Les inconditionnels du Guide à Bamako écarquillaient les yeux devant le spectacle des insurgés sortir avec les effets de l’ancien homme fort de Tripoli dont le palais est bombardé depuis plusieurs mois par les forces de l’Otan. Mais la capitale malienne ne perd pas espoir. Elle n’a pas vu Kadhafi sous les décombres. Et ceci, la rue le voit comme les prémices d’une revanche imminente à la mesure de l’humiliation infligée à son héros. Mais si le Malien lambda y croit, les citoyens les plus avertis sont gagnés certains par le découragement. Un cadre qui a très souvent pris la route de Tripoli et géré des intérêts libyens au Mali confessait en fin d’après-midi après avoir vécu en direct le saccage de Babel Azizia son écœurement. « Pourquoi tant de morts et de gâchis ? ».
Le Niet de Benghazi
Pour lui, plus que les bombes de l’Otan, c’était la feuille de route de l’Union africaine qu’il fallait à la Libye. Son argument ? Cette feuille de route, soutient-il, comprenait la fin des violences tant celles qui venaient de Tripoli contre Benghazi que celles qui venaient des puissances de la coalition contre Tripoli. Ensuite, elle tranchait nettement pour la démocratie, ce qui voulait dire le départ de Kadhafi. Ce dernier aurait-il accepté ? Notre interlocuteur haut placé était avec le président malien en mars dernier où le panel des cinq chefs d’Etat africains remettait, par le Mauritanien Aziz, la position du continent. Pour la petite histoire, c’est l’Otan qui avait guidé le pilote de l’avion présidentiel malien.
Pour la grande histoire, il faut savoir que le Guide, dans un premier temps, ne voulait rien entendre de l’offre africaine. Mais il a fallu « Att pour le convaincre ». L’accord du guide ne réglait pas tout le problème. Il fallait aussi le OK des insurgés. Et dans la foulée, les présidents dont Att se sont rendus à Benghazi. Mais ils furent « très très mal reçus ».L’étau se resserrait déjà autour de Kadhafi. Paris, Londres et Washington avaient déjà choisi leur dialogue : c’était celui des F-15 avec les toits de Tripoli. Hillary Clinton n’ayant de l’amour que pour le peuple libyen –au même moment le fils Assad tirait ses manifestants dans le dos- est allée jusqu’au siège de l’Union africaine gronder les leaders du continent comme du poisson pourri. Il ne lui fallait pas plus de temps pour rallier à sa cause. Le ver était dans le fruit. Et la plus tragique évidence de cette affirmation réside dans le coup d’éclat de l’ambassadeur libyen à Addis, un ex-inconditionnel de Kadhafi qui a brandi, hier mardi, le drapeau du Cnt devant ses pairs médusés. Mais qui ne resteront pas longtemps indécis. Le géant Nigérian a reconnu hier le Cnt. Et c’est certain que l’Afrique du Sud s’alignera bientôt et ne peut tout de même pas faire oublier qu’elle a voté des deux mains la résolution 1973.
Le nouveau drapeau libyen déjà à Addis !
L’Egypte et la Tunisie, ce n’est pas surprenant pour ces épicentres du printemps arabes ont signifié leur choix. Parmi les grands contributeurs africains à l’UA, il restera l’Algérie. Realpolitik oblige : elle se rangera. Et puis, ne récupérera-t-elle pas enfin son partenaire héréditaire, le Mali auquel elle reprochait, plus que souvent, de préférer l’axe Tripoli ? Les voies du Sahel sont insondables mais il tiendrait du miracle que le nouveau pouvoir de Tripoli reconduise pour Bamako la passion qui fut celle de Kadhafi. Un qui ne cachera pas sa déception à ses pairs, c’est bien Museveni l’Ougandais. Il s’est battu comme un diable. Il n’aimait pas beaucoup Kadhafi. Mais il a toujours soutenu que les missiles n’étaient pas la solution. Dans les différentes rencontres de l’organisation continentale, il était avec le président malien, constamment mis en minorité. L’Union africaine se réunit vendredi sur la Libye post Kadhafi.
On la voit mal décerner autre chose que le certificat de décès au régime de celui qui eut le malheur de rester quarante deux ans au pouvoir, même s’il fut l’artisan du nouveau souffle qui a balayé l’Oua. Le président malien que ses proches disent très attristé par les événements de la Libye y sera-t-il ? A l’heure où nous bouclions, rien n’était sûr. Il était par contre sûr qu’il se rendrait à Nouakchott jeudi pour participer à la rencontre prévue du panel. A condition qu’elle ait lieu. Entant donné la possibilité de la tenir en marge de la rencontre du Conseil de Paix et de Sécurité dans la capitale éthiopienne. A part la tristesse au palais et dans les chaumières du Mali, plus rien n‘est vraiment très sûr.
Adam Thiam