Lettre à mon oncle Bass,

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Cher oncle,

Bonjour ! Et permet-moi tout de suite de te signaler, que je n’ai toujours pas reçu de réponse à ma dernière lettre.

J’espère cependant, que tu te portes très bien et que ton dos de docker est toujours apte à tenir sous le poids des charges au port de Dakar.

Walahi oncle Bass, il faut que tu tiennes encore, car ici dans la famille à Fantambougou, personne n’a encore… percé.

Des 48 membres de la troupe familiale, aucun n’est encore à même de contribuer au fonctionnement de la marmite.

Alors, sans toi (et bien sûr Dieu), nous sommes tous cuits.

C’est vrai que pour ma part, je continue de me battre et de me débattre, mais, toi-même tu sais, le Mali d’aujourd’hui est une véritable jungle où, les plus puissants ne laissent aucune chance aux plus faibles.

Mais, je garde comme un sacerdoce cette pensée de Vigny : « gémir, pleurer, prier est également lâche, fait énergiquement ta longue et lourde tâche, dans la voie ou le sort a voulu t’appeler, puis, après, comme moi, souffre et meurt sans parler ».

Seulement, dans mon cas, je parlerai. Car ma langue est un bien précieux et tant que les cordes qui l’animent fonctionneraient (j’espère jusqu’à l’ultime soupir), j’en ferai usage et feu de tout bois.

Même si, ces moutons de la République, ces vampires de la pire espèce, ces cannibales qui volent et pillent impunément les biens communs à tous, sont si fiers (parce que sans vergogne) qu’ils ne souffrent point de nos (nous d’en dessous) regards de mépris et de nos crachats.

Parce que, entre la dignité et les biens mal acquis, ils ont choisi ces derniers. Honte à eux !

Ton petit Bouba, cher Bass, colporteur de tristes nouvelles ?

Je ne t’en voudrais point de me juger ainsi, mais, je ne dis que la vérité.

Revenant à la famille à Fantambougou-Bamako, nous disons, non seulement « Aleïkoum Assalam », mais aussi, « Alhamdoulilahi ». Cela, parce que, personne n’a été embarqué à bord de l’indésirable minibus… noir.

Walahi, Bilahi, je jure, il faut croire en Allah car, seul lui est impartial, juste et bon.

Par là, je ne suis point entrain de devenir un « islamiste », ou un prêcheur. D’ailleurs il n’y a plus de place dans ce milieu. Sinon, j’y entrerai…. pour profiter comme les autres.

Toujours concernant nous d’en bas, je te signale cher Tonton, l’ouverture lundi dernier des portes du ministère de la solidarité, pardon du mois de la solidarité.

Mais, toi-même tu sais, cela ne nous (les en bas) fait ni chaud, ni froid.

A jeun, nous les petits et les faibles avons toujours été. Cela, du 1er janvier au 31 décembre !

Et rien, encore moins la « solidarité d’Octobre », ne saurait nous en sortir.

La pauvreté mon pauvre Bass, est une implacable prison dont les « pensionnaires » ne peuvent s’en libérer, tant que les ressources du pays demeureront entre les mains sales d’une minorité, d’un clan.

Ce qui est, malheureusement le cas chez nous au Mali. Et je le dis pian !

Même si, nous avons au moins, cette consolation (qui n’est rien, mais qui vaut mieux que rien) de nous réveiller tous les matins, sans devoir nous prosterner devant aucun mortel ici-bas, ni craindre de nous voir retirer des privilèges.

Privilèges dis-je ? Allah Akbar ! Nous autres, les petits et les faibles n’en avons qu’un seul, et le meilleur ; celui d’être encore sur terre et non “sous terre”.

Cependant, “il faut le dire, c’est normal”, personne ne peut s’habituer à vivre dans la pauvreté et la désolation. Et, ce mois d’octobre dit de la solidarité, (je le dis encore) ne nous fait ni chaud, ni froid.

Et pour cause. Même nos hautes autorités ne parlent de solidarité que pendant un seul petit mois sur les 12 de l’année.

En somme, mon pauvre Bass, ce mois d’octobre, dit de la solidarité, n’est qu’une brève occasion pour nos en haut d’en haut et particulièrement pour ce Ministère d’octobre, de donner l’impression d’avoir une raison d’être.

Développement Social ? Où, quand, au profit de qui ?

Plutôt développement des ventres de ceux qui animent le département.

Solidarité ? De qui ? Envers qui ? Rien que de pitoyables mises en scènes pour, en échange de poignées de mains, de noix de colas et de quelques misérables billets de banques, obtenir des clichés pour les propagandes politiques.

Bien heureux d’ailleurs, nos vieux qui sont… partis. Car, mieux vaut mourir que de voir de son vivant, certaines choses qui se passent dans ce pays.

Personnes âgées ? Allah Akbar ! Il n’y en a même plus (presque plus) dans ce pays. L’écrasante majorité ayant déjà été zigouillée par la faim, la soif, la maladie, la misère et le désespoir.

C’est pourquoi tonton, je le dis, gare à celui qui tentera de franchir notre portail de Fantambougou pour se faire photographier ou filmer avec grand-mère.

Il avalera ses colas avant que je ne l’assomme à l’aide de mon gourdin. Walahi, Bilahi, je jure !

Par ailleurs, je te signale cher Bass, que les écoles ont effectivement ouvert leurs portes depuis maintenant deux semaines.

Les enfants, “d’en bas” comme ceux “d’en haut”, tous sont au rendez-vous. Mais, concernant les premiers, toi-même tu sais, ce n’est qu’une histoire de formalité.

Qui n’a rien dans le ventre, ne peut avoir quelque chose dans la cervelle. Ceci est une loi de la nature. Bilahi !

En plus, à l’école malienne de nos jours, tout s’achète et se vend : les notes, les sujets d’examens, les diplômes, les enseignants, les directeurs et même autre… chose. Ahouzoubillahi !

Que Dieu sauve les choses “sacrées” des nageurs que nous sommes. Amen.

A lundi prochain Inchallah !

Par ton petit Bouba !

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