Les élections législatives ayant été fixées courant mars 2020, les chefs des Etats-majors des partis politiques cherchent les meilleurs coursiers pouvant les représenter à Bagadadji, siège de l’Assemblée nationale du Mali.
L’annonce de l’évènement semble avoir pris de court la classe politique qui n’eut de voix que celle d’un silence gêné. Constatant son désarroi, en raison des tueries au nord et au centre du pays, des barons de la scène politique nationale sortirent le grand jeu en expliquant que la dernière élection présidentielle s’était tenue dans une atmosphère d’insécurité encore plus grande que celle qui prévaut actuellement. Sans compter que ce décompte fait partie des résolutions du Dialogue national inclusif !
La couleuvre fut avalée sous cette réserve. Rien n’est encore fait, mais vus les mœurs politiques du pays et l’archaïsme qui caractérise sa classe politique hostile au renouvellement, on peut prévoir que beaucoup de vieux chevaux seront de retour, à moins que le couper-coller (copier) ne serve de stratégie pour être présent sur une liste et se faire élire député.
Dans les rues des grandes villes, on entend dire que pour les marabouts et les charlatans, c’est le départ qui est donné pour la Libye riche en dollars dans la mesure où ces éminences sombres sont incontournables dans cette compétition durant laquelle les candidats pensent que sans leur savoir, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes, la course pour Bagadadji serait énormément compliquée.
Déjà, les candidats déclarés sentent la moisissure car ayant blanchi sous le harnais sans avoir rien démontré, sauf que durant leur mandat, ils ont rondement mené leurs affaires, se tapant par-ci par-là des hôtels, d’immenses concessions rurales arrachées aux villageois et des pirogues de plaisance sur le Niger.
La fonction de député au Mali est progressivement devenue un tremplin pour s’enrichir et faire partie de la cour des nouveaux grands avec maison de luxe, verger au bord du fleuve ou dans sa circonscription et bien sûr un harem à hauteur du statut.
A l’hémicycle, quelle que soit la nature du débat en cours, ils sont muets comme une carpe quand ils ne sont pas dans la cantine pour se restaurer de ce qui leur manque à la maison. Il est vrai qu’ils ont déboursé pour cela soit en espèce, soit en nature, et tiennent coûte que coûte à se faire rembourser pour services non rendus à la nation. Le travail parlementaire pour eux compte peu ; seuls les intéressent les indemnités et les autres avantages attachés à la fonction d’édile de la nation. La notion d’éloquence parlementaire, qui dans les autres démocraties modernes, emballe les débats à la représentation nationale, est vide de tout sens pour les ¾ des candidats dont certains sont même des analphabètes. Il est vrai que par démagogie ou par réflexe de populisme, les participants à la Conférence nationale de 1991-1992 ne voulurent pas fixer un niveau d’instruction pour les candidats aux élections législatives et c’est cette imprudence qui explique l’imbroglio électoral actuel.
La démocratie malienne a ceci de particulière qu’elle a mis en place un système pour riches dans un pays pauvre et que ces parvenus, par la voie des urnes, ne respectent aucune règle démocratique encore moins les convenances sociales établies de longue date. A chaque élection, on voit les mêmes, qui s’étant enrichis des sous de l’Assemblée nationale, chercher à remplier toujours en promettant le changement mais en réalité en songeant à achever la construction de la nouvelle villa restée en chantier.
En y pensant, on se demande à quoi bon organiser des élections à coup de milliards de F CFA pour promouvoir des individus qui ne songent qu’à s’amuser avec les sous de l’Etat et dont le dernier des soucis demeure les doléances de leurs électeurs.
Facoh Donki Diarra
(écrivain, Konibabougou)