A la cérémonie d’investiture d’Alassane Dramane Ouattara, samedi 21 mai à Yamoussoukro, capitale politique de la Côte d’Ivoire et surtout ville symbole de l’houphouétisme triomphant, le président Amadou Toumani Touré se trouvait, comme cela se devait, au milieu des têtes couronnées venues des quatre coins du monde, dans une salle archicomble mais, contrairement à l’accoutumée, il n’était pas particulièrement visible.
En fait, pour parler proprement, il était quasi inexistant. A l’entame de son discours bâti sur le triptyque rassemblement – réconciliation- reconstruction, qui a achevé de convaincre les sceptiques sur sa stature d’homme d’Etat et la chance qu’il représente pour la Côte d’Ivoire, l’hôte du jour a adressé ses salutations sincères et ses remerciements spéciaux aux personnalités qui ont le plus contribué au retour de la paix et au rétablissement de la démocratie dans son pays. Au premier rang de celles -ci, Nicolas Sarkozy (fortement ovationné dès son entrée dans la salle) dont le courage politique, l’engagement en faveur du respect des valeurs démocratiques et républicaines et la clairvoyance ont été décisifs, via l’intervention des forces de la Licorne placées sous mandat de l’ONU, pour déloger rapidement Laurent Gbagbo et son dernier carré de fidèles du bunker présidentiel où ils s’étaient réfugiés.
Le Secrétaire général des Nations-Unis, Ban Kimoun, a été la deuxième personnalité à recevoir les éloges mérités du nouveau président ivoirien pour le rôle irremplaçable joué par l’organisation mondiale dans l’accompagnement du processus électoral en Côte-d’Ivoire, du début à la fin. C’est, en effet, elle qui a mobilisé l’essentiel des 300 milliards de FCFA dépensés pour la tenue du scrutin présidentiel, déployé sur le terrain de 8 à 10.000 hommes pour assurer la sécurité des populations civiles (le bilan des 3000 morts officiellement annoncés aurait été pire si elle n’avait pas été là) certifié, comme le veut l’accord de Ouagadougou, les résultats électoraux, donnant ainsi la reconnaissance internationale à l’élection de ADO.
Le président sénégalais a été cité à juste raison et à titre personnel parce que – on a tendance à l’oublier – il a été le premier chef d’Etat de la sous-région à s’impliquer activement dans la recherche de solution à la crise ivoirienne, réussissant, peu de temps après son éclatement, à arracher aux deux parties en conflit (le gouvernement Gbagbo et la rébellion de l’époque acquise à la cause de Ouattara) le premier accord de cessez-le- feu. Ce qui lui a valu le Prix Houphouët- Boigny pour la Paix et le Dialogue entre les peuples. C’est aussi lui, dit-on, qui a usé de sa qualité de membre influent de l’Internationale libérale (IL) – la rivale de l’Internationale socialiste (IS) – pour amener cette organisation, qui regroupe la majorité des partis au pouvoir en Europe, à apporter un soutien politique efficace à Alassane Ouattara.
Le président burkinabé Blaise Compaoré, en tant que facilitateur du règlement de la crise ivoiro-ivoirienne, celui du Nigeria Goodluck Jonathan en tant que président de la CEDEAO, celui de Guinée Equatoriale Téodoro Obiang Nguema Mbasogo en tant que président de l’Union africaine (UE) et le chef de l’Exécutif américain Barack Obama ont bouclé la liste ultra sélecte des personnalités qui ont mérité de la gratitude de la Côte- d’Ivoire pour l’avoir aidée à surmonter la plus grave crise de son histoire post- coloniale.
ATT n’a pas figuré sur cette liste publiquement déclamée et, du coup, perdait en visibilité. Parce qu’il a choisi, dès le début, de ne pas participer à la gestion de la crise ivoirienne. Cette neutralité étant dictée par le souci de ne pas exposer la forte communauté malienne résidant en Côte d’Ivoire (on parle de 2 à 3 millions de personnes) à des représailles de l’un ou l’autre camp. Au final, elle s’est révélée peu payante voire contre – productive, puisque ATT a été accusé par des journaux proches de Alassane Ouattara d’avoir favorisé, en tant que président en exercice de l’UE MOA, le paiement des salaires de Décembre 2010 en Côte d’Ivoire, procurant ainsi une longévité inespérée au régime Gbagbo aux abois. Ce à quoi il a répondu qu’il n’a ni l’autorité ni les moyens de payer les salaires des ivoiriens. Ensuite, il a été présenté comme l’un des chefs d’Etat membres de la CEDEAO les plus hostiles à l’envoi des troupes de l’organisation sous – régionale pour chasser Gbagbo du pouvoir. Ce que Alassane réclamait avec insistance et empressement.
La conséquence immédiate qui a découlé de l’option faite par ATT a été que ADO a superbement snobé le Mali lors de ses toutes premières sorties réservées à l’aîné Abdoulaye Wade et au cadet Blaise Compaoré. C’est incontestablement le signe d’un refroidissement entre Abidjan et Bamako. Lequel était palpable dans la salle qui a abrité la cérémonie d’investiture de Yamoussoukro. Il faut espérer que les choses en restent là, mieux, qu’elles s’améliorent au plus vite, le Mali étant fortement dépendant de la Côte d’Ivoire ainsi que cette décennie de crise dans ce pays l’a amplement démontré.
Saouti Labass HAIDARA