Mois béni, période de grande dévotion pour se rapprocher davantage du Maître de l’Univers, le mois de ramadan n’en demeure pas moins assez éprouvant pour des couches socioprofessionnelles de plus en plus nombreuses dans notre société. Cette année, le ramadan intervient dans un contexte socio-économique et financier très éprouvant pour une composante non négligeable des foyers du Mali. Aujourd’hui, les dépenses du mois préoccupent plus les familles que les exigences religieuses de la pratique du jeûne.
Et cela à cause de la conjoncture financière qui se traduit par une hausse déconcertante des prix des denrées de grande consommation. Malheureusement, le gouvernement est incapable de juguler cette situation. Les mesures énoncées ne semblent avoir aucun impact en termes de réconfort pour le Malien lambda visiblement condamné à boire le calice jusqu’à la lie.
Aujourd’hui, on ne peut compter que sur la solidarité pour espérer soulager des ménages en les aidant à supporter le coût économique et financier du jeûne. Et cela ne devrait pas poser de problèmes dans un pays où la solidarité est réellement une valeur fondamentale. Sauf qu’aujourd’hui, au Mali, celle-ci s’est effritée comme toutes les autres valeurs qui ont fait jadis la grandeur de notre société. De nos jours, la solidarité n’est pas un simple acte de charité ou de générosité. Elle n’est ni gratuite ni fortuite parce que c’est de plus en plus un acte posé sur la base de la valeur ajoutée. Qu’est-ce que cela me rapporte en retour ?
Pour les sociétés et quelques personnalités, c’est une question de marketing pour soigner son image. Pour d’autres, il s’agit d’entrer ou de rester dans les grâces d’une tierce personne chez qui on a des intérêts particuliers. Ainsi, il n’est pas rare de nous voir offrir de luxueux et coûteux paniers du ramadan à des gens qui n’en ont pas besoin alors que, à côté, nous avons des familles où la rupture est une équation sans solution. Un vrai calvaire ! Comme le disait une amie, «ne laisse pas ton voisin nécessiteux à qui, un sac de riz de 5 kg ferait un grand bien, pour aller offrir un panier de ramadan onéreux à un chef d’entreprise. Ça ne te sera pas bénéfique…». Et de poursuivre, «certains étaient parmi nous durant le dernier ramadan, mais aujourd’hui ils nous ont quitté. Leurs femmes et leurs enfants sont là, pensons à eux en ces moments de partage».
«J’ai fait mon choix, je préfère toujours les repas à offrir aux démunis… Apportons notre soutien et notre solidarité aux plus nécessiteux en ce mois béni de ramadan. C’est un acte de foi vivement recommandé par la religion», nous disait une grande dame de l’humanitaire. Il n’est pas interdit de manifester sa générosité ou sa reconnaissance à l’égard d’une belle famille, d’un ami, d’une relation d’affaires… Mais, l’idéal est que cela soit une source de motivation pour faire plus pour les nécessiteux qui nous entourent.
Il est ainsi compréhensible que les sociétés, entreprises, cabinets… profitent de ces moments comme des opportunités de marketing en essayant de faire plaisir à des patrons, à des clients importants… Mais, c’est aussi le moment privilégié de donner un sens à leur responsabilité sociale en investissant sincèrement et concrètement dans le réconfort des nécessiteux qui sont de plus en plus nombreux dans notre société. C’est pourquoi d’ailleurs cela ne doit pas s’arrêter au seul mois du ramadan.
Peut-on mieux aider une famille démunie qu’en donnant un métier, une fonction à l’un de ses jeunes chômeurs (même s’il ne faut pas écarter une enquête de moralité dans un tel cas) ? Voilà comment la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) doit s’exercer dans un pays comme le Mali où le chômage des jeunes est l’une des raisons essentielles de la précarité des ménages.
Même s’il faut reconnaître qu’ils sont nombreux les jeunes de ces familles qui ne veulent pas souffrir pour gagner leur vie et faire bouillir la marmite dans leurs familles. N’empêche, on aura toujours dans le lot certains qui ont conscience et qui ne demandent qu’à ce qu’on mette leurs pieds l’étrier.
Moussa Bolly