La solidarité africaine

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Il ne fait pas bon être pauvre dans notre société d’aujourd’hui. Au point qu’on peut se demander parfois si la condition des pauvres, dans une société pauvre n’est pas, sous certains aspects, une malédiction. Certes, dans les sociétés riches modernes et développées, la pauvreté est relative, car le développement économique entraîne l’ensemble de la société et tout le monde en reçoit une part, ne serait-ce que par les biais des services publics.
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rnLes pauvres des sociétés développées sont plus ou moins à l’abri de la faim, et bénéficieraient d’une sécurité minimale et de la redistribution sociale, tandis que dans les pays sous développés, ou en voie de développement, les inégalités sont énormes, et la pauvreté confine à l’absolu. Chez nous, être pauvre ou  démuni, ou défavorisé  comme on aime relativiser le fléau, doit interpeller notre conscience car il tend vers un modèle que plus personne n’ose évoquer depuis que la pauvreté est devenue une réalité quotidienne. L’immense peuple des pauvres, à qui la rue appartient, y déploie, à travers une multitude d’activités et de services, une ingéniosité, une habileté manuelle et des aptitudes physiques qui surprennent plus d’un.
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rnEn Afrique il y a des pauvres qui se démènent pour trouver du travail ou s’adonnent à une occupation : Laveurs de voitures, laveurs de tapis, échangeur de mauvais billets de banque, revendeur de carcasse de véhicules, vendeurs de journaux, de thé servi à chaud, de jus de gingembre, racoleurs de savates, techniciens de surface chez les riches, ramasseurs de plomb, arpenteurs des cotes à la recherche d’objet jetés par les bateaux, ramasseurs d’ordures ménagères etc.… Ceux-ci constituent la catégorie des pauvres débrouillards. Il y a aussi les pauvres démunis qui se laissent choir dans les dispositifs d’assistance. Une femme spécialiste du monde du travail disait que « L’économie dans laquelle ces activités s’insèrent fait une large place au mode de vie pauvre, peut-être la plus grande, ou du moins le faisait, car la mondialisation économique et financière est en train d’absorber à grande vitesse tout ce qui restait des économies domestiques locales ».
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rnLe phénomène tourne même à l”exploitation commerciale des enfants avec ceux qu’on utilise dans le secteur informel (garage auto, briqueterie, ateliers divers…petites AGR). Sans aucune assurance ni aucune autre forme de couverture, ils sons exploités, poussés à l’extrême, lessivés. Chez les mendiants, ils guident des vieux mendiants aveugles ou infirmes, sans aide, lorsqu’ils ne sont pas mendiants eux même. Cette enfance dont l’écrasante majorité vit dans le dénuement total, est vouée à la déperdition et ne peut donc s’éclore. Ils n’ont aucun motif d’espérance. Très souvent sans foyer ni famille, ces enfants fragiles sont réduits à errer dans les rues, la mendicité étant leur seul moyen de survie. Ils se retrouvent sur les grandes artères de la capitale et devant les lieux publics : les mosquées, les hôpitaux, les pharmacies et les carrefours. Les femmes constituent la majorité de ceux qui tendent la main. Le plus souvent, on les voit avec des enfants généralement des jumeaux, assises à même le sol, leur regard inquisiteur se promène sur les visages des passants guettant celui qui dans un sursaut soudain leur jettera une pièce. Dans leur univers, elles sont souvent violées, maltraitées ou abandonnées à la merci de la prostitution des maladies et des excès.

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Au sein de ce monde de l’errance et du désespoir, les  plus petits savent à peine parler. Toute la journée, arpentant les grandes avenues de nos grandes villes, de nos capitales, ils courent entre les véhicules, s’accrochant aux passants, suppliant, chantant, cherchant à s’attirer un regard compatissant. Ces enfants sont seuls, venus d’horizons divers. Issus de milieux paysans musulmans, ils connaissent les produits toxiques, et la violence aveugle. Mais qui sont-ils ces enfants ? D’où viennent-ils, Où sont leurs parents ? Qui les contrôle ? Qui les « exploite » ? Nous ne porterons pas de jugement, ces colonnes seront insuffisantes. Ces pauvres gamins ne sont que le reflet de notre société et de son développement qui creuse l’écart et entretient les inégalités. Certains me diront que cette horde de gamins mal éduqués et délinquants donne une mauvaise image de notre société et doivent être chassés des endroits publics. 
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rnPensons-nous réellement que ces gamins pauvres abandonnés à eux même peuvent constituer une mauvaise image de nous ? La mauvaise image de nous, ils en sont la conséquence directe. Ils sont les pauvres victimes de notre insouciance, de la mauvaise gestion de nos ressources, de l’injustice, et même de l’arbitraire. Ils n’en sont pas la cause. Regardons ces hommes en haillons, ces femmes ces enfants ces petits corps squelettiques dont le regard nous transperce et heurte notre conscience. Ces zombies sont une partie de nous même. Nous ne sommes pas à l’abri de la situation qu’ils vivent. Elle nous guette tous les jours et nous rend nerveux tendus et décidés à conserver nos acquis et augmenter nos biens. Peine perdue ! car sans être trop fataliste, rien ne peut nous garantir une vie heureuse et d’ailleurs sommes nous si heureux qu’on le prétend ? Non nous ne serons heureux que lorsque nous acceptons de partager dans un élan de solidarité et d’humanisme.

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Il existe dans nos sociétés de personnes généreuses, vertueuses et de bonne volonté qui songent fréquemment à donner, à assister un démuni à secourir une veuve ou un orphelin. Ces qualités doivent être louées et renforcées. Nous ne nous occuperons jamais assez de nos pauvres, de nos nécessiteux.

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 Qu”est-ce que les riches attendent pour donner aux pauvres ? Qu”est-ce que nous attendons nous autres qui ne sommes pas riches ? Qu”est-ce que nous attendons pour nous rendre compte de notre ridicule ? Face aux horreurs de celui qui souffre, la jouissance insouciante de nos biens matériels a de quoi nous révolter. Notre cupidité n’a d’égale que notre peur de perdre. Notre indifférence vis-à-vis de celui qui est entièrement démuni est symptomatique d’une réalité bien plus profonde : La peur de la mort et face à la mort nous sommes tous égaux riches comme pauvres. Elle nous arrachera à ce monde sans que nous puissions nous y soustraire. Notre argent ne nous sera d’aucune utilité. Quel argent nous permettra de souscrire à " une assurance vie ", Aucun ! Aucune évacuation en Europe, aux USA ou ailleurs ne nous arrachera des griffes de la mort.
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rnQuant au don que nous faisons à nos prochains, ce  n’est pas de l’assistanat condamné par certains milieux prétendument « éclairés ». Le geste que nous faisons en direction de nos frères et sœurs nécessiteux est dicté par notre conscience, notre devoir moral envers notre prochain. Occupons-nous de nos pauvres.  Donnons nos habits en trop, nos sandales en trop, notre nourriture en trop. Donnons la joie par un sourire, un mot amical. Assistons nos voisins démunis et partageons. Respectons leur fierté et n’écorchons pas par un geste maladroit leur dignité. Notre geste perdrait de sa signification et notre bonne intention serait interprétée comme un geste dédaigneux par celui qui reçoit notre don. Sachons donner car donner est un art, une vertu, un moyen d’élévation, de grandeur, de générosité.  Nous gagnerons toujours.
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rnFaisons l’effort et nous découvrirons le plaisir de partager. Cher frère, chère sœur, la paire de sandales que vous avez en trop appartient à celui qui n”a rien à se mettre aux pieds. Vos habits en trop appartiennent à celui qui n’a rien à porter. Votre nourriture en trop appartient à votre voisin pauvre. La solidarité étant une caractéristique essentielle de notre quotidien, et celui de ceux qui nous ont précédé ici bas. Nous avons un devoir de conscience à l’égard de nos semblables, soulager leur souffrance et surtout prendre l’habitude d’aider, de partager. Nous gagnerions en grandeur d’âme, en quiétude morale et la satisfaction profonde d’avoir fait sourire un enfant malheureux, d’avoir contribué au bonheur d’un enfant malheureux, au bonheur d’une famille.    

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Faisons l’effort.

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Bonne et heureuse année 2008 !

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Mohamed Ould Sidi Mohamed (Moydidi)

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Nouakchott – Mauritanie tel 622 31 36

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