Cher grand-père…
Cher grand-père, après cette 95ème lettre je pars aux funérailles de la presse malienne. Je pars assister à ses obsèques et vivre son enterrement. C’est fini, la presse est morte de sa belle mort. Elle ne survivra pas. Face à ce déshonneur, cette cupidité, cette méconnaissance et surtout le silence, l’inertie, l’inaction et l’acceptation des doyens de la presse. La presse s’en va à jamais car ils n’ont pas rappelé à l’ordre. L’ordre de la presse. L’éthique et la déontologie qui cadrent la plume, la radio et la télé. La morale de l’animation, la sacralité de l’honneur et la dignité de l’Homme. Aujourd’hui c’est X, on applaudit. Demain ce serait Y et ce sera nous un jour.
Cher grand-père ! Est-ce cela le journalisme ? Insulter, calomnier dénigrer, défaire les choses, mal-interpréter les faits, décrédibiliser et déshabiller avec mauvaise foi et intention. Est-ce cela la presse ? Se servir d’une radio pour faire du mal. Se venger et peut-être sur du faux ? Où est le journalisme ici ?
Que ferons-nous de la vérification des faits et l’apport des différentes versions pour laisser le public juger. Que ferons de cette obligation journalistique à laquelle nous fûmes éduqués ? Où sont partis ces animateurs exemples d’éducation et trésors de nos grandes valeurs ?
Cher grand-père, je parie que si les médias (radios, journaux et télés) ne prennent pas leurs responsabilités en main, si les autorités de régulation ne rappellent pas à l’ordre, le désordre que ces pratiques dégréneront, nous feront regretter. Une radio n’est pas un outil de vengeance ni de règlement de compte. Son rôle c’est l’équilibre. Si elle quitte ce rôle pour être un tribunal ou pire un parquet, elle fera plus de tort que de bien. Si on dit que mieux vaut mourir qu’être humilié chez nous en Bambara, celui qui se donne comme mission d’humilier les gens s’expose à des menaces et même à la mort.
Cher grand-père, il va falloir que les animateurs de radios apprennent à vivre d’autres choses que des calomnies et du chantage. Déjà on voit là où les flatteries médiatiques nous ont menés (fainéantise et médiocrité habillées en sainteté). Si nous devrons vivre les conséquences aussi des calomnies médiatiques, ce serait catastrophique. Que Dieu nous en préserve ! Amine !
Oui cher grand-père, si cette tendance de média continue, où des dignités sont bafouées avec mauvaises fois et intentions, sans aucune contradiction. Si au lieu des faits chacun doit inventer des calomnies pour décrédibiliser les uns et chercher à favoriser les autres, ces guerres médiatiques nous amèneront à des vrais affrontements. C’est ignoble, irresponsable et méchant. L’Homme vit d’estime de soi comme il vit du mil et de l’eau. Cette estime est animée par son honneur et sa dignité. Que celui qui veut investiguer, investigue et respecte les règles de ce noble style journalistique. Vérifier les infos et permettre la contradiction. Si tel n’est pas le cas, des sanctions. Et puis c’est tout !
Cher grand-père, un journaliste, c’est aussi sa neutralité, sa justesse et son équilibre. Son attachement aux faits et sa bonne foi dans l’interprétation. Un journaliste, c’est un éducateur et non un procureur. Sa boussole, c’est la vérité et non ses amitiés. Le journalisme partisan dans un pays, est le départ vers le chaos. Même le patriotisme doit s’incliner devant la vérité comme l’ont fait « Dupont et Verlon », à Kidal. Car le vrai bonheur se cache dans la vérité et non la passion.
J’espère qu’on aura dans les jours à venir le ‘’Prix Ghislaine Dupont et Claude Verlon’’ pour éduquer à l’enquête et l’investigation et surtout à la neutralité du journaliste. Le journaliste doit être un décor, un témoin des faits. S’il doit aller au-delà des faits, il doit y aller vrai, neutre et rare en qualificatif et adverbe pour informer, éduquer et sensibiliser. Sur ce, à mardi prochain, cher grand-père ! Inch’Allah !
Lettre de Koureichy