Les formations politiques se rendent compte qu’il leur faut revenir activement dans le jeu. Exposé de méthodes.
rnLa très percutante formule avait été lâchée en novembre 2006 sous les voûtes du Centre international de conférences lors du sommet Afrique-France. Elle proclamait que si la politique ne voulait pas s”occuper des jeunes, les jeunes s”occuperaient de la politique.
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L”apostrophe aurait pu pratiquement à la même époque être récupérée et retournée sous forme d”avertissement aux acteurs de l”univers partisan : si les politiques négligent la politique, la politique avancera sans eux. Car le constat est irréfutable : il y a eu très peu de politique au sens admis du terme dans la période 2002-2007. Non pas par la faute du consensus, comme l”ont prétendu les adeptes d”explications sommaires. Mais en raison de la relation que les formations politiques elles-mêmes avaient entretenue avec la pratique de ce consensus.
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Cette relation aurait pu être résumée par un double "ni" : ni implication, ni distanciation. Elle avait donné lieu à toute une gamme d”attitudes ambiguës depuis la confortable neutralité de la majorité des "compagnons" jusqu”au quant à soi agressif de SADI en incluant la participation de plus en plus critique du RPM. L”opposition, de son côté, était aphone, accablée qu’elle se retrouvait par le triple handicap de son absence à l”Assemblée nationale, de la faiblesse de notoriété de ses représentants dans le grand public et de sa capacité plus que limitée à avancer des contre-propositions crédibles dans le domaine de la gestion des affaires publiques.
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rnAujourd”hui, la donne a notablement changé. D”abord, parce que les clivages qui se sont produits dans le paysage politique sont plus significatifs. Le camp présidentiel, structuré dans l”Alliance pour la démocratie et le progrès, n’est plus bridé par l”inconfort de l”accord tacite qu”avait instauré de facto le consensus défunt et doit clairement apporter son appui à l”action gouvernementale. Au lien informel s”est substituée la plate-forme politique et en principe, celle-ci engage les membres de l”Alliance à batailler politiquement pour la qualité de déroulement du second quinquennat.
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L”opposition s”est, elle aussi, donné les moyens d”être plus consistante, et, espère-t-elle, plus visible et plus audible. Le Front pour la défense de la république est certes hétéroclite dans sa composition, puisqu”il rassemble des acteurs à la motivation diverse. Mais ses différentes composantes pressentent toutes que d”ici 2012 leurs chances d”être invitées aux affaires sont plus qu’aléatoires. Cette certitude, à défaut d”une autre conviction, constitue déjà un ciment d”honnête qualité.
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rnUNE DEMARCHE OPPORTUNISTE –
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Le second facteur qui devrait amener un vrai regain d”activité au sein des partis est qu”à la différence de 2002-2007, le quinquennat actuel ouvre une transition vers la restauration du fait partisan. Cette restauration avait été brièvement évoquée au début du premier mandat présidentiel, mais sa plausibilité avait été implicitement écartée au bout de deux ans. La plupart des grands et moyens partis avaient alors et surtout réfléchi sur l”attitude qu”ils adopteraient face à une possible seconde candidature du président Touré.
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Les échanges sur ce point avaient été longs et prolongés. Ils ne s’étaient bouclés dans la plupart des formations qu”à quelques mois de la présidentielle et avaient donc entre-temps phagocyté tous les autres sujets de débat, notamment ceux sur la revitalisation des partis et sur les axes de force qu”ils pourraient construire les uns avec les autres. Cette lacune de réflexion stratégique s”était ressentie lors des législatives puisqu”elle avait poussé plusieurs états-majors vers une démarche prétendument pragmatique, mais en réalité opportuniste. Puisque la tactique adoptée se résumait à accepter des alliances contre-nature du moment que celles-ci augmentaient les chances de victoire électorale.
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rnCependant au cours de ces dernières semaines, divers signaux indiquent que la gestion de la transition citée plus haut occupe de plus en plus l”esprit des partis grands et moyens. On ne peut pas encore parler d’une vraie stratégie en gestation. Mais le stade de l’intention est déjà dépassé et les indices de mise en mouvement se multiplient. Qu”est ce qui motive ce début de remue-ménage dans plusieurs directions de partis ? Tout simplement la montée en puissance d”une rumeur que nous évoquions dans notre précédente chronique : celle de la possible émergence d”un dauphin indépendant pour la présidentielle de 2012. Nous utilisons le terme "rumeur", parce que l”hypothèse s”appuie non pas sur un faisceau d”indices, mais sur une conjonction de présomptions et de soupçons.
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Sachant toutefois la force de ces éléments dans la pratique politique malienne, il n”y a pas trop à s”étonner de voir les contre-feux déjà s”allumer. C”est ainsi, par exemple, que l”Adema qui projette de muscler son "noyau pensant" laisse "fuiter" des informations sur une probable une réintégration des animateurs de Convergences 2007. Le scénario ne serait pas incongru, le PASJ s’étant fait une spécialité autant des clashes émotionnels que des retrouvailles spectaculaires. Le parti de l’Abeille n’a-t-il pas ainsi récupéré ses candidats dissidents à la présidentielle de 2002 et la presque totalité de la direction du MIRIA ? Les retours dans la famille adémiste sont d”autant plus faciles qu”il n”est demandé aux revenants ni acte de contrition, ni repentir public.
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rnUN ETAT D”ESPRIT PLUS COMBATIF –
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L”un des avantages que le PASJ compterait tirer de cet éventuel "rapatriement" serait certainement la récupération d’une de ses figures historiques qui a été en plusieurs occasions son maître tacticien, Soumeylou B. Maïga. En cette période où le parti est littéralement écartelé par les mécontentements et les questionnements, l”ancien vice-président pourrait au moins proposer une vision politique pour la gestion des quatre prochaines années, vision qui manque cruellement aux Rouges et blancs. Mais comment serait-il accueilli, lui qui avait choisi l”aventure solitaire faute de n”avoir pu convaincre son parti d”aller à la compétition présidentielle ?
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Certainement avec une forte réserve par la frange qui l”avait violemment combattu. Sûrement avec perplexité par ceux qui l”imaginaient définitivement installé dans une démarche autonome. Et indéniablement avec soulagement par un nombre non négligeable de responsables à qui ses éclairages avaient manqué ces temps-ci. Globalement, une possible réintégration pourrait être acceptée sans embarras par un S. B. Maïga, qui n”a jamais rompu les ponts avec nombre d”Ademistes et qui avait toujours contesté la validité de son exclusion. Il faudrait alors au revenant l’habileté de ne pas inquiéter ses adversaires et la sagesse de ne pas rééditer les batailles qu”il avait perdues.
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rnTout ceci n”est bien sûr qu”hypothèse. Mais une hypothèse rendue suffisamment plausible par les traditions en cours au PASJ et trop souvent exposée dans la presse pour ne pas être considérée comme une mise en condition par médias interposés. Quelque soit l’évolution des événements, le retour envisagé au PASJ d”un des plus politiques des animateurs de parti est largement symptomatique de l’état d”esprit plus combatif qui s”instaure au sein de l”univers partisan. Mais qui se manifeste de manière différente au FDR et à l”ADP.
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L”opposition a la tâche relativement facile et elle en profite en investissant sans hésitation un certain nombre de dossiers sensibles pour le gouvernement : l”abolition de la peine de mort, le futur Code de la famille, les prix des denrées de première nécessité et la question du Nord Mali. Le Front déploie son offensive avec une habilité certaine. S’étant rendu compte que les réquisitoires enflammés et les vitupérations insupporteraient une population à la recherche de solutions, il privilégie les contacts directs thématiques et les espaces très ouverts de réflexion comme le tout récent atelier sur la sécurité, la stabilité et le développement dans l’espace sahélo-saharien.
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rnLA SOLITUDE DANS L’EPREUVE –
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Tiébilé Dramé, actuel président du FDR, n”a pas de difficultés particulières à appliquer cette méthode puisqu”elle fut celle de son parti entre 1997 et 2002 quand le PARENA, bien qu”aux affaires, multipliait les créneaux alternatifs de réflexion sur les problèmes nationaux. Pour l”ADP, et surtout pour ses ténors, le défi de l’affirmation est beaucoup plus complexe à relever. Il affronte comme difficulté majeure celle d”éviter l”ambiguïté. En effet, l”Alliance a une obligation incontournable et qu’elle doit gérer au mieux, celle de loyauté envers le président de la République dans le bilan duquel elle sera comptable.
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Cette obligation comporte une partie irréfragable qui est le soutien parlementaire ; et une autre qui peut s”exercer de manière plus critique, l”accompagnement politique avec ce que cela comporte de veille sociale, de travail de relais dans les populations, de protection dans les phases critiques et de force de proposition à mettre à disposition de l”Exécutif. Il convient de bien distinguer les spécificités de chacun de ces modes d’accompagnement. Le soutien parlementaire ne traduit pas en lui-même une implication d’une intensité particulière, il peut se limiter à une facilitation de type institutionnel, prodigué de manière routinière.
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rnL”accompagnement politique par contre induit inévitablement un degré privilégié de confiance entre le président de la République et ses partenaires politiques et surtout une concertation intelligente entre eux pour que soient ménagés ceux de leurs intérêts qui ne se confondent pas en toute occasion. Seule cette concertation est susceptible d’éviter la reproduction d’un phénomène constaté dans la pratique du consensus : la solitude du gouvernement dans l”épreuve. Si un tel phénomène se répétait dans la conjoncture présente, il signifierait que les deux parties chemineraient apparemment ensemble, mais que l”une se trouverait un pas derrière l”autre et désaxée par rapport à elle.
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Cette situation – inutile de se le dissimuler – se présentera inévitablement vers la fin du quinquennat. Mais il conviendrait qu”elle survienne le plus tard possible et qu”elle soit raisonnablement gérée par les protagonistes. Entre-temps, le scénario à prévenir serait celui du délitement par le non dit. Scénario qui installerait une situation d”impuissance partagée. Scénario neutralisable, mais à condition de veiller avec constance à en bloquer les prémisses.
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rnG. DRABO
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