Le 14 novembre 2023, les forces armées maliennes ont libéré la ville de Kidal, dans le nord du pays, occupée pendant au moins 11 ans par un groupe de terroristes. Cette victoire militaire majeure est un tournant décisif dans la lutte contre l’insécurité au Mali et met un terme à un plan de partition du pays orchestré par la France.
L’espoir de la souveraineté retrouvée et de la dignité conquise est terni par la crise d’électricité qui, comme une peste, frappe l’ensemble du pays. Tout le monde le ressent profondément. En effet, depuis bientôt deux mois, les Maliens souffrent du délestage en cette période de forte chaleur où la demande est élevée. Un problème qui dure depuis plus de dix ans sans solution concrète. Le déficit de production de l’électricité est causé par le manque de carburant pour alimenter des centrales, la réduction de 70 % de l’électricité fournit par la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE) au Mali et la saturation du réseau de Manantali nous privant du transport de l’électricité produite par Albatros.
Selon le dernier rapport du Fonds monétaire international (FMI), publié en mars 2021, «les fréquents délestages et le coût élevé de l’électricité demeurent un important obstacle à la croissance du Mali». Le salut du Mali peut passer par la mise en œuvre du plan de redressement à moyen terme du secteur de l’électricité.
Insuffisamment diversifiée et fortement informelle, l’économie malienne reste très dépendante de l’extérieur pour ses importations (denrées alimentaires, intrants agricoles, produits raffinés, biens de consommation) et ses exportations (or, coton, produits agricoles). Les aléas climatiques pèsent très lourdement sur son secteur agricole, historiquement peu développé avec seulement 2 % des deux millions d’hectares de terres arables disponibles (bassin du Niger) mis en valeur.
En dépit de l’aggravation continue depuis 2012 et de la crise multidimensionnelle à laquelle le Mali fait face, l’économie malienne confirme une résilience atypique avec un taux de croissance économique moyen élevé de +4 % sur les 10 dernières années. Sur la même période, l’inflation jusqu’ici maîtrisée (inférieure en moyenne à 2 %), s’est aggravée (+8 % en fin 2022) et persistait toujours en fin 2023. Quant à la dette publique, elle était estimée par anticipation à 55,9 % du PIB en fin 2023. Elle reste toutefois dans la norme régionale, donc inférieure à 70 % du PIB.
Pour sa part, l’Etat conserve une capacité singulière à honorer ses engagements. Le ministre malien de l’Economie et des Finances ayant notamment annoncé (le 12 août 2022), un mois après la levée des sanctions économiques et financières imposées par la Cédéao, l’apurement de l’intégralité de la dette extérieure du pays (≈ 85,5 milliards XOF). Abordant les perspectives macroéconomiques du pays, le rapport du FMI ((FMI/mars 2021) indique que le Mali a connu une croissance du PIB résiliente en dépit des nombreux chocs subis en 2022, y compris les sanctions de la Cédéao, l’inflation alimentaire et les attaques de parasites affectant la production cotonnière. La croissance du PIB estimée à 1,8 % est soutenue par la reprise de l’agriculture vivrière et la résilience de l’or et des télécommunications. L’inflation annuelle moyenne a augmenté pour atteindre 9,7 % en 2022-2023, principalement en raison de l’augmentation des coûts des denrées alimentaires.
Le Mali affiche l’un des taux de malnutrition aiguë les plus élevés d’Afrique de l’ouest. Avec 40 millions d’hectares de terres arables, la plus grande capacité d’irrigation de la région du Sahel (560 000 hectares) et 300 jours d’ensoleillement par an, le Mali doit miser sur le secteur agricole pour lutter contre la malnutrition et la pauvreté. De nouvelles politiques de développement agricole permettraient au pays d’anticiper l’impact prévisible des changements climatiques sur la productivité du bétail et des cultures.
Les points forts de l’économie malienne résident dans ses secteurs agricoles, céréaliers et cotonniers, ainsi que le secteur minier dont les potentialités restent faiblement explorées et exploitées. La dynamique nouvelle à impulser aux entreprises est le levier du processus de transformation de l’économie à travers sa diversification, le développement des infrastructures de base et son industrialisation.
Le Mali dispose d’importantes ressources en eau dont le potentiel est estimé à environ 148 milliards de m3 contre des besoins annuels estimés à 6,12 milliards de m3, soit seulement 4% du potentiel. Le taux de renouvellement annuel est de 66 milliards de m3. Avec de telles potentialités, le Mali pourrait raisonnablement ambitionner de devenir une puissance agricole, le «Grenier de l’Afrique». Et la volonté politique existe car le Mali est l’un des rares pays africains qui consacrent 15% de leur budget au secteur agricole depuis plusieurs années…
Abdou Karim Dramé
Journaliste indépendant/Chercheur sur les stratégies de croissance accélérée