L’œil du Reporter : Le jour où tout a basculé…

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Le jour où tout a basculé, j’étais à Tombouctou. J’ai vu des gens courir partout. J’ai vu des femmes désespérées, des hommes perdus, des enfants blessés par des obus abandonnés par une armée désintégrée ! J’ai vu des camions chargés du strict minimum : quelques matelas, un bidon d’eau et une masse incalculable d’êtres humains ! J’ai vu des chauffeurs taxant à leur guise ces pauvres passagers. J’ai vu des gens horrifiés alignés sous le soleil brûlant attendant que ces maudits sacs soient fouillés et que le camion traverse ce fleuve qu’ils ne réalisent -que maintenant- qu’il est mal placé !!! Ce fleuve qui, ce premier jour, a freiné plusieurs militaires et gendarmes qui auraient pu éviter les geôles de l’aéroport où se jouait désormais leur sort.

 

 

J’ai vu des malades trépasser, par peur ou par faute de soins, car les médecins ont fui. J’ai vu le CSREF, la DRS et -moins un- l’hôpital se vider ! J’ai surtout vu tout le monde piller comme si les gens ne revivront plus ensemble. J’ai vu des chefs de famille pleurer le pillage de leurs meubles. J’ai vu tout le monde chômer !!! Personne ne pouvait trimer pour rapporter la pitance à ceux qui sont restés !!! Et cela m’a attristé, m’a énervé, m’a révolté… mais je me suis calmé car ma femme et mes enfants ne me pardonneront pas de m’être suicidé ! J’ai vu débarquer des hommes armés avec un nouveau drapeau et un slogan auquel personne n’était préparé. Je les ai vus déménager tous les biens de l’Etat, abandonnés. Je les ai vus piller pendant des jours : banques, magasins et maisons. Après j’ai vu d’autres nouvelles gens à la longue barbe et au pantalon coupé ! Je les ai vu mettre fin aux pillages. Je les ai vus, acclamés par la population en soif de libérateur. Mais je voyais toujours la même peur qui se lit sur tous les visages quel que soit l’âge. J’ai vu un troisième drapeau flotter. On me raconte, on me dit -sans me convaincre- que les seconds sont meilleurs aux premiers mais moi -au fond de moi- je suis persuadé qu’il n’y a pas de choix possible entre la peste et le cholera !

 

 

J’ai vu ces gens s’organiser tandis que la population cherchait toujours à s’évader. J’ai vu leurs check-points aux entrées et j’ai compris avec consternation que ces gens-là sont arrivés à leur destination ! J’ai compris que je ne suis plus en train de rêver, que je dois éloigner ma femme, mes enfants et mes neveux ! J’ai compris que l’heure de l’exil a sonné.  Les larmes coulèrent tôt le matin quand, dans la pirogue hyper chargée, je voyais entassés, femmes, hommes, jeunes et vieux et même le gynéco de l’hosto ! Quand le soleil rouge de l’aube a pris une nouvelle teinte m’annonçant une nouvelle ère, la pire de la cité, jadis fière de sa diversité !

 

LOTFI

 

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