Les élections générales de 2022 seront certainement pleines de surprises en raison de la crise politique actuelle et de la déconsidération dont jouit la classe politique au nom de laquelle en démocratie sont organisées les consultations électorales. Pour toutes ces raisons, il est permis de reprendre le vocabulaire de la navigation marine ou même fluviale pour les décrire comme l’aimait bien Chateaubriand quand il n’était que capitaine de marine selon le vœu de son père en Bretagne. Avant le Mali, le Maghreb avait subi à partir du printemps arabe la même rupture politique pareille à un tsunami qui avait conduit la région à un renouvellement total de sa classe politique. Toute la vieille garde issue de la décolonisation et de la recolonisation fut mise hors-jeu et des hommes politiques nouveaux que l’on n’attendait pas arrivèrent avec surprise au pouvoir.
Au Mali, les formations politiques issues de l’insurrection populaire de Mars 1991 se servirent pendant plus de 20 ans du pouvoir d’Etat pour s’enrichir plutôt que de sauvegarder les intérêts du peuple au nom duquel elles étaient parvenues au pouvoir. Cette course à l’enrichissement personnel et familial devint si générale que l’on crut que nos élites politiques n’avaient étudié à l’université et dans les grandes écoles que les techniques machiavéliques pour s’embourgeoiser comme des pachas. Si certains chefs d’Etat et des ministres le firent discrètement, d’autres par contre ne se gênèrent même pas pour déclarer qu’ils étaient bourgeois comme le bourgeois gentilhomme de Molière.
De cette manière, la classe politique, à force de tromper son peuple, se décrédibilisa jusqu’à produire 2 coups d’Etat aussi inutiles l’un que l’autre en moins de 20 ans et qui représentèrent autant de recul pour le pays. A présent, les partis politiques, quoique riches à millions pour les plus grands d’entre eux, manquent cruellement de leadership et leurs apparitions à la TV ou sur les antennes des stations de radios privées sont vues comme un jeu de cirque par les populations.
Le gouvernement de transition promet des élections générales pour 2022 dans un contexte où le jeu politique est trouble et ressemble à une chasse aux margouillats par manque de charisme pour les candidats et aussi par les casseroles que traînent derrière eux certains leaders politiques qui ne postulent aux postes électifs que pour échapper aux poursuites judiciaires.
Les partis politiques étant décriés, les yeux sortent de la tête en voulant trouver le candidat du moindre mal. D’ores et déjà, il faut écarter la société civile et ses organisations vassales qui ont accompagné tous les gouvernements de ce pays de 1992 à ce jour et sont autant comptables du bilan désastreux des hommes politiques. La même sanction tombe sur la tête des religieux de tous les bords dont la vocation est plus spirituelle que politique en dépit de la tentative de certains qui croyant malencontreusement à leur étoile, voulurent refaire le chemin de l’Ayatollah Khomeiny.
Reste l’armée dont les coups de force sont connus avec les résultats calamiteux que l’on sait même avec des officiers qui se débarrassèrent de l’uniforme militaire pour briguer la magistrature suprême. En outre, la « colonélisation » actuelle de la transition ne plaide aucunement en faveur d’un régime militaire même avec un officier devenu civil par calcul ou soutenu par un parti politique en perte de champ.
C’est dire que le dilemme est total et nous mène dans la danse indansable de nos aïeux bambaras. Le scénario apparait si compliqué que même les grosses têtes pensantes du Quai d’Orsay ordinairement prolixes en hypothèses demeurent muettes comme une carpe sur la question. Mais on est en démocratie et avec le respect des règles de ce régime, comme en Tunisie, en Algérie et dans d’autres régions de l’Afrique elles aussi abonnées aux grandes tensions politiques, peut-être sortira d’un sous-bois de ce pays, non pas un sauveur comme le Général De Gaulle, mais simplement un citoyen honnête sous lequel percera le vrai patriote.
Facoh Donki Diarra
écrivain, Konibabougou