Ligne de force : L'affaire du Fonds mondial ou le politiquement incorrect du président ATT

0

Il y a du politiquement incorrect dans l’obstination dont le président Amadou Toumani Touré fait           montre en maintenant au gouvernement Oumar  Ibrahima Touré, malgré toutes les révélations qui           l’accablent et en dépit du désaveu public dont il fait l’objet dans ce qu’il est convenu d’appeler " le scandale du Fonds mondial ". En effet, ces révélations ont fait ressortir clairement l’implication directe et personnelle du toujours actuel ministre de la Santé dans les      détournements opérés au niveau de ce mécanisme de financement. Lequel, rappelons-le, a été constitué au moyen d’une taxe supplémentaire prélevée dans  certains pays occidentaux pour faire reculer les fléaux que sont le Sida, le paludisme et la tuberculose en     Afrique. Oumar Ibrahima Touré est le signataire de tous les marchés fictifs qui ont occasionné ces détournements. Pire, il est  établi qu’il a  écrit lui-même à la Direction Générale des marchés publics (DGMP) pour recommander fortement des bénéficiaires de ces  marchés qui n’ont jamais été exécutés alors que     l’argent destiné à leur financement a bien été décaissé et distribué.

Pour bien moins que cela, des ministres en Europe quittent librement leur fonction et se mettent à la  disposition de la justice pour faciliter et accélérer l’éclatement de la vérité. Dans le cas qui nousconcerne, Oumar Ibrahima Touré n’a pas le courage de quitter le gouvernement malgré, dit-on, deux          auditions humiliantes  devant le procureur du Pôle     économique et financier, Sombé Théra, durant le mois sacré du Ramadan. Il s’accroche désespérément à son poste, comme s’il constituait le meilleur abri contre la justice. De son côté, le président de la République ne semble pas se décider à l’en déloger. Donnant ainsi l’impression de le protéger, voire de l’encourager.  Lorsqu’il s’est rendu en septembre à New York, sans Oumar Ibrahima Touré, pour  plaider le dossier malien auprès des bailleurs du Fonds mondial, il a bien reconnu la matérialité des détournements. Mais, depuis, aucune sanction n’a frappé le premier responsable du département de la Santé, comme un minimum de rigueur et le bon sens tout court portaient à le croire.

Tout se passe comme si ATT veut créditer chez ses compatriotes l’idée que le casse a bien eu lieu, les auteurs emprisonnés et donc tout est rentré dans             l’ordre. Notre compatriote Michel Sidibé, Directeur  Général de l’ONUSIDA, a appuyé l’accélérateur dans ce sens en félicitant avec enthousiasme le président d’avoir réagi avec promptitude et énergie pour neutraliser les prédateurs.

Non seulement le président conserve Oumar   Ibrahima Touré à son poste, alors qu’une quinzaine de collaborateurs de ce dernier (dont le Secrétaire             général, le Directeur administratif et financier et le    régisseur de son ministère) et autant d’opérateurs économiques croupissent en prison, mais il l’affiche à ses côtés comme on l’a vu la semaine dernière à la faveur du lancement de la campagne des journées de vaccination contre la poliomyélite. Une telle attitude, qui frise la désinvolture, voire une totale indifférence à l’égard de son opinion nationale, n’est pas seulement choquante, elle est aussi contre productive.

En effet, des voix chaque jour plus nombreuses s’élèvent pour rappeler qu’ATT n’a jamais été un champion de la lutte anti-corruption, qu’en huit années sous son règne, le fléau a causé plus de ravages dans l’économie malienne que sous les première et deuxième Républiques réunies. Le rapport 2010 de Transparency International, qui vient d’être publié et qui fait ressortir que le Mali a reculé de cinq crans, passant de la 111e à la 116e place sur 178 Etats classés, ajoute de l’eau au  moulin des tenanrs de cette thèse. Certains invoquent une affinité ethnique, voire parentale entre ATT et son ministre de la Santé pour expliquer son maintien malgré la réprobation collective, les critiques acerbes suscitées par l’affaire du Fonds mondial. D’autres même parlent du " parrainage" du second par le premier. Une autre catégorie enfin subodore l’existence d’un deal politicien entre les deux hommes pour affaiblir, le moment venu, Soumaïla Cissé, au profit du candidat de Koulouba. Autant de critiques, de supputations et de procès d’intention dont, assurément, ATT n’a pas besoin, lui qui prépare avec minutie sa sortie en beauté de la scène politique malienne.

Saouti  Labass HAIDARA

 

Commentaires via Facebook :