
Mais avant, comme le veulent l’Ortm et le peuple, il doit se débarrasser de ministres qui ne savent pas quoi faire. Réveillés après un long moment de sommeil entrecoupé d’angoisse et de cauchemars, ces ministres se sont retrouvés brusquement à la tête de département dont ils ne savent rien, préférant gérer les affaires de manière irascible et épidermique.
En cela, IBK est bien entouré : un porte-glaive trop bavard pour être pris au sérieux et qui se croit toujours dans le prétoire pour servir des contes à la IBK, un porte-parole, très avare en parole, qui ne se limite qu’à la lecture de communiqués rédigés par et pour les autres, un porte-flingue qui a peur de déployer la troupe récupérer son nord, un porte-voix qui ne parvient pas à prévoir le comportement de ses anciens amis de la rébellion et en est réduit à convoquer les diplomates des pays visités par ceux-ci . Quant au porte-urnes, il essaye de se faire tout petit depuis que ses petits copains sont soumis à l’inquisition et mis hors d’état de nuire.
En attendant, plus fabuliste que jamais, IBK s’en va prêcher la parole larmoyante et raconter ses contes lénifiants qui ne font plus dormir mais énervent au plus haut point ceux qui sont fatigués d’entendre les mêmes jérémiades.
Du nerf, Maninga, du nerf !
Cheick TANDINA