Décidément le coup d’Etat du 21 mars 2012 est très mal venu pour le Mali. Ceux qui l’ont fomenté et exécuté ont justifié leur acte par ” l’incompétence ” de la hiérarchie politico-militaire à gérer la crise qui sévit au Nord du Mali depuis la mi-janvier au mieux des intérêts de l’armée et de la nation. Allusion faite aux petites garnisons de Menaka, Aguelhoc, Andéraboucane, Tinzawatten démantelées en un éclair par les forces coalisées du ” MNLA “, de Ançar Dine et de AQMI, lourdement équipées et fortement motivées.
On s’attendait à ce que les tombeurs du régime ” corrompu ” d’ATT (les revers de l’armée sont expliqués par ce fléau qui n’a pas épargné les forces armées) une fois installés aux postes de commande de l’armée et de l’Etat, fassent mieux que leurs prédécesseurs, inversent la tendance. Au moins en enrayant l’avancée de l’ennemi avec les moyens supplémentaires qu’ils se sont octroyés en vidant les dépôts d’armes et de munitions de Kati et dopés de leur patrimoine.
Ce ne fut pas le cas. On assista plutôt à un pis-aller. Dix jours après la disparition d’ATT du palais de Koulouba et de la tête de l’Etat, les trois capitales régionales du Nord Mali se sont effondrées, l’une après l’autre, en l’espace de 72 heures, comme des châteaux de… sable. A Gao, le colonel El Hadj Gamou, Touareg intégré de longue date dans l’armée nationale, réputé pour sa bravoure et dont l’évocation du seul nom suffisait pour mettre en fuite les hordes de bandits armés a expliqué, la voix brisée par l’amertume, qu’il a été contraint à la reddition avec cinq cents de ses hommes pour avoir attendu en vain des renforts qui ne venaient pas.
Deux jours après la chute sans gloire de la capitale de l’ex-empire sonrhaï qui, à son apogée, s’étendait de la Mauritanie au Tchad, Tombouctou la cité mystérieuse et ville des 333 saints, dont la Mosquée dite de Djangareïber, construite il y a plus de 700 ans par l’empereur du Mali Kankou Moussa, attirait les touristes du monde entier, tombait sans coup férir. Les soldats censés la protéger et mourir pour elle ont, en effet, préféré troquer leur uniforme contre l’habit civil pour mieux se fondre dans la foule des fuyards.
Jamais, dans son histoire millénaire, le Mali n’a été si proche de la partition rêvée par une poignée d’extrémistes kidalois.
Le coup d’Etat militaire du 21 mars 2012 a favorisé cette situation en décapitant l’Etat, en désorganisant l’administration, en anéantissant la chaîne de commandement, en désorientant la troupe qui ne sait plus à quel chef se vouer.
En s’obstinant à ne pas rétablir l’ordre constitutionnel réclamé par toutes les forces politiques et sociales qui comptent dans le pays et par la communauté internationale, les acteurs du coup d’Etat militaire du 21 mars ont obligé la CEDEAO à mettre en œuvre son protocole additionnel relatif à la démocratie et à la bonne gouvernance. Lequel préconise ” la tolérance zéro ” pour ceux qui ont recours à la force pour accéder au pouvoir ou s’y maintenir. La conséquence en est ” l’embargo total ” décidé contre le Mali. Une mesure qui ne manquera pas d’accroitre les souffrances du peuple malien déjà éprouvé par la cherté de la vie et la disette, d’impacter négativement sur l’appareil productif, de paupériser davantage le pays.
Le plus grave, c’est que l’armée malienne elle-même ne pourra pas faire venir de l’extérieur les équipements dont elle a besoin pour reconquérir les deux tiers du territoire national désormais sous contrôle ennemi.
La CEDEAO n’est pas seule à avoir résolu de mettre le Mali sous embargo. Elle a été rejointe par l’Union africaine et l’UEMOA. L’ONU pourrait suivre qui a adopté, hier, à l’initiative de la France, une déclaration demandant à la junte de se retirer au profit des autorités légalement constituées.
Dans ce contexte, la tenue d’une convention nationale pour préparer des élections sous supervision du CNRDRE apparait surréaliste. La communauté internationale y verra un nouveau défi et le fera payer cher aux gouvernants en treillis de Bamako.
Saouti HAIDARA