Cher grand-père, c’est ma 19ème lettre pour toi après ton ultime voyage auprès des siens comme Modibo Keita et Soundjata Keita. C’est la 19ème fois que je t’écrive et je sais que tu me lis car les morts ne sont jamais morts, ils sont là dans le ciel et sous la terre, nous lisent, nous écoutent et nous parlent. Tu fais de même cher grand-père. Je le sais et je te sens. Certes, grand-père, je ne flatte point ta gouvernance, car elle a échoué mais ce Mali, tu y tenais. En ta renommée de grand bâtisseur, tu eus voulu. Mais hélas ! Ta main d’émotion a adopté tes propres ennemis. Et ainsi, fut fait.
Cher grand-père, après toi, la République est devenue tel est chef de bataillon, tel autre a la garde nationale, l’armée de l’air obéit à celui-là et l’armée de terre n’acceptera jamais qu’on touche à l’autre. Tel est le président du boulevard, tel dirige la rue. « Une Rue-militaro-cratie» ! Dans une gouvernance sans autre planification que l’orientation des applaudissements du boulevard et de la rue.
Cher grand-père, nous sommes en transition politique mais désormais, c’est le retour à l’ordre constitutionnel qui est devenu la tentative de déstabilisation et le coup d’Etat. Gare à celui qui mentionne cette expression « retour à l’ordre constitutionnel », ou qui tente d’y œuvrer, que tu sois un conseiller national ou un soldat, tu démériterais et serais soupçonné de tentative de déstabilisation et de coup d’Etat. Vive la transition ! Vive Choguel !
Cher grand-père ! Hollywood peut venir s’inspirer du Mali. Ceux qui savent et qui sont avertis ne dorment que d’un œil. Nous voulons refonder, mais nous ne sommes point situés. Nous ne savons plus où aller ni qui satisfaire. Faut-il nous radicaliser davantage à rompre avec le monde entier ? Faut-il continuer à suivre les coups d’humeurs et les applaudissements depuis le boulevard de l’insurrection pour prendre nos décisions et conduire la politique nationale ?
Cher grand-père, la refondation a commencé par proroger la transition et se termine par la révision de la loi électorale. On ne se soucie plus de la crise politique. Aucune réflexion sur le modèle d’Etat à instaurer, ni régime politique ou le système judiciaire. Au lieu de refonder par le sous bassement, la Constitution pour donner une architecture étatique, on commence par la fin, la loi électorale qui doit propulser hors de la transition.
Cher grand-père, limiter la politique de l’Etat à ce qui fait joindre les mains de ceux qui ignorent tout de l’Etat et du monde, c’est vraiment, un jour porter un regard de regret sur le tout. C’est possible de sauver le pays et c’est déplorable de faire chuter tout un pays pour l’intérêt de quelques personnes. Si le Mali tombe, où iront ces personnes pour qui, aujourd’hui, nous sommes en train de sacrifier le pays. Pour l’intérêt et le confort de quelques hommes. Que c’est regrettable ! Très regrettable ! A mardi, prochain. Inch’Allah
Lettre de Koureichy