Dans les maquis, on croise toutes sortes de personnages, des plus illustres aux plus simples, des bons samaritains comme de sévères misanthropes, des écrivaillions qui rêvent de devenir un jour Chateaubriand et qui pensent (ils sont pourtant au sérieux) que ce n’est qu’autour d’une bonne rasade de bière fraîche qu’ils y trouveront le filon magique, des peintres de talent discutant des heures entières sur le génie phénoménal et fantastique de Van Gogh, des philosophes qui confessent que « l’Etre et le Néant » est devenue par la force de (ses) idées un indispensable livre de chevet, des politiques ( eh oui !) dont les argumentaires plus ou moins « loufoques » sur le devenir de notre Maliba à nous varient souvent d’un verre à l’autre.
Vous avez compris, ce décor si féerique et hallucinant nous réserve aussi son lot d’étonnement, de surprise pour bien évidemment des « non –initiés » qui goûtent pour la première fois aux « délices » de cette vie torride, sulfureuse voire orageuse, des maquis bamakois. Et puis tout d’un coup, un grand Monsieur de notre République (dont je ne citerai naturellement pas le nom) visiblement ivre, se lève, titube, casse tout ce qui est posé à même sur sa table et profère des insanités mal contenues à l’endroit de ses chères serveuses. Aucune d’elle n’en sera fâchée ou outrée cependant à cause d’une générosité sans cesse renouvelée à tout le personnel féminin qu’il arrose de ses libéralités. Mais le hic dans tout ça, c’est que ce grand monsieur ne se doutait pas le moins du monde qu’à seulement cinq mètres de lui se trouvait un « lakali ta gninina », un scribouillard qui a aussi pris depuis longtemps ses quartiers dans ce sanctuaire du plaisir du ventre et du bas-ventre. Car en fait de scoop, c’en était vraiment un et pour le pauvre journaleux, cette scène quasiment ahurissante avait vraiment son prix d’or, mais sauf que…
Société en proie à diverse formes d’intégrismes, d’anachronismes !
Mon voisin d’en face, qui avait également suivi le honteux spectacle semblait trouver là, une occasion toute rêvée de donner corps et âme à ses sempiternelles critiques « caricaturales » sur le régime en place. Naturellement sur le fond, je n’étais pas d’accord avec lui. Mon ami lui répliquais-je, peut-être que son acte peut heurter certaines «consciences » présentes ici sur un plan purement moral à cause notamment de son statut de privilégié dans notre société aujourd’hui en proie à diverse formes d’intégrismes, d’anachronismes qui empêchent son réel envol vers la modernité, mais une chose est sure, personne n’a le droit pas plus que vous et moi de s’immiscer dans la vie privée des uns et des autres, a fortiori une personnalité de cette trempe. Je vous le concède bien volontiers, monsieur le journaliste, mais vraiment entre nous, est-ce que ce comportement ne fait pas honte à notre République ? Je ne sais pas, mais il ne faut rien exagérer, car n’ont-ils pas comme vous et moi le droit de vivre et de s’amuser. Je crois plutôt que ce monsieur aime bien partager ses moments de plaisir avec son « peuple », c’est pourquoi, il a choisi cette ambiance festive et populaire, loin des ors et des lambris feutrés de certains palaces bamakois, voire parisiens. Ma consœur Ami Dembélé Sylla qui mène actuellement une enquête sur le « harcèlement sexuel » dans la plus haute administration publique préfère elle différer sa réponse sur la question.
Sanata, la nouvelle coqueluche du coin a aussi suivie toute la scène, mais elle est surtout préoccupée par l’arrivée au compte goute de quelques clients venus satisfaire une libido de plus en plus vorace. Toute chose qui accrédite ce soir-là sa raison d’être en ce lieu béni par les dieux de la farniente. La raison de cette désaffection nous offre aussi sa petite musique. En effet, le prix de la passe a sensiblement connue une petite hausse à cause du nouveau lifting opéré par les nouveaux maîtres des lieux. Le prix a quasiment doublé car de 2000 F CFA, il se négocie davantage autour de 4000 FCFA. C’est l’occasion aussi pour cette belle et somptueuse prostituée de (luxe) de vous détailler toute la palette de commodités qu’elle offre en plus des « gâteries » sexuelles.
Un petit matelas posé à même le sol !
Pour preuve, la chambre est climatisée, il y a un téléviseur, une toilette intérieure où vous pourriez prendre un bain chaud, après chaque passage à l’acte. Ah ! J’allais oublier ce doux parfum de luxe (pas de publicité) qui permet à chaque client de sentir bon et même très bon. Et, si vous voulez également passer la nuit, il y a aussi un prix fort à payer clame Sanata, la mine quelque peu renfrognée et un bon verre de « ? » à la main. « J’étais l’unique fille de mon père et de ma mère, une vraie « dalanté » comme disent éloquemment les sarakollés. Mon père en mourant m’a laissé une fortune relativement confortable, une grande maison ou il y’avait déjà beaucoup de « louancés » et puis patatras … tout cela est bien parti en fumée ». Mais comment çà ? Sanata fond en larmes.
Il est évident que la clientèle sélecte de Sanata n’a rien à voir avec celle de Rose (cette satanée alcoolique) dont vous avez sans doute connu quelques frasques et excès au cours de nos précédentes rubriques. La lutte des classes est passée par là, et dans le lupanar où officie Rose, le quidam doit se contenter d’un petit matelas posé à même le sol et souvent recouvert d’un petit drap lacéré aux trois quarts, noirci et parfois puant. Des dizaines de capotes utilisées (pas toujours de bonne qualité) jonchent le sol et une fois la « partie fine » terminée, le visiteur doit libérer sa semence dans un seau d’eau quasiment couvert de rouille. Quel spectacle d’étrangeté ! Pourquoi les putes aiment s’envoyer en l’air au milieu d’un tel détritus ? Posez plutôt la question aux hommes, car c’est le prostitué et pas souvent des moindres, qui fait la prostituée.
A suivre !
Bacary Camara