Insupportable ! Le jeun, la chaleur, l’obscurité, la galère… Le Malien lambda avait toutes les raisons de croire qu’il subit de plein fouet la colère de Dieu. Infernale ! Elle l’a été la canicule de ces dernières semaines avec des températures flirtant souvent avec les 50° C par endroits. Une situation aggravée par la crise énergétique nous condamnant souvent a passé la nuit dans l’obscurité et la chaleur. Nous sommes nombreux ceux qui continuent de passer de terribles nuits blanches armés d’un éventail pour permettre aux enfants de trouver un semblant de sommeil.
Mise à part l’incapacité d’EDM à ne nous fournir le courant que 12h sur 24 (souvent moins), cette canicule est une sonnette d’alarme que personne ne doit aujourd’hui négliger : nous sommes en train de scier une branche sur laquelle nous sommes installés : la déforestation ! Et oui, avec des températures avoisinant les 50 degrés à l’ombre, nous sommes de plain pied dans le réchauffement climatique. Une situation aggravée par la disparition progressive du couvert végétal marquant du coup l’avancée du désert.
Ces dernières années, selon de nombreux rapports officiels, la superficie de forêt défrichée par an est estimée à plus de 500 000 ha. Ainsi, en 2020, l’Union Européenne (dans un rapport sur l’état des forêts au Mali) a estimé que 82 % des superficies forestières ont été détruites depuis 1960 au Mali. En 2014, le pays ne possédait que 788 111 ha de forêts contre 4 475 000 ha à l’indépendance (1960) ! Et pour quel effet positif pour le pays ? Que de gâchis !
Comme le dit l’artisane et blogueuse Assétou Gologo dit Tétou, «pour profiter des arbres, se rafraîchir en les arrosant, il faut en avoir plantés…et avoir évité de les couper sauvagement. Bamako était très verte et fraîche. Les climatiseurs, et même les ventilateurs et réfrigérateurs étaient rares…» ! Ça c’était hier ! Aujourd’hui, Bamako est devenue l’enfer sur terre. Vous allez nous dire que pourtant il y a des campagnes de reboisement chaque hivernage. Malheureusement, nous sommes encore dans le «politiki yiri turou» (parodie de reboisement).
Combien de ces arbres survivent aujourd’hui faute d’entretien adéquat ? Il ne suffit pas de planter un arbre, le vrai défi, c’est de l’entretenir. Ce qui fait que l’écart est énorme entre le nombre d’arbres plantés en une année et le nombre d’hectares décimés durant la même période. Comme si nous étions inconscients de son utilité, l’arbre est le premier à être sacrifié dans presque toutes nos activités. Qui veut construire, coupe des arbres ! Qui veut faire un champ, agit de même… On ne cherche jamais à faire de telle sorte que nos constructions puissent par exemple coexister avec les arbres. On préfère planter de nouveaux arbres sans résultat probant.
Il est vrai que, en la matière, l’Etat même ne donne pas le meilleur exemple dans l’urbanisation, l’exécution des travaux routiers, le respect du cahier des charges à la fermeture des mines… A notre avis, l’ACI 2000 aurait pu être en Afrique un excellent modèle conciliant urbanisation et protection de l’environnement. On aurait pu y sauvegarder quelques hectares de forêts avec des espèces aujourd’hui menacées (difficile régénération) comme les caïlcédrats… Tout comme l’idéal aurait été de diviser aussi l’ACI 2000 en zones avec des espaces réservés exclusivement au maraîchage pour y maintenir ce microclimat qui faisait sa particularité.
Malheureusement, la végétation et les maraîchers ont été sacrifiés sur l’autel de l’urbanisation irréfléchie. Le hic, c’est que même les espaces verts prévus disparaissent aujourd’hui au profit des stations d’essence ou des supermarchés. Et malgré tout cela, nous ne voulons pas subir le soleil et la chaleur, donc assumer les conséquences de nos actes ! Et pourtant, il y a des expériences très probantes de protection des forêts. Ce fut par exemple le cas du Projet de gestion durable des forêts en 3e région (PGDF) exécuté par le BEAGGES de l’ancien ministre Seydou Traoré (avant qu’il ne soit ministre).
Le mérite de ce projet était d’avoir réussi à sensibiliser les populations à être les premiers protecteurs de leur patrimoine forestier. Sans compter l’élaboration d’un schéma directeur d’approvisionnement en bois d’œuvre des villes comme Sikasso et Bamako. Malheureusement, le problème dans notre pays est qu’une fois la phase expérimentale bouclée, ni l’Etat ni les Collectivités ne se donnent les moyens de pérenniser les acquis et de vulgariser les expériences acquises à partir de tels projets.
Et c’est fort dommage que l’Etat ait aussi arrêté de subventionner le gaz supposé réduire la consommation des ménages des centres urbains en bois et charbon. L’avancée du désert interpelle chacun de nous à pleinement jouer son rôle dans la protection de notre écosystème. Cela d’autant plus que personne ne sera épargné par les conséquences dramatiques du réchauffement climatique. Même si les plus nantis et l’élite du pays sont financièrement bien armés pour par exemple faire face à la canicule actuelle.
Dans cette nécessaire protection de la nature, la volonté politique est essentielle puisque devant servir à libérer et à soutenir les initiatives à tous les niveaux. Pour par exemple réduire la coupe des arbres pour le bois de chauffe et le charbon, l’Etat doit accorder plus de moyens (pour la recherche et la vulgarisation des énergies dérivées) à l’Agence nationale du développement des biocarburants (ANADEB). Et cela pour lui permettre de pleinement assumer sa mission consistant à promouvoir les biocarburants/bioénergies sur toute l’étendue du territoire national.
Aujourd’hui, le combat contre le réchauffement climatique, à travers notamment la protection de notre couvert végétal, doit dépasser les discours démagogiques. Il faut sortir de la politique de l’autruche pour poser de vrais actes, mener des actions concrètes et efficaces. C’est ce qui doit distinguer le Mali Kura de l’ancien !
Moussa Bolly