Le Droit d’en Parler ; Côte D'Ivoire : Quand de grands hommes se mettent nus

0

C’est pourtant ce qui est arrivé lors de la campagne du 2è tour de la présidentielle….? Les injures publiques deviendront-elles des programmes de gouvernement en Côte d’Ivoire ?...

Si Alassane remportait cette élection, Gbagbo saurait-il taire ses rancœurs contre lui pour construire ensemble une Côte d’Ivoire nouvelle ? Et si c’était lui Gbagbo qui gagnait, saurait-il tendre la main au perdant ? Y a-t-il une réelle chance de réconciliation en Côte d’Ivoire après ces élections où la haine est plus forte que l’amour et où les protagonistes voient la guerre au lieu d’une simple adversité ? Peut-on entrevoir la paix sur les bords de la lagune Ebrié après toutes ces méchancetés à l’emporte-pièce déblatérées par un camp contre l’autre ? Certains Ivoiriens qui pensent "Après moi le déluge !" ne sont-ils pas en train de préparer le terrain d’un autre Rwanda, d’un autre Kenya, d’un autre Zimbabwé, d’un autre Madagascar ?

Le 20 novembre dernier, le monde entier a célébré le vingt-et-unième anniversaire de la Convention internationale sur les Droits de l’Enfant à travers une journée mondiale. C’était l’occasion de se demander, dans chaque pays, ce qui est fait pour ces êtres fragiles qui souffrent de la bêtise des adultes. Et justement, pour parler de la bêtise des adultes, il n’y a pas une occasion meilleure que celle que nous offre la campagne du deuxième tour de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire.

En effet, le spectacle surréaliste de nullité, de nudité et d’une platitude inimaginable qu’offrent les politiciens en Eburnie devait être interdit aux moins de douze ans. Pour éviter à nos enfants  le poids de questions douloureuses sur l’âge adulte qu’ils pourraient aborder avec crainte et angoisse. Car il est difficile de comprendre que des hommes supposés grands, à des responsabilités les plus hautes au niveau de l’État, se mettent nus, devant des enfants, sur des scènes publiques, en déversant sur un autre supposé grand en face d’eux, des tonnes d’injures vulgaires, de calomnies et de diffamations. Et encore, si l’immaturité pouvait se limiter à ces flots d’insanités expressément déversées sur l’adversaire pour le couvrir d’opprobre et éloigner de lui un lot d’électeurs indécis ou crédules, on pouvait s’obliger à comprendre qu’en politique tous les coups étant permis, ces propos outranciers dignes d’individus faibles d’esprit et psychologiquement assommés seraient dans l’ordre du politiquement acceptable. Mais il se trouve que nos fameux politiciens, comme des enfants gâtés ou de grands enfants mentalement attardés, n’apprécient pas le fait que d’autres politiciens passent l’éponge sur leurs querelles du passé, donnent au peuple la preuve qu’il est possible de pardonner, de dépasser tous les antagonismes et de se réconcilier, même si, par le passé, ils ont été les pires ennemis.

Alors, sans gêne ni honte, Laurent Gbagbo et ses sbires se mettent à jouer les "briseurs" de l’alliance Ouattara – Bédié, à saboter leur pacte, à détruire leur union sacrée, à saborder leur entente. A utiliser des arguments ethniques pour déterrer des haches de guerre qui ont failli faire basculer la Côte d’Ivoire dans les travers de l’exclusion et dans l’abîme d’un génocide. 2000 n’est pas si loin. Quand, en pleine proclamation des résultats de l’élection présidentielle, le Général Robert Guéï (Paix à son âme !) a fait tout arrêter pour s’autoproclamer président élu. Quand un certain Laurent Gbagbo a demandé à ses militants et aux forces armées d’utiliser "tous les moyens possibles" pour lui restituer sa "victoire volée". Quand un certain Alassane Dramane Ouattara a, de son côté, demandé à ses militants d’aller "prendre le pouvoir dans la rue"… La répression barbare, sauvage et inhumaine qui a suivi est encore vivace dans tous les esprits. Et on connaît ceux qui avaient l’armée de leurs côtés. On connaît ceux qui ont payé le prix le plus cher de ce moment douloureux. Les charniers découverts témoignent du choix des cibles. L’appartenance  ethnique ou politique des victimes des escadrons de la mort qui écumaient Abidjan nous édifie aussi sur ce choix. La souffrance vécue alors par les Yacoubas (supposés parents de Robert Guéï) et des Dioulas (supposés parents d’Alassane Ouattara) installés dans les villages Bété (l’ethnie de Gbagbo) n’est pas encore oubliée. C’était donc en octobre -novembre 2000 ! Il y a juste 10 ans.

Je me disais que ce sale passé dont j’ai honte, en tant qu’Africain, Laurent Gbagbo allait s’efforcer de nous en éloigner. Qu’il aurait l’élégance de réaliser le dépassement de soi qui est l’apanage des grandes âmes pour faire sur le tissu social ivoirien déchiqueté par l’ivoirité et la haine interethnique, la plus belle des chirurgies plastiques. Qu’il saurait apprécier tout acte de pardon et de réconciliation pour faire oublier cinq années d’illégitimité, de précarité et de souffrance morale. Que nenni ! Laurent Gbagbo n’a pas changé. C’est toujours le fieffé tribaliste, le chef de clan, l’éternel opposant dans l’âme qui n’a aucune fibre de chef d’Etat. Lui qui s’était déjà allié avec Alassane Ouattara et le défendait contre les méchancetés du PDCI d’Henri Konan Bédié dans les années 90, trouve aujourd’hui que l’ancien Premier ministre de la Côte d’Ivoire est la source de tous les maux du pays. Et d’autres Ivoiriens le suivent aveuglément dans cette basse besogne de fragilisation de l’unité nationale. À visages découverts. Comme si l’exemple du Rwanda n’était pas suffisant pour les assagir. "Seul celui qui a déjà résisté à la guerre comme moi peut encore résister à la guerre", dit Laurent Gbagbo, comme pour prédire une nouvelle guerre en Côte d’Ivoire. Surtout, s’il n’est pas élu !

En définitive, je me demande ce que les Ivoiriens apprendront au cours de cette campagne du deuxième tour de la présidentielle. Alassane Dramane Ouattara saura-t-il, lui, faire autre chose que de répondre aux attaques personnelles grossières d’en face qui ne situent en rien les populations sur ce que va devenir la Côte d’Ivoire après le 28 novembre 2010 ? Ses dernières sorties ne l’honorent pas non plus, car il semble être tombé dans le piège du vulgaire tendu par son rival.  "Quand on danse avec un aveugle, il faut de temps en temps lui marcher sur les pieds, pour qu’il sache qu’il n’est pas le seul sur la piste de danse", dit-on un adage bien africain, qui pourrait justifier les réponses de Ouattara à Gbagbo. Mais un autre adage tout aussi africain dit : "Lorsque vous êtes en train de vous laver et qu’un fou vient prendre votre caleçon, si vous sortez nu pour le poursuivre, vous êtes plus fou que lui ". Alors, Ouattara n’a-t-il pas mieux à proposer ? Les injures publiques deviendront-elles des programmes de gouvernement en Côte d’Ivoire ?

 

De quelle leçon donc bénéficieront les enfants qui suivent les adultes qui s’insultent à longueur de journée à la télé, à la radio, dans les journaux ? Quel avenir leur prépare-t-on en leur laissant entendre qu’il n’est pas bon de pardonner, de se réconcilier comme ADO et Bédié l’ont fait ? Quand des étudiants proches de Gbagbo vont s’attaquer au siège de la coalition qui soutient Ouattara, où est le sens de la discipline ? Quand Gbagbo, publiquement, marque son ascendance sur la FESCI (Fédération estudiantine et scolaire de la Côte d’Ivoire), où est le sens de la responsabilité ? Quand la plus haute instance de la communication qui supervise la campagne interdit qu’il soit dit à la télévision " candidat du RHDP " (Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix), s’agissant de Ouattara alors que Gbagbo peut être appelé " candidat LMP " (La Majorité Présidentielle), où est le sens de la justice ? 

 

Alors, je me pose des questions ! Si Alassane remportait cette élection, Gbagbo saurait-il taire ses rancœurs contre lui pour construire ensemble une Côte d’Ivoire nouvelle ? Et si c’était lui Gbagbo qui gagnait, saurait-il tendre la main au perdant ? Y a t il une réelle chance de réconciliation en Côte d’Ivoire après ces élections où la haine est plus forte que l’amour et où les protagonistes voient la guerre au lieu d’une simple adversité ? Peut-on entrevoir la paix sur les bords de la lagune Ebrié après toutes ces méchancetés à l’emporte-pièce déblatérées par un camp contre l’autre ? Certains Ivoiriens qui pensent " Après moi le déluge ! " ne sont-ils pas en train de préparer le terrain d’un autre Rwanda, d’un autre Kenya, d’un autre Zimbabwé, d’un autre Madagascar ?

Graves questions devant le spectacle de ces grands qui se mettent nus devant leurs enfants déboussolés. Et pourtant, entre ces deux maux qui s’affrontent, il faudra bien choisir le moindre mal. En attendant, tous les leaders religieux demandent aux protagonistes de " mettre balle à terre ". Comme si les politiciens avaient peur de Dieu ! Triste et désespérant, n’est-ce pas ? Bien à vous.

Par MINGA S.Siddick

Commentaires via Facebook :