L’œil de Le Matin : La fin de la propagande et du mépris pour les médias ?

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Sensibiliser les membres du gouvernement sur les enjeux et les perspectives de la communication, particulièrement dans un contexte de guerre informationnelle ; créer un cadre de collaboration harmonieux entre les acteurs de la communication gouvernementale et tout l’écosystème de la communication ; élaborer les outils pour rendre la communication gouvernementale plus fluide et plus cohérente… Tels étaient les objectifs visés par les journées dédiées à la communication gouvernementale du 3 au 6 mars 2025. Elles ont été marquées par un atelier technique de renforcement de capacité des acteurs, notamment des «Chargés de communication» (Chargés de mission) des départements ministériels. Cet atelier avait été précédé d’un séminaire gouvernemental tenu le lundi 3 mars 2025.

Le gouvernement veut aujourd’hui communiquer ! C’est de bonne guerre. Et cela d’autant plus que, comme l’a rappelé le ministre de la Communication à l’ouverture de l’atelier, «la crise multidimensionnelle que traverse notre pays, les enjeux sécuritaires et le phénomène du terrorisme médiatique exigent du gouvernement une maîtrise renforcée de sa communication. Il est primordial d’informer les populations de manière claire et précise, de consolider la cohésion sociale et de préserver les intérêts de la Confédération des États du Sahel». Tout comme le Premier ministre avait aussi souligné, lors du séminaire gouvernemental ; «à l’image des FAMa, dont la montée en puissance sur terre, air et les surfaces fluviales est spectaculaire, dans le domaine de la communication gouvernementale, nous devons susciter au lieu de subir, inverser la tendance et riposter vigoureusement à la guerre informationnelle et en territoire médiatique».

Cette démarche, pour les initiateurs, s’inscrit dans le cadre de «l’apaisement du climat social», l’un des «Huit axes stratégiques» de la «Lettre de cadrage» du président de la Transition adressée au gouvernement pour servir d’assise et de repères pour l’action gouvernementale. Cette nouvelle option est louable si elle découle d’une réelle prise de conscience que, depuis le début de la transition, les Maliens ont suffisamment fait preuve de résilience pour essayer encore de les mener en bateau par le biais de la propagande. En effet, depuis la rectification de la transition en mai 2022, la propagande a pris le dessus sur la Com. Ce ne sont pas les Chargés de communication des ministères qui vont sans doute nous démentir, car ils sont nombreux à avoir été éclipsés dans leur boulot par des pseudo-activistes, vidéastes, influenceurs… De vrais opportunistes mis en selle pour mieux asphyxier journalistes et communicateurs.

Nous n’allons pas perdre du temps sur les principes de la «Com gouvernementale» parce que les acteurs et les ministres ont été suffisamment édifiés par d’éminents experts qui n’ont plus rien à démontrer en la matière. Mais, nos lecteurs doivent savoir qu’entre la communication et la propagande, ce n’est pas seulement une question de nuances ou d’outils, voire d’opportunité. La communication gouvernementale se définit comme «l’ensemble des actions menées par les pouvoirs publics et leurs administrateurs à destination de l’opinion ou de certains de ses secteurs pour faire connaître, comprendre, accepter ou valoriser leur politique, leurs choix, leurs attitudes». Elle est par exemple le moyen de faire connaître au public les mesures nouvelles arrêtées pour mettre en œuvre la politique du gouvernement. Comme les nouvelles taxes qui sont appliquées dans notre pays depuis mercredi dernier (5 mars 2025).

Quant à la propagande, selon de nombreuses sources documentaires, c’est un type de communication qui implique souvent «le partage d’informations biaisées ou trompeuses pour promouvoir un programme ou un point de vue particulier». Elle peut être encore définie comme un ensemble de techniques de persuasion mises en œuvre pour propager, par tous les moyens disponibles, une opinion ou une idéologie. Ces techniques sont exercées sur une population afin de l’influencer, voire de l’endoctriner. La propagande est ainsi utilisée pour influencer l’opinion des gens ou contrôler leur comportement par diverses tactiques telles que les insultes, l’incitation à la peur… Bien qu’elle n’implique pas toujours la diffusion de fausses informations, son objectif est toujours d’influencer la façon dont les gens ressentent et pensent ; de changer leurs convictions ou leurs comportements.

La différenciation de la communication publique d’avec la propagande figure ainsi de manière explicite dans plusieurs chartes de déontologie, notamment en France, qui nous avait jusque-là inspirés dans nos choix administratifs, réglementaires et déontologiques. «La communication publique s’inscrit dans le cadre des missions de l’information de service public et en respecte les règles en vigueur, tant déontologiques que juridiques. Elle doit s’exercer hors de toute propagande ou falsification des faits et respecter la nécessaire transparence des informations dont elle dispose tant à l’intention des décideurs que des usagers» (article 2 de la charte établie par l’association Club Cap’Com en 2002). Une autre charte précise encore que «la communication publique doit s’assurer de ne pas tromper ses destinataires par omission» (Association Communication publique). L’opposition avec la propagande se trouve ainsi énoncée autour de la dialectique entre «manipulation et mensonge» d’une part, et «transparence et vérité», d’autre part. Ainsi, la charte de déontologie de l’une des associations de spécialistes de la communication dans les institutions publiques définit-elle encore explicitement ses «destinataires comme des récepteurs actifs : des citoyens à part entière dont procède l’intérêt général, des hommes et des femmes rationnels et raisonnables». Des «cibles» à respecter !

Aujourd’hui, face aux défis et à l’incompréhension de certaines décisions des décideurs, cette rectification était souhaitable. Pour diriger convenablement et répondre aux aspirations de la population, nous rappelait récemment un politologue, le gouvernant se doit d’entreprendre une politique de communication qui procède d’une stratégie globale de la circulation transversale de l’information, visant à entreprendre une campagne pour l’éveil des consciences afin de susciter l’adhésion de la population aux mesures qui sous-tendent la mise en œuvre du processus de développement.

Et on ne peut pas naturellement mener une telle mission avec le maximum d’efficacité sans s’appuyer sur des supports jouissant d’une crédibilité certaine comme les médias traditionnels… Le rôle de la presse est non négligeable dans la mise en œuvre d’un plan réaliste de communication gouvernementale. «Peut-on faire le Mali de la souveraineté sans les médias ? Absolument pas. Tous les régimes du monde savent que la presse est un couteau à double tranchant, qu’il vaut mieux l’avoir pour soi que contre soi», a récemment défendu M. Zeyni Moulaye, ancien ministre des Affaires étrangères et membre de la Commission de rédaction de la charte pour la réconciliation. Malheureusement, il se trouve qu’elle (la presse privée) ne s’est jamais aussi mal portée dans notre pays que sous cette transition. Méprisée, elle est financièrement asphyxiée pour être mieux bâillonnée.

Si la nouvelle approche gouvernementale est sincère, les autorités doivent alors revoir leur attitude à l’égard de la presse, de toute la presse. Qu’elles sachent qu’une bonne communication gouvernementale repose essentiellement sur les moyens (financiers et logistiques) ainsi que sur la qualité et la crédibilité des supports privilégiés, notamment les médias !

Moussa Bolly

 

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