La conférence de la Baule organisée par François Mitterrand en 1989 avec les chefs d’Etat de sa chasse gardée, avait pour but de quitter les dictatures militaires suscitées par l’ancienne métropole elle-même et de rallier le train de la démocratie incarnée par l’Europe occidentale et les USA. On ne sait pas si le dirigeant socialiste français (1981-1995), au passé vichyste révélé sur le tard, a eu vraiment raison, mais sa démocratie d’importation fait des misères dans les pays où le néocolonialisme s’était installé depuis 1960 et y avait prospéré plus que de raison. Le Général de Gaulle, il est vrai, avec son monsieur Afrique, Jacques Foccart étaient là qui veillent au grain.
Le néocolonialisme, disait Aimé Césaire, est pire que la colonisation faite de violences et d’oppressions multiples mais à y regarder de près, le train de la démocratie emprunté par nos Etats, ressemble plus à un retour en arrière qu’à une avancée si minime, soit-elle. Hormis deux pays, le Sénégal et la Côte d’Ivoire, de 1989 à ce jour et qui restent d’ailleurs des îlots d’exception, les Etats dits néo démocratiques selon les canons de la Baule, se distinguent par leur instabilité où mise à l’écart et coups d’Etat se succèdent comme dans la période gaulliste de 1960-1969.
Les dirigeants politiques issus de la démocratisation donnent la fâcheuse impression d’avoir mal lu A. De Tocqueville et assimilé les cours de Sciences Po dans les universités étrangères où ils ont traîné leur bosse des années durant. Pourtant plusieurs d’entre eux furent de brillants militants dans les associations d’étrangers où ils se distinguèrent par de profondes analyses sur la situation néocoloniale de leur pays mais à l’issue de luttes multiformes menées par eux-mêmes et des patriotes nationaux, une fois parvenus au pouvoir suprême, on ne sait par quel mécanisme de transformation idéologique, ils oublièrent tout de leur passé militant et se mirent à faire pire que les dictateurs dont ils dénoncèrent autrefois les dérives totalitaires.
A vrai dire, l’élite politique issue de la démocratisation formule La Baule, fait honte au continent. Pour ne prendre que le cas du Mali pourtant élève indocile de La Baule, la démocratie avait bien commencé en 1992 avec l’élection d’un Président démocratiquement élu et qui fit dire aux experts en la matière que l’exemple malien pouvait servir d’école. Puis par des calculs politiciens destinés à assurer les arrières, le relais fut imprudemment donné à ATT, un démocrate d’occasion ou de la 25è heure si on veut.
Tous les malheurs du Mali naquirent de ce faux calcul car remettre le pouvoir à un ancien putschiste supposé issu du suffrage universel revenait à assassiner les principes du pouvoir démocratique qui voue aux gémonies les violences politiques y compris les coups d’Etat. Après le Président Alpha Oumar Konaré (1992-2002), la démocratie au Mali a perdu toutes ses vertus au point d’essuyer 3 coups d’Etat militaires sans compter la débâcle de 2012 où l’armée malienne se montra en risée du monde devant des hordes terroristes et djihadistes.
Les autres pays de la sous-région qui ont suivi les leçons de la Baule ne font pas mieux. Le Burkina Faso que l’on croyait stable est à présent devenu une foire aux putschs militaires avec des officiers de salon qui au lieu de monter au front et combattre le terrorisme résiduel, préfèrent déstabiliser les pouvoirs civils, même mal démocratiquement élus. Même remarque pour la Guinée Conakry qui n’était pas à la Baule, mais se mit sous son influence et dont les régimes démocratiques sont constamment contestés par des trublions militaires.
La démocratie est certes un exercice difficile surtout dans un pays où la plupart des dirigeants sont issus des milieux pauvres pour les uns, modestes pour les autres et qui tous aspirent d’abord à s’acquitter du devoir familial qui ne peut se réaliser qu’au détriment des deniers publics. Ceci explique en partie, sans l’excuser, qu’après les républiques bananières ou arachidières, on soit à présent face à des démocraties de même acabit avec la dimension réseaux du cœur en alerte permanente.
Facoh Donki Diarra
écrivain