Le Mali est un pays que l’on dit majoritairement musulman à plus de 85 % après seulement un siècle et demi d’islamisation. En comparaison, les pays d’Europe occidentale proches de la méditerranée dont l’Italie, l’Espagne et la France nées dans le christianisme immédiatement après la chute de l’empire romain, ne sont aujourd’hui chrétiens qu’à 50 ou 60 %.
Le mouvement almoravide du XIè siècle que certains érudits prennent pour le début de l’islam au Soudan n’est qu’une vue de l’esprit dans la mesure où cette menace fut éphémère. Les vieilles religions agraires des terroirs ayant repris des forces après la disparition dans la nature de ces fameux conquérants d’ailleurs plus politiques que religieux. On peut considérer El Hadj Oumar Tall comme l’artisan de l’introduction de l’islam chez nous dans la 2è moitié du XIXè siècle. Pour avoir fondé un vaste empire sur des bases islamiques et d’après les modèles de certains sultanats d’Arabie qu’il avait vus et visités, on peut le prendre comme à la fois un homme religieux et un homme politique.
Mais son règne et celui de son fils Ahmadou Tall durèrent à peine que 39 ans. La conquête française ayant mis fin prématurément à leur domination. En réalité, dans l’évolution de la politique et de la religion, on s’aperçoit que ce sont de vieux compagnons qui se connaissent parfaitement bien pour avoir combattu ensemble et perdre aussi de multiples combats en Arabie et au Moyen-Orient lors des croisades du moyen âge et pendant les guerres coloniales où les religieux occupèrent souvent les devants de la scène plus que les conquérants eux-mêmes.
Ce n’est point un hasard si Montesquieu au début du XVIIIè siècle avait prôné la séparation des pouvoirs en raison sans doute des ravages de la connexion entre la monarchie absolue de Louis XIV et l’église catholique qui le soutenait mordicus. Voltaire et Rousseau ne dirent pas autre chose sauf qu’ils donnèrent des éclaircissements d’importance aux thèses de leur aîné.
Dans la lutte contre la colonisation et pour l’indépendance, en AOF, hormis le marabout Mamadou Lamine Dramé, qui d’ailleurs était plus Mauritanien que Soudanais, on ne distingue guère de figure religieuse dans ce champ. Il y eut bien sûr le cas de Cheickh Hamallah de Nioro du Sahel mais peut-on vraiment le prendre pour un combattant pour l’indépendance dans la mesure où son combat fut plus religieux que politique.
Si les religieux chrétiens, notamment les évêques de l’église catholique du Mali ont su toujours garder leurs distances avec les autorités politiques, en revanche beaucoup d’imams ont préféré l’accompagnement à l’affrontement même de façade. En un mot, au Mali, l’islam a toujours fait beau ménage avec le régime politique en place, de Modibo Kéita à IBK.
L’élite musulmane, y compris le sommet de la pyramide, s’habitua très tôt à se faire entretenir par la classe politique pour des raisons alimentaires et sécuritaires mais la rupture intervint sous IBK qui s’était fait élire avec la bénédiction des leaders musulmans dont il devint plus tard le malheureux otage. Ceux-ci ayant pris du poil de la bête suite à la déconfiture de la classe politique, lui firent ouvertement savoir qu’il leur devait son fauteuil et qu’en cas de désobéissance, ils le feront descendre de son piédestal.
Mais il y avait belle lurette que nos hommes politiques avaient oublié les leçons de Voltaire et de Rousseau et étaient devenus les petits copains des religieux dans une République laïque et qui devait sa fondation à une grande insurrection populaire.
On imagine mal un président de démocratie en France, en Allemagne ou en Italie, distribuer des hectares de terre à un religieux pour une quelconque raison. IBK l’a fait et beaucoup d’autres responsables politiques ont donné des facilités à des guides religieux dans le transport et dans le commerce.
C’est dire à quel point ce pays est devenu la chasse gardée des chefs religieux qui maintenant lorgnent dans la direction de Koulouba. Avec la bénédiction bien sûr de l’élite politique qui a mis son peuple dans une charrette à laquelle elle-même sert d’animal de trait.
Facoh Donki Diarra
(écrivain Konibabougou)
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