Lettre à grand-père

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Cher grand-père

Aujourd’hui, je suis en deuil. Un long deuil sans espoir. Un deuil du devenir de notre nation, notre patrie, notre Maliba. Je suis en deuil, grand-père. Je vis le deuil de nos profondes cultures et nos grandes civilisations. Je suis en deuil de ce qui faisait nos racines profondes, notre être debout et les feuillages de nos pensées. Ce que nous fûmes. Le Malien.

Ce que nous fûmes jadis. Cet homme qui jurait rarement. Cette femme qui avait comme serment : « Fils, si aucun autre homme n’a vu mes cuisses qu’il en soit ainsi». Et la nature avait honte qu’il en soit autrement. Cet homme pour qui, le sacré est inviolable. La fille et la femme de son ‘’Faden’’ (frère). La fortune d’autrui. Le Don sans être un salaire. Ces hommes qui savaient dire Non au confort et au plaisir. Ce que nous fûmes jadis.  Le Malien.

Cette société calme et respectueuse. Où les institutions premières  étaient mystiques et secrètes. Où les décisions du roi étaient la réflexion et la concertation des sages et des connaisseurs. Des décisions exemptes de toutes souillures de la passion, de l’émotion et de l’ignorance. Où au plus avancé, on faisait recours au ‘’Kômô’’ et au ‘’Kalwa’’.  Oui, grand-père, aujourd’hui, je me dois de trahir Hermès, pour retrouver ce que nous fûmes jadis. Le Malien.

Au Wagadu, quand les 7 sages aujourd’hui réduits par l’ignorance à des sexistes, se concertaient pour le sort de Koumbi. Quand Soundjata consultait marabouts et chasseurs pour le devenir du Mandé. Quand Ségou demandait au ‘’Lonitigui’’ (connaisseurs’’ des avis éclairés. Quand Macina, concertait les Kounta. Quand le Songhoy et l’Azouad se réunissaient. Quand les Toucouleurs s’interrogeaient et interrogeaient. Ces institutions des institutions qui faisaient de nous ce que nous fûmes. Le Malien.

Cher grand-père, je vis le deuil du ‘’Kômô’’. Cette perdition dans laquelle, nos racines sont mortes. Cette société secrète, Oui, nos loges, ateliers et cabinet de réflexion à nous, où les grandes questions étaient profondément discutées sans dispute. Cette réunion, où 7 ou 49 grands maitres de la géomancie et cet être (Kômô) connectés à la divine nature par la vibration incantatoire des chants et musiques, tranchaient en définitive si Assimi doit quitter ou rester pour l’avenir du pays. Sans la Cédéao ni l’Union européenne. Je pleure ce que nous fûmes. Le Malien.

Je pleure grand-père, nos 40 grands maîtres spirituels qui se recueillaient dans toute ascèse et qui revenaient avec des conseils sages et éclairés par des perceptions sans égos (peur, colère, cupidité, ignorance et haine). Je pleure aussi ces grandes femmes qui par le mystère de la procréation ont découvert des secrets inaccessibles et la nuit, quand elles conseillaient. Je pleure cette jeunesse forte, galvanisée, mais obéissante et respectueuse. Je pleure quand j’ai écouté son Eminence le Cardinal Jean  Zerbo prêcher sans être entendu. Je pleure ce que nous fûmes. Le Malien.

Je pleure grand-père. Je sais que jamais une réunion sous la coupe-graal de liqueur sur fond de cupidité ne remportera jamais contre des ateliers réfléchis par des personnes maçonnées jusqu’à la 33ème vertèbre. Jamais. Pas quand même pas en ‘’rue-plique’’ et ‘’rue-cratie’’ avec Facebook comme première institution. Jamais. Du coup, je pleure, le passé et aussi le futur des descendants d’Hermès le Grand et enfants d’Amadou Hampathé Bâ. A mardi prochain pour ma quatrième lettre. Inch’Allah.

Lettre de Koureichy

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