Lettre à mon oncle Bass, Cher oncle,

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Bonjour ! Je n’ai toujours pas vu ton envoyé Moriké, afin d’entrer en possession des 6 000 Fcfa, et non plus la réponse à ma dernière lettre.

Walahi, Bilahi, je jure, même si cet escroc de Moriké se cachait sous la terre, je l’y dénicherai pour lui faire payer le prix de sa témérité !

 

Allah Akbar ! Cet “assassin”, n’est vraiment pas conscient du fait que, à Fantambougou, quiconque détourne un seul centime d’un Malien d’en bas, court le risque de se faire égorger… par le bas.

 

Inchallahou, Moriké n’échappera pas au courroux de la lame de mon couteau.

 

Mais, en attendant, Tonton Bass, je dois reconnaître que “les voies du seigneur sont impénétrables”. Deux bonnes nouvelles : la première : la troupe familiale a réceptionné hier, deux sacs de sorgho et la somme de 20.000 Fcfa qui lui ont été gracieusement offerts par le Président d’un parti politique.

L’homme, a accompli ce geste en échange de la promesse que je lui ai faite, de faire voter, en sa faveur aux prochaines élections présidentielles et la troupe familiale et celles des voisins.

 

Alhamdoulilahi ! La marmite familiale ne sera pas en jachère pendant quelques jours.

C’est vrai que tout cela est éphémère, (hélas) mais, toi-même tu sais, pour nous les “en bas”, seule importe l’assurance de la bouffe du jour.

 

Sécurité alimentaire ? Nous n’en rêvons même pas !

Je viens par ailleurs d’être désigné par un homme politique comme membre des jeunes chargés d’acheter les consciences (à travers la distribution de thé, sucre et céréales) en vue de le faire gagner aux prochaines élections présidentielles.

 

Cet homme a-t-il cependant la chance de sortir victorieux de la bataille ?

Je n’en sais rien. D’ailleurs, je m’en fiche ! Mon objectif, n’étant que d’avoir de quoi survivre pendant quelque temps.

 

Allah Akbar tonton ! Avec tout ce que j’espère arracher en terme d’argent à cet homme, en France finalement, je serai ! Bientôt, finis pour moi le régime d’un repas tous les trois jours, la sauce au vilain “thiékouroulé”, le “tiguédégué na”, les sauces sans viande.

 

A moi bientôt les cotellettes d’agneau (sautées à la vinaigrette) les cuisses de grenouilles à la mayonnaise, les crevettes et le caviar !

 

Je sais tonton que tu m’en veux d’être obstiné à aller au pays de “nos ancêtres les Gaulois”, mais, tu m’offenserais mortellement, si tu me considérais comme un apatride. Soubahanalla !

Mais, toi même tu sais, la vraie patrie, c’est celle-là où, on a à manger. “Walahi, Bilahi, je jure !”

Or, dans ce Mali là, pourtant propriété commune à nous tous (d’en bas comme d’en haut), il n’y a absolument plus d’espoir pour les “en bas”, l’écrasante majorité. Et pour cause.

Les vertus cardinales de notre société (l’honneur, la dignité, l’honnêteté, la solidarité et le sacrifice), sont de nos jours piétinées et même assassinées par ceux-là mêmes qui devraient avoir comme mission principale de les pérenniser.

Alors, que faut-il faire ? Se résigner à survivre dans le désespoir ou, risquer de mourir en courant après l’espoir ?

 

En France, Inchallahou, “j’irai par la forêt, j’irai par la montagne” ! Walahi, Bilahi, je jure !

Aussi, j’espère qu’en ce qui te concerne, tu te portes à merveille et resteras pendant longtemps à même d’exercer ton travail de docker au port de Dakar. Et pour cause.

 

Ici, il n’y a rien ! Or, la troupe familiale est non seulement au grand complet, mais, pire, elle continue toujours d’entretenir les 25 bouches qui nous venues de Tombouctou suite à ce que tu… sais.

Les malheureux, pauvres comme des rats d’église, affamés et ayant encore la trouille au ventre, ne se décident toujours pas à emprunter le chemin du retour.

Ils me font certes de la peine, mais, ces derniers temps, ils m’énervent.

Parce que, toi même tu sais tonton, la troupe familiale à Fantambougou-Bamako, nombreuse de 37 bouches est déjà insupportable pour la marmite.

Je n’en peux plus, en pensant à tout ça…

De grand mère, de la troupe familiale, des Maliens de la Rue publique, de la République, du redoutable et désormais très riche capitaine, du marigot politique du pays, je t’en parlerai la semaine prochaine.

A lundi prochain Inchallah !

Par ton petit Ablo !

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