Lettre à mon oncle Bass, Cher oncle,

0

Bonjour ! Ainsi donc, tu ne reconnais pas le vieil homme de la photo que je t’ai envoyée la semaine dernière ? Allah Akbar !

 

Eh oui, tonton, l’homme de cette photo est effectivement méconnaissable. Parce que, à 28 ans, il a des cheveux blancs.

 

Maigre comme un chat de Goundam, amer comme du tabac de Bamba, désespéré comme un margouillat entre les mains de "bilakoros", pauvre comme un rat de Kidal, cet homme de 28 ans ne peut avoir que les apparences d’un vieillard moribond. Mais, cet homme là, tonton Bass, n’est autre que moi même, ton petit Ablo.

 

Walahi, c’est bien ma photo que tu as entre les mains.

Cependant Bass, oublie là, cette photo, car, toi-même tu sais, le temps et les conditions sont toujours à même de régénérer un homme (comme c’est le cas avec les plantes) dès lors que ce dernier n’a pas eu la mal chance d’être transporté, (aux frais des autres) par le détestable minibus noir.

 

C’est vrai tonton, que je viens de mettre en sursis, ma décision de me suicider par pendaison, mais, ce n’est pas par la peur de la mort.

 

Que non, tonton ! La peur ne fait pas partie du monde des Maliens d’en bas.

Ceux qui redoutent la mort, ceux sont ceux qui vivent.

 

Ceux qui craignent la prison, ce sont ceux qui sont libres. Or, toi-même tu sais, ton petit Ablo, sans emploi, les poches trouées, est mort (sans être enterré) depuis longtemps.

La prison ? Mais… puisque, j’y ai toujours été…. Car il n’y a pas pire prison que la pauvreté qui a épousé par la force, la majorité des Maliens.

 

Tout ça, pour te dire de ne point craindre pour moi. Car,  personne ne peut me tuer, (parce que je suis déjà mort) et personne ne peut m’emprisonner, car, en prison, j’ai toujours été. J’y demeure encore.

 

C’est pourquoi, je continuerai (pendant quelque temps encore) à t’écrire, jusqu’à épuiser tout mon vocabulaire et je parlerai à tarir la source de mes salives.

Aussi, dès la semaine prochaine, Inchallah, j’enverrai, (de gré ou de force), dix membres de la troupe familiale au village à "Dessèbougou".

 

Cela permettra, non seulement, de "soulager" un peu la marmite familiale (qui ne fonctionne d’ailleurs qu’une fois tous les deux jours) à Fantambougou-Bamako, mais aussi, d’apporter du renfort à mon oncle Sidiki de "Dessèbougou".

A chaque mal son remède, il nous faut adopter cette stratégie car, par ces temps, rien ne va au Mali.

 

Surtout sur le plan de la bouffe.

Et pour cause, les prix de la viande, des céréales et des autres denrées de première nécessité montent, chaque jour qui passe, en flèche, pendant  que l’argent se raréfie.

Conséquence de cette situation, même les mouches, de nos jours, meurent de faim au Mali.

Qu’ont-ils fait, les Maliens, pour subir un tel sort ?

Walahi, Bilahi, je jure, je n’en sais rien, mais, Selon El Hadj Yourgouyougou (le marabout du coin), la situation serait une réponse divine aux comportements indécents devenus phénomène de mode au pays.

 

C’est vrai que nous les "en bas", les petits et les faibles croyons en Dieu (nous n’avons d’ailleurs pas le choix, la religion selon l’autre, étant l’opium du peuple), mais, moi ton petit Ablo, j’ai mon explication "scientifique" au mal qui frappe le Mali.

En effet, cher Bass, un pays ne se gère pas au jour le jour, ou en jouant au sapeur pompier.

 

Il faut prévenir, au lieu de chercher à guérir.

C’est dire que, des fonds importants et spéciaux devraient être disponibles (à défaut de véritables banques de céréales) à tout moment pour agir sans tarder, chaque fois qu’il y a une menace imminente de crise céréalière dans le pays. Hélas ! Jamais, ce ne fut le cas.

 

Comment d’ailleurs, peut-il en être autrement, quand les ressources nationales, sont dilapidées, détournées, volées par une minorité, et cela, impunément ?

Comment, pouvait-il en être autrement, quand, une poignée d’hommes et de femmes, téméraires et sans vergogne, pillent tranquillement les biens de la Nation pour construire des paradis "familiaux", dans un désert d’enfer pour la majorité ? Allah Akbar !

Ah ! J’oubliais… Qu’ont-ils fait les Maliens au cours de cette année cinquantenaire de l’Indépendance du Mali, me demandais-tu ?

 

Hé bien, voici ta réponse : du 1er janvier 2010 à ce jour, nous chantons.

En 2011 ? Nous danserons ! Walahi, bilahi, je jure.

Vive le Mali ! Vive la République.

A  lundi prochain Inhallahou !

Par ton petit Ablo !

 

Commentaires via Facebook :