Nous allons essayer d’amorcer des réponses à un certain nombre de questions fondamentales : Comment gouverner loin des yeux du Mali ? Depuis quelque temps on ne parle que du Mali kura, lutte contre la corruption, comment parler d’un Buwatun kura où la corruption et la mauvaise gouvernance ne seraient plus qu’un lointain et mauvais souvenir ? Pourquoi dans notre pays, les politiques continuent-ils à gouverner comme si nous étions encore en colonie ?
La décentralisation que nous avons applaudie dans le temps a doté notre pays de près de 711 communes et qui sont désormais l’espace à partir duquel s’organise au niveau local, l’administration des terroirs. Cette communalisation aurait pu être un gain si d’aventure le choix des hommes (en l’occurrence les maires et ceux et celles qui les secondent) avait été judicieux. Les partis politiques sont les premiers pourvoyeurs de nos communes en mairies et en conseillers communaux, malheureusement, nous avons la triste impression que le ratio de très bons et vertueux maires par rapport aux « petits délinquants de province » est vraiment pauvre dans nos localités rurales (et parfois urbaines malheureusement). Cette multiplication des maires délinquants notoires et des maires « incultivés » pour ne pas dire « incultes » ressortit de la mainmise des partis politiques sur nos populations. Derrière ces « délinquants » et ces « derniers de la classe » s’activent généralement les appareils qui soutiennent, absolvent, et légitiment à travers ces élections « bidon » dont nous avons l’exclusivité.
Le soleil des petits potentats de brousse ?
Au pays Bo, comme l’a dit un chroniqueur, il y a quelques années, parlant de nos élus locaux les maires, il disait donc que « beaucoup de ces nouveaux maîtres ont simplement endossé les vieux haillons de la colonialité, vivant la politique et plus spécialement la décentralisation comme un droit de « cuissage » sur les populations rurales. Il n’est donc pas étonnant que ces populations rurales, aux « savoirs locaux » très futés, aient parfois préféré reporter leurs voix sur des personnes du « cru », des illettrés comme eux, agriculteurs ou éleveurs sans autre assise que « l’identité rurale » ! Mais malheureusement, on se rendra compte que cela n’est pas la panacée, un « illettré » peut être aussi dangereux qu’un élu bardé de diplômes. En fait tout dépend de la valeur intrinsèque de l’homme ou de la femme. Et c’est peut-être cette qualité-là qui manque parfois à l’élu local dans nos provinces.
Pour beaucoup, au lieu de travailler au bien-être de leur commune (réparation de pistes rurales, d’écoles et autres centres de santé, etc.), ils profitent des taxes pour racketter les populations, détournent les dons venus d’en haut et s’approprient parfois, indûment, de sacs de mil, de maïs ou encore de lait que quelque donateur a bien voulu envoyer à ces populations déshéritées. En causant avec quelques chefs de villages, désormais, parfois cultivés, qu’il y a encore quelques semi-lettrés parmi nos élus locaux qui vivent leur élection comme un accès direct à des prébendes, un accès direct à des comportements dignes de l’administration coloniale. Soyons sérieux !
Bonne gouvernance et Buwatun kura
Trop, c’est trop ! Nous demandons aux partis politiques qui ont des élus dans nos Conseils municipaux d’avoir le courage de les éduquer, voire, de les contrôler et au besoin de les réprimander. En effet, le monde est désormais trop connecté pour que les États-majors des partis ne soient pas au courant de ce que font leurs éléments dans nos localités rurales. Il faut que nous sachions que tant que nous n’aurons pas asséché l’hideuse corruption « rurale » de nos élus et autres sous-préfets et préfets, le Mali kura ne se fera pas. Ce concept désormais à la mode, aussi bien chez les opportunistes de tout poil et chez les personnes de bonne foi : Mali kura, lutte contre la corruption ne sera opérationnel que si, et seulement si nous commençons par la base, le local.
La bonne gouvernance commence par la bonne gestion des fonds, des crédits, des dons que l’État ou une tierce personne morale (ONG, Organisme de bienfaisance, etc.) nous a confiés pour le bien collectif de la commune. Il nous est revenu dans les contacts que nous avons eus avec diverses personnes dans ma commune d’origine, par exemple, que des dons ont été parfois détournés sans vergogne par les soins d’élus locaux.
Face au terrorisme, quelle alternative ?
Face à la menace terroriste, si les chefs de terre, chefs de villages et autres légitimités locales sont restées avec leurs populations, certains maires et sous-préfets n’ont eu comme alternative que la fuite. Sont-ils plus visés que les autres ? Un chef de village me répondait que cela dépend de la façon dont on gère la situation. En effet, ceux-là qui parlent à tort et à travers et qui se frappent la poitrine comme s’ils étaient les messies du Buwatun ont toutes les chances de se retrouver chassés de leur siège, alors que ceux qui sont modérés dans leur tenue n’ont pas de problème majeur avec nos hôtes encombrants. Entendu que, sans être accusés d’intelligence avec l’ennemi, certaines légitimités ont pu protéger et se protéger en transformant la vulnérabilité en opportunité.
En prenant possession de tout le territoire national, les terroristes nous informent qu’ils ont l’intention de l’administrer en lieu et place de l’État malien tout simplement parce que, depuis les indépendances en 1960, notre occupation de l’espace s’est résumée en des pratiques prédatrices et de simple extorsion de biens des populations. De 1960 à nos jours l’administration de nos terroirs n’a pas changé par rapport aux pratiques administratives coloniales : violences physique et symbolique, prélèvements abusifs, contrôle social accru, divisions pour mieux régner, etc. Ces pratiques ont ouvert des boulevards pour ceux-là qui combattaient l’ordre démocratique délétère qui nous avait été imposé par un Occident dominateur. Tous les prédateurs qui ont trafiqué la démocratie lors des transitions démocratiques de nos pays, ceux-là qui ont fait leur beurre sur les élections mal faites et truquées, bref, ceux qui ont dévoyé la proposition démocratique sont en partie responsables des crises sécuritaires que nous vivons aujourd’hui.
Pour en revenir au Buwatun, ce petit bout de terroir abandonné au bon vouloir des terroristes, nous supputons que son occupation risque d’être longue, très longue. En effet, au-delà des terroristes sur le terrain, leurs complices et relais dans nos villages travaillent tous à la pérennisation de la situation. Ils rêvent d’une sorte « dés-administration effective du pays » qui leur offrirait en héritage le Buwatun comme trophée de guerre
11 au 17 septembre 2022
A suivre
Le Gallican