Lettre à mon oncle Bass

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Cher oncle,

 Bonjour !

 Eh oui, Tonton, tout le plaisir est pour moi, de reprendre ma plume (la seule qui me reste) pour t’adresser cette lettre, après une longue absence.

Toutes mes excuses pour ce silence sans « sommation », mais, toi-même tu sais, (tu me l’as dit plusieurs fois), il faut souvent savoir mourir… un peu.

Pour être concret mon oncle, je me suis fait accompagner à Ségou par quelques bras valides de la troupe familiale.

L’unité composée de 18 bouches a travaillé, (comme manœuvres sur un chantier) 20 jours durant, pour rapporter à la maison à Fantambougou-Bamako, la somme de 32.000 FCFA. Un petit calcul et tu auras une idée de ce qu’écrivait l’Allemand Karl Marx dans son œuvre ‘’le capital’’.

Voici là, Tonton Bass, les raisons de mon silence, depuis quelques semaines.

En tous les cas, tu n’auras pas perdu grand chose par rapport aux nouvelles du pays car, au Mali rien ne change. Surtout, dans le camp des Maliens d’en bas qui constituent l’écrasante majorité.

C’est te dire que, nous les ‘’en dessous,’’  continuons, malgré les ‘’initiatives’’, projets de développement et autres balivernes, de subir les coûts assassins des céréales et des denrhées de première nécessité.

La Santé ? C’est toujours un luxe pour les petits et les faibles que nous les « en dessous » sommes, malgré la gratuité de la césarienne (combien sommes-nous à la subir ?), les constructions et équipements de CSCOM et autres….

Pire, nous les en bas demeurons toujours la proie innocente de cette terrible maladie : la misère. Mais, toi-même tu sais cher oncle, nous les piétinés, les faibles et les petits n’avons jamais connu autre chose que les lendemains incertains, le désespoir, la faim, la soif, la maladie et l’injustice.

Contrairement à cette minorité insolemment nantie, à ces nouveaux riches qui, après avoir emprunté l’ascenseur pour se retrouver “en haut”, nous bloquent même les escaliers qui y accèdent. Conséquence de cette situation, nous continuons de vivre dans des poulaillers,  à subir la faim,  la soif et les maladies.

En somme, tout ce qui nous arrive, est le fait de ces hommes démoniaques, ces vampires bipèdes, ces vautours, crocodiles et moutons de la République qui s’abreuvent de notre sang et se baignent dans notre sueur.

Walahi, Bilahi, je jure, si par chance, ces gens-là, arrivaient à échapper au Tribunal historique de la honte ici bas, ils trouveront là-bas, à la « Cour d’Assises de Lahara », les implacables pilons et mortiers qui serviront à les moudre comme du petit mil. Je le dis pian !

En attendant, cher oncle, je te demande de m’autoriser à vendre ton petit champ de Dèssèbougou. Cela, afin que je puisse aller m’embarquer en Lybie à bord de ces pirogues qui regagnent clandestinement l’Europe. 

Je sais tonton, que l’entreprise est extrêmement difficile et surtout suicidaire, mais, toi-même tu sais, ce sont les vivants qui doivent redouter la mort.

Or, dans mon cas, avec les poches trouées, le ventre vide, sans emploi, marié de force avec la misère, je suis, depuis fort longtemps mort. Oui, mort ! Parce que, c’est ça qui est ça !

Je sais que tu me comprendras et accéderas à ma demande ‘’Tio bélébélé’’ !

Des nouvelles de la République, je ne peux présentement te dire grand-chose. A part le fait qu’elle  a été marquée par une timide célébration   de la journée internationale des Travailleurs et le message traditionnel que le président de la République leur  a adressé.

Son message donc, s’adressait aux autres : les Maliens d’à droite  d’à gauche et d’en haut. Mais Walaï, Bilahi, cher oncle, je crois que, les vraies félicitations devraient être plutôt adressées à tous ces chômeurs qui cherchent vainement du travail, mais qui, malgré la misère noire qu’ils broient, ne se suicident point et gardent encore espoir.

D’ailleurs cher oncle, moi je me demande où sont les vrais travailleurs dans ce pays ?

Ce ne sont certainement pas ces milliers de gens qui, sous la tenue de « travailleurs », rançonnent à chaque coin de rue, à chaque coin de brousse, nos braves populations. Ce ne sont pas non plus, ces centaines de milliers de cadres qui se rendent au travail à l’heure qu’ils veulent, retournent à la maison à leur guise, et passent leur temps dans les bureaux à avaler des tasses de thé, à abuser du téléphone, à voler et à piller l’économie nationale.

Je ne commettrais pas la bêtise d’aller jusqu’à dire qu’il n’y a point de travailleurs dans ce pays. Il y en a encore (heureusement) qui se mouillent la chemise pour faire avancer ce pays. Mais le nombre est si limité… C’est d’ailleurs pourquoi, le pays en est encore là… Avec ses citoyens d’en bas de plus en plus nombreux, ses affamés, ses assoiffés, ses cadavres ambulants, ses déchets humains et ses cimetières qui reçoivent plus de ‘’patient’’ que les hôpitaux et les cliniques.

Ainsi va la vie au Mali…

A lundi prochain Inchallah                             

Par ton petit Ablo.

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