Au Mali, les litiges fonciers en milieu rural sont plus que d’actualité. Beaucoup d’acquéreurs peinent en effet à prouver leur titre de propriété sur telle ou telle parcelle de terrain, parce que tout simplement ledit terrain a été acquis sur la base du droit coutumier. Un droit qui pose problème de prime abord, parce que difficile à prouver.
rnLes droits coutumiers font partie du domaine privé immobilier de l’Etat. C’est l’article 28 du Code Domanial et Foncier (CDF) qui le précise : «Font partie du domaine privé immobilier de l’Etat : les terres non immatriculées y compris : Celles sur lesquelles les droits fonciers coutumiers d’usage ou de disposition, que se soit à titre collectif ou individuel».
rn
rnIls sont reconnus comme des droits à part entière et bénéficient d’une protection renforcée par rapport au régime de l’ancien Code Domanial et la législation antérieure.
rn
rnEn effet, l’Ordonnance n°00-027/PRM du 22 mars 2000 qui abroge l’ancien Code dit expressément, en son article 43, que les droits coutumiers exercés collectivement ou individuellement sur les terres non immatriculées sont confirmés et que nul individu, nulle collectivité ne peut être contraint de céder ses droits, si ce n’est pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnisation.
rnCes droits peuvent être constatés par écrit après enquête publique et contradictoire et donner lieu à la délivrance d’un titre opposable aux tiers (art.44 C.D.F)
rn
rnLa procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique est désormais applicable pour la purge des droits coutumiers, chaque fois que leur existence se traduisant par une emprise évidente et permanente est établie sur le terrain (art.47 C.D.F).
rn
rnCette expropriation des droits fonciers coutumiers est judiciaire et comporte paiement d’une indemnité juste et préalable, à l’instar de l’expropriation des détenteurs du titre foncier. Ceci est une avancée significative dans la prise en considération de nos coutumes, quand on sait que par le passé, les droits coutumiers ont été souvent ignorés (loi de 1982 par exemple) ou on leur avait conféré un second rang. Ainsi, le Code de 1986 en son article 128 disposait que les droits coutumiers, collectifs ou individuels ne pouvaient être transférés ou modifiés qu’au profit des collectivités ou d’individus susceptibles de posséder les mêmes droits en vertu des règles coutumières et, seulement, dans les conditions et limites qu’elles prévoient.
rn
rnIl faut faire remarquer, toutefois, que lorsqu’il n’y a pas emprise évidente et permanente sur le sol, l’indemnisation des droits coutumiers se fait suivant la procédure de la purge, régime de l’ancien C.D.F repris à l’article 26 du nouveau Code.
rn
rnCette procédure est administrative et l’indemnité est fixée par une Commission arbitrale de trois (3) membres dont le premier est désigné par le Ministre chargé des Domaines, le second par le propriétaire et le troisième par les deux premiers d’un commun accord. A défaut d’accord amiable, la juridiction administrative compétente est saisie.
rn
rnLes droits coutumiers, contrairement au régime de l’ancien Code, quand ils comportent emprise évidente sur le sol, peuvent être transformés directement en droit de propriété au profit de leur titulaire qui requiert à cet effet l’immatriculation (article 45). Dans le Code de 1986, les droits devaient passer nécessairement par le stade de la concession rurale avant d’accéder à la pleine propriété (article 129).
rnEnfin, une innovation de taille dans le Code de 2000 réside dans la Section III du Chapitre III qui est intitulé «Des conventions coutumières».En effet, il y est stipulé que les conventions conclues entre individus ou collectivités selon les règles et formes coutumières sur les terres non immatriculées et droits peuvent être en vue de la preuve, être constatées par un écrit.
rn
rnLes conventions antérieurement conclues entre collectivités traditionnelles peuvent être renouvelées en tenant compte du nouveau découpage territorial. Les conventions antérieurement conclues entre l’Administration et les personnes physiques et morales de droit privé, sont confirmées et régies par les dispositions des articles 43 et 47.
rn
rnEn effet, par le passé, au temps colonial, nombre de conventions ont été passées entre des communautés ou individus en vue de la résolution de conflits fonciers. La présente disposition ne fait qu’inciter les populations en milieu rural à aller de plus en plus vers la constitution de preuves écrites à leurs transactions foncières. Toute chose qui leur sera salutaire en leur évitant des preuves difficiles par témoignages.
rn
rnToute chose qui sera également salutaire au Juge dans le règlement des litiges qui lui sont soumis.
rn
rnLes problèmes posés aux Juges dans la gestion foncière
rnLes litiges concernant le milieu rural sont des plus difficiles à résoudre.
rnEn milieu rural, en effet, c’est le droit foncier coutumier qui est appliqué par les Juges. Or, il se trouve que ce droit n’est pas écrit. Le Tribunal comporte dans ce cas des assesseurs de la coutume des parties sensés connaitre de mémoire les coutumes des parties en conflit et d’éclairer la lanterne du Juge ; ce qui n’est pas toujours le cas. La transmission des coutumes de génération en génération par l’oralité ne garantit point par leur fiabilité ; si bien que l’interprétation de la coutume peut varier d’un assesseur à un autre.
rn
rnL’actuel Code Domanial et Foncier a l’avantage d’inciter les populations vivant en milieu d’aller de plus en plus vers l’élaboration de conventions locales pour établir la preuve de leurs droits ou de faire constater les droits coutumiers par écrit ou de les immatriculer directement ; ce qui est un pas important comparativement à un passé récent ou il fallait, pour accéder à la pleine propriété, que les droits fonciers coutumiers passent d’abord par la voie de la concession rurale.
rnMalgré cela, la misère des Juges pour régler les conflits fonciers coutumiers est entière. Ce sont ces conflits qui posent le plus de problème à la Justice tant pour les longs débat pour entendre les témoins avec leurs déclarations contradictoires et les partisanes que par les déplacements sur le terrain pour voir les champs litigieux, faire procéder à ses mesures par les services techniques et enfin la difficulté d’application dune coutume précise.
rn
rnLe problème majeur dans ce domaine, c’est l’établissemen
t de la preuve et le fait de trouver la coutume applicable. Ces conflits sont aussi les plus sensibles et qui reviennent incessamment devant les tribaux par la malice de gens souvent poussés par l’orgueil, ou le pouvoir dont ils disposent ou même souvent par des hommes politiques qui les utilisent pour avoir un électorat. Or, en l’espèce, l’autorité de la chose jugée devrait constituer un garde-fou pour de telles velléités.
rnL’art.615, alinéa 2 du CPCCS qui dispose que : « le pouvoir est suspensif en matière immobilière, d’état des personnes, des successions et des droits fonciers. » rajoute aussi à la longueur des procédures.
rn
rnEn milieu rural aussi bien qu’urbain, les tribunaux connaissent aussi des conflits fonciers liés à la succession des terres. Là également, c’est la coutume qui s’applique essentiellement en ce qui concerne les règles de partage. Mais en ce qui concerne la qualité d’héritier, les tribunaux appliquent les règles du droit civil, c’est-à-dire que tout enfant légitime ou naturel qui est reconnu a la qualité d’hériter.
rn
rnAprès ces différents développements, quelles recommandations pour une meilleure gestion des litiges fonciers par les Magistrats ?
rn
“