Ligne de force : Le Mali dans l’impasse

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L’opposition était de nouveau dans la rue à Bamako, samedi 15 septembre dernier, pour contester la réélection d’IBK au double moyen de ” la fraude planifiée ” et de “ la corruption des juges“. Et l’honnêteté commande d’écrire que la dynamique enclenchée depuis le 2 juin pour réclamer un scrutin présidentiel propre, loin de faiblir, reste intacte. Avec un risque réel d’amplification.

L’annonce, le mardi 11 septembre précédent, par Ras Bath de la fin de l’accord politique signé le 28 juin (à un mois du premier tour de la présidentielle)  entre  son  Collectif pour la Défense de la République (CDR) et le candidat de l’URD, Soumaïla Cissé, avait été salué par un feu de joie dans les allées du pouvoir. Mais cinq jours après, il a fallu déchanter : il y avait autant de marcheurs, sinon plus, que lors de l’édition précédente du samedi 8 septembre. Et, parmi eux, un certain Ras Bath.

Celui-là avait averti et a tenu sa parole : la fin de l’accord politique permettant à son mouvement de retrouver son statut d’organisation de la société civile ne remet pas en cause son engagement auprès de Soumaïla Cissé et d’autres à dénoncer ” les résultats frauduleux ” de la présidentielle et à s’associer aux actions judiciaires initiées auprès de la Cour Suprême du Mali et de la Cour de Justice de la CEDEAO contre la Cour Constitutionnelle qui les a validés.

Dans la perspective de faire échouer la marche de samedi dernier et démontrer ainsi à l’opinion nationale et internationale que Soumaïla Cissé n’est même plus bon à ramasser avec une cuillère à pot, le pouvoir avait trouvé judicieux de relaxer, moins de 48 heures auparavant, Paul Ismaël Boro et Moussa Kimbiri. Ces deux alliés électoraux du candidat de la plateforme ” Ensemble restaurons l’espoir au Mali ” avaient été enlevés fin août et leur libération était l’un des motifs de la mobilisation, l’autre étant “ le dégagement d’IBK ” au profit du ” président Soumaïla Cissé ”

La mesure, manifestement, n’a pas eu l’effet escompté.

Le rouleau compresseur des forces dites du changement est donc en marche et le risque d’une amplification se profile du côté des syndicats qui sont tous mécontents du pouvoir en place. Désorganisés, en mal d’inspiration et surtout mûs par l’unique désir d’accaparement des maigres deniers de l’Etat, ses tenants n’ont cure d’améliorer l’ordinaire de leurs concitoyens, salariés ou non-salariés. Ils roulent pour eux-mêmes et leurs familles. Il pourrait en résulter un ralliement des forces sociales qui mènerait tout droit à une reproduction de l’insurrection populaire du 26 mars 1991. Avec, cette fois-ci, moins de drames, il faut l’espérer.

La mise en place du gouvernement postélectoral a fourni l’occasion à IBK de conjurer le danger mais il n’a pas pu la saisir. Combinant l’audace et le flair et joignant l’acte à la parole, il aurait dû franchir le pas décisif vers ses adversaires politiques, toutes sensibilités confondues, pour former un gouvernement d’ouverture voire d’union nationale. Sa tâche prioritaire eût été d’organiser des législatives dans lesquelles tous se seraient reconnus eu égard à la transparence qui aurait prévalu. L’assemblée nationale qui en sortirait aurait mieux reflété la réalité du corps électoral, contribuant à la normalisation de la situation politique.

Au lieu de cela, comme soucieux de ménager son orgueil contre toute concession pouvant un tantinet jeter de l’ombre sur la légitimité et la légalité de son élection, il a choisi de mettre en place une équipe constituée de ses seuls partisans. Avec la conséquence que les législatives seront boudées par un grand nombre de partis politiques, convaincus qu’elles ne seront ni sincères ni transparentes. Et qu’elles aboutiront infailliblement aux mêmes résultats que la présidentielle : une large, voire écrasante victoire de la majorité présidentielle de circonstance que la Cour Constitutionnelle s’empressera de valider.

Loin d’être résorbée, la crise postélectorale sera toujours devant nous. Avec son cortège d’instabilité, de désinvestissement et donc de chômage, de fuite de capitaux et de compétences. D’appauvrissement. De révolte.

Pour tout dire, le Mali est dans l’impasse.

Post scriptum : rien ne souligne mieux l’insignifiance du gouvernement formé le 9 septembre 2018 par Soumeylou Boubèye Maïga que la focalisation des média sur la nomination d’une femme, Kamissa Camara, au poste de ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale. Ses lettres de noblesse? Des diplômes français et un parcours professionnel peu commun aux USA. Suffiront-ils pour sauver le Mali? On peut en douter.

   Par Saouti Haidara

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5 COMMENTAIRES

  1. Je partage tout à fait le point de vue de ce journaliste qui demeure un professionnel depuis toujours. Penser qu’il veut mettre de l’huile sur le feu c’est mal le connaitre. Il est un des rares professionnels dans le domaine du journalisme et a toujours observé une position neutre dans ses articles. Il suffit de lire ses articles et les comparer à ceux des autres pour se faire une opinion objective. Bravo Saouti.

  2. Monsieur le journaliste vous êtes trop partial. Soyez juste !
    Si ce pays tombe dans l’abîme, vous tomberez vous aussi et avec toutes vos paperasses.

  3. Un pouvoir animé par la haine contre une personne,comme l’a été celui de GBAGBO contre ALASSANE DRAMANE OUATARA,n’accepte d’écouter la voix de la raison qu’ avec la pression internationale.
    ELLE SEULE PEUT RAISONNER IBK COMME GBAGBO A PLIÉ FACE À SES PRESSIONS AVEC UN ENNEMI INTIME COMME PREMIER MINISTRE .
    IBK et ses thuriféraires ont une haine tenace contre SOUMAILA CISSE depuis l’époque de l’ ADEMA-PASJ,s’est amplifiée au fur des années.
    Tous ceux qui acceptent de s’associer avec lui sont traités au même degré.
    C’est le cas actuellement de RAS BATH auquel on nie même l’évidence d’être un mobilisateur d’électeurs potentiels.
    IBK et ses thuriféraires n’osent même pas imaginer associer SOUMAILA CISSE à l’exercice du pouvoir tant la haine est maladive.
    ON A EXACTEMENT LÀ UNE SITUATION COMPARABLE À CELLE QU’ A CONNU LA CÔTE D’IVOIRE ENTRE 2000 ET 2010.
    L’indifférence d’Ibk aux différentes actions de protestations réussies de l’opposition en est la preuve palpable.
    La violence est inéluctable,malgré les efforts du trio SOUMAILA CISSE -TIEBILE DRAME -RAS BATH à rester dans le cadre des règles démocratiques,si la communauté internationale n’intervient pas.
    IBK A PROUVÉ QU’ IL N’ÉCOUTE QUE LA VOIX DE LA VIOLENCE AU REGARD DE SON AMITIÉ AVEC LES ASSASSINS QUI COMPOSENT LES GROUPES ARMÉS DU NORD.
    On se dirige vers une confrontation souhaitable.
    Souhaitable car IBK ,au sommet de L’ÉTAT,est un cancer auquel on oppose toujours une solution de choc pour rester en vie car IBK va mener inéluctablement ce pays à sa perte.
    Souhaitable à cause de la situation économique actuelle du pays qui doit se débarrasser d’un CLAN pour retrouver son niveau d’antan.
    Souhaitable pour redonner au Mali son image de pays démocratique de la sous région.
    Souhaitable pour permettre aux fils de ce pays de venir à bout des terroristes dans l’union espérée .
    Souhaitable pour débarrasser définitivement notre pays des délinquants de tout genre qui accompagnent ce régime.
    Enfin,il faut souhaiter que l’intervention de la communauté internationale se fera à temps pour ÉVITER cette confrontation souhaitable.
    OSER LUTTER ,C’EST OSER VAINCRE!
    La lutte continue .

    • La France est dans l’impasse avec leurs malversations, corruptions avec leurs Balkaniches…

  4. bjr Mr Haidara
    Je vais rien vous apprendre de la gestion consensuelle du pouvoir au Mali. Le cas de ATT illustre parfaitement cette forme de gestion du pouvoir. Et , sachez qu’en démocratie, il doit obligatoirement avoir une majorité et une opposition. Donc, dites à Mr Cissé de passer à autre chose, les élections présidentielles sont désormais derrière nous.
    En politique, on fait pas de cadeaux à son adversaire. Les candidats 0% doivent se taire à jamais, ils n’ont plus voix au chapitre au Mali.
    Salam

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