Ligne de force :Contentieux Mali – Algérie :Boubèye peut-il réussir ?

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Si l’on ne s’attarde pas sur le saut qu’il a effectué à Ouagadougou pour exprimer la solidarité et le soutien moral du président ATT à son cadet et ami Blaise Compaoré face à la plus sérieuse épreuve qu’il subie en 24 ans d’exercice du pouvoir sans discontinuer, c’est donc à l’Algérie que le tout nouveau ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Soumeylou Boubèye Maïga, a réservé sa toute première sortie officielle. C’est la confirmation de ce qui se susurrait au moins trois mois avant que ATT ne se décide à confier sa diplomatie à son vieil ami de 40 ans, que les vicissitudes de la vie politique ont souvent mis dos à dos : à savoir que “Boubèye” – raccourci par lequel le personnage est le plus désigné – est l’une des rares personnalités politiques maliennes – la seule pour certains – à pouvoir sortir les relations entre l’Algérie et le Mali de la mauvaise passe où elles se trouvent.

Caractérisés dans les années soixante par une forte amitié née de l’option commune à bâtir le socialisme et bouter le colonialisme hors du continent africain, les liens entre les deux pays se sont travestis, sous la deuxième République (1968 – 1991) pour devenir ceux d’un suzerain et son vassal. La politique étrangère de Bamako était dictée par Alger et appliquée au pied de la lettre. En échange les forces de l’ordre et de sécurité maliennes recevaient des bourses de formation dans les écoles militaires algériennes et des uniformes qui leur donnaient fière allure. Les somptueuses villas de bord de mer du président algérien servaient de lieux de vacances pour le potentat qui régnait au Mali d’une main d’acier et pour sa famille.

L’avènement de la démocratie a remis à plat “les relations privilégiées” algéro-maliennes. Le Mali, en quête de diversification pour remettre sur pied et relancer une économie plombée par deux décennies de dictature aveugle et d’immobilisme, choisit de s’ouvrir au Maroc, un pays avec lequel il partage plusieurs siècles d’histoire commune et possédant des atouts pouvant lui être utiles. Ce qui passe par une politique de rééquilibrage de ses relations avec Alger et Rabat. Le gel de fait par le Mali de sa reconnaissance de la fameuse “république arabe sahraouie démocratique” sera l’acte majeur de cette politique de rééquilibrage qui va susciter le courroux, voire la haine de l’Algérie, sans satisfaire le Maroc. En effet, l’Algérie y voit une trahison dans la mesure où c’est le Mali qui a co-parrainé avec elle l’admission de la fictive entité à la défunte OUA. Le Maroc œuvre sans cesse pour que ledit gel de fait devienne un gel de droit, étape franchie par la majorité des Etats membres de l’Union africaine.

Mais l’Algérie ne s’est point arrêtée à un simple constat de la révision de la politique malienne sur la question de la prétendue “RASD“. Elle a entrepris, depuis plusieurs années, de faire payer au Mali son lâchage. Elle a suscité, organisé, entretenu des soulèvements armés dans la région de Kidal. Elle a exporté le terrorisme salafiste devenu al qaïda dans le nord Mali, tué le tourisme en plein essor dans la majeure partie de cette zone et réussi à brouiller l’image du Mali dans le monde, grâce à ses connexions dans le domaine du renseignement et une campagne diplomatico-médiatique systémique. En 2010, c’est par miracle que le Mali a échappé à une résolution infamante de l’Assemblée générale de l’ONU le désignant comme complice du terrorisme mondial. Alors que si un pays doit être mis au ban de la communauté internationale pour collusion avec le terrorisme, c’est l’Algérie elle-même, qui l’a enfanté et exporté chez ses voisins.

Officiellement Boubèye est à Algérie pour étudier avec ses hôtes la manière de “conjuguer encore plus (nos) efforts pour pouvoir trouver les réponses les plus adéquates à la situation sécuritaire dans la région du Sahel” qu’il juge “grave et préoccupante“. Il faut craindre qu’il ne s’agisse là que de simples propos de circonstance et que sa mission ne soit vouée à l’échec.

En effet, si la lutte anti-terroriste dans le Sahel n’a jusqu’ici abouti à aucun résultat tangible, c’est bien par la faute de la seule Algérie qui a refusé les patrouilles mixtes, l’appui logistique aux militaires maliens lancés aux trousses des terroristes, les échanges de renseignements indispensables dans ce type d’opération. En somme, elle rejette toute forme de coopération avec ses voisins pour éradiquer le fléau et est toujours la première à dénoncer sur tous les toits du monde la mauvaise foi et l’incurie des autres.

Les relations entre les deux pays sont à ce point mauvaises (le refus par les autorités algériennes de faire transiter par leur territoire un matériel de forage pétrolier destiné au Mali en est la plus récente illustration) qu’on peut se demander ce que Boubèye pourrait bien y changer. Ce, malgré les bons rapports qu’il entretiendrait avec Bouteflika qui lui a fait dérouler le tapis rouge, c’est vrai. Mais il y a dix ans de cela et le président algérien était encore solide au poste de commande. Aujourd’hui, c’est un vieux monsieur malade et usé. D’autres forces gouvernent à sa place. Plus pour leur intérêt sordide que pour le bien du peuple algérien.

En tout état de cause, la page “RASD” est reformée pour la diplomatie malienne. On n’avance pas en reculant.

Saouti Labass HAIDARA

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