La Lettre de cadrage insiste sur certains principes d”action, incontournables dans le contexte actuel.
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rnLa politique comporte sa part de figures imposées dont l”indispensabilité n”est pas forcément démontrée, mais dont la non exécution ouvre quasi inévitablement une séquence de contestation.
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Ainsi en est-il de la Lettre de cadrage au Premier ministre qui est devenue à sa manière un élément constitutif de l”atypisme à la malienne. Au point que cette année, son délai d”élaboration plus long qu”à l”accoutumée a nourri un début de polémique. Or le rite n”est pas institutionnellement incontournable, puisqu”il est consacré non pas par une obligation gravée dans le marbre des textes, mais par une tradition instituée par l”actuel chef de l”Etat qui l”a inaugurée à son premier quinquennat.
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Le document, lorsqu”on en situe l”utilité, occupe une place hybride entre le programme électoral proposé par le président élu et la Déclaration de politique générale (DPG) que le gouvernement soumettra à l”appréciation de l”Assemblée nationale. La Lettre "digère" donc le premier pour alimenter la seconde. Telle est objectivement sa fonction, telles sont aussi ses limites. Car c”est à la DPG que revient le privilège de solenniser véritablement les engagements électoraux du chef de l”Etat. Elle en précise en effet les formes de mise en œuvre, en fixe le calendrier d”exécution et surtout engage la responsabilité du chef du gouvernement – maître d”œuvre choisi par le président de la République – devant la représentation nationale.
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rnSi elle n”avait pas reçu dès son institution en 2002 une si forte promotion médiatique, la Lettre de cadrage serait sans doute restée ce qu”elle est en réalité, c’est à dire un document de travail destiné prioritairement à une circulation interne au sein de la grande administration publique et préparant une DPG de qualité. Mais dans le contexte actuel, sa médiatisation est la bienvenue pour les autorités. L”arrivée du document présente l’avantage symbolique de fermer la période d”imprégnation de l”actuel gouvernement et de marquer le passage à une phase de prise d”initiatives destinée à souligner le qualitativement nouveau dans l”action publique. De ce point de vue, la Lettre comporte un certain nombre d”annonces fortes, notamment dans les domaines des infrastructures routières, de la production agricole, de la création d”emplois et du renforcement du tissu industriel.
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Mais plus que sur ces actions qui seront détaillées dans la DPG et sur lesquelles il sera loisible de revenir, nous porterons pour le moment notre commentaire sur certains des principes qui étayent la philosophie d’action de l’Exécutif. Il y a tout d”abord – et avant tout – "la concertation et la participation » qui doivent se trouver dans "tous les compartiments de l”action gouvernementale" et par conséquent alimenter "un dialogue social à tous les niveaux". Il s”agit certes de la réaffirmation d”un principe de gouvernance qui a cours depuis la Transition et qui a démontré sa capacité à agir positivement sur des situations conflictuelles majeures, telles que la crise au Nord Mali, la gestion de l”après dévaluation du franc CFA ou encore l”embrasement de l”école malienne. Mais au cours des dernières années, le dialogue social n’a pas eu la vertu curative à toute épreuve qu’on lui prêtait. En témoignent la persistance des turbulences corporatistes et les trois grèves générales d”avertissement déclenchées entre 2003 et 2007 par l”Union nationale des travailleurs du Mali.
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rnL”habileté de proposition – A la base de tous ces mouvements se trouvent des causes très diverses, mais celles qui se sont avérées inévitablement déterminantes étaient la sédimentation des malentendus, l’affaiblissement de la veille sociale et la lenteur à négocier, puis à mettre en oeuvre des solutions palliatives acceptables par tous. Il y a donc pour le gouvernement urgence à se donner une qualité d”écoute particulière, et surtout à se doter d”une habileté de proposition.
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La difficulté à réunir ces deux préalables est réelle, car bien des marges de négociation ont été rendues très étroites en raison des radicalismes qui ont eu le temps de s”installer, de la culture syndicale encore embryonnaire de certains protagonistes sociaux partisans convaincus de l”ultimatum et parfois de l”intransigeance des bases qui inquiètes du renchérissement de leur quotidien interpellent avec véhémence l”Etat. Ces phénomènes ne sont pas spécifiques au seul Mali. Aujourd’hui, ils empoisonnent de manière plus ou moins prononcée l”atmosphère sociale dans presque tous les pays du continent. Mais dans notre cas, ils revêtent une acuité supplémentaire du fait que nous ne disposons que de très peu d’espace pour nous retourner. L’Etat s’est en effet déjà dessaisi de certaines de ses ressources pour atténuer les retombées des facteurs exogènes négatifs et il a une facture conséquente à payer pour honorer les concessions sociales accumulées au cours des dernières années.
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rnLe dialogue social reste donc le seul recours pour abattre le mur des incompréhensions. Sera-t-il suffisant ? Oui, si effectivement le gouvernement sait garder la main à travers l”habileté de proposition évoquée plus haut. Oui également, si est respecté le second impératif souligné par la Lettre de cadrage, à savoir « la cohérence, la cohésion et la continuité de l”action gouvernementale ». Le challenge contenu dans cette triple exigence n”est pas négligeable si on tient compte du fait que la nouvelle équipe est composée aux deux tiers de nouveaux entrants (18 sur 26) ; et qu”elle doit forger son unité et son efficacité dans l”action immédiate sans bénéficier du moindre état de grâce.
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Sans non plus pouvoir se référer en toutes circonstances au vécu de ceux qui sont restés. C”était à une difficulté similaire qu”avait été confrontée l”équipe Mandé Sidibé en février 2000, elle qui avait eu à accueillir en son sein un fort contingent d”arrivants (13 sur 21 membres, avec seulement deux ministres maintenus à leur poste antérieur). C’est cette difficulté que cherchera vraisemblablement à amoindrir le chef du gouvernement lors du séminaire gouvernemental qui s’ouvrira demain. Outre la préparation de la DPG, Modibo Sidibé s’emploiera certainement à fortifier le « travailler ensemble » et à préciser les synergies à établir aussi bien entre les différents départements qu”à l”intérieur des grands projets confiés à l’Exécutif.
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rnCet exercice de cadrage est indispensable pour définir un esprit et une méthode. L’essentiel se jouera ensuite sur les qualités personnelles des ministres, sur leur aptitude au contact, sur leur réactivité aux situations critiques et … sur leur carnet d”adresses. Autant d”atouts qui ne se révéleront que dans l”action et qui ne se fortifieront qu”à travers celle-ci. Autant d”atouts aussi qui ne se bonifieront que dans une solidarité gouvernementale conquérante. Une solidarité, qui seule pourra, comme le disait un homme politique français, « assurer dans le silence les rudes disciplines de l’équilibre ».
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rnG. DRABO
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