L’avenir politique au Mali: La Méthode et le Tempo

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Les résistances aux réformes sont inévitables. Mais il est possible de les atténuer.
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rnUn second quinquennat présidentiel ne se voit pas proposer une infinité de destins. Schématiquement, il ne peut en connaître que deux. Il est soit celui de l”audace, soit celui du surplace. Tout dépend de l”usage que le chef de l”Etat, désormais libéré de la réserve imposée par la recherche de sa réélection, désire faire de sa nouvelle marge de manœuvre. Le Président peut aussi bien tenter le pari de la postérité que se limiter à la gestion du proche avenir ; aussi bien accepter le risque des réformes que choisir le confort des retouches ; bref, aussi bien faire bouger que ménager. Telle était l”alternative qu’affrontait le président Touré qui a clairement opté pour le changement. Il convient cependant de souligner que le chef de l’Etat ne dispose que d”un nombre limité de domaines dans lesquels peut s”exercer une forte innovation.
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rnEn effet, les contraintes de la conjoncture mondiale et les ressources limitées du pays rendent aléatoire l’application d’une démarche volontariste dans le domaine économique. Notre pays doit d”abord et en priorité s”adapter aux conséquences pénalisâtes pour ses populations de phénomènes externes qui vont de la montée continue du prix des hydrocarbures à l”explosion du coût de certaines denrées de première nécessité. Ces tendances s”installent de manière durable et la question la plus pressante pour l”Etat sera de savoir comment les endurer tout en préservant la paix sociale. Car même la manne attendue des ressources pétrolières n”amènera pas un ballon d”oxygène immédiat et significatif, ainsi que le démontre tout près de nous le cas d”un pays ami.
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rnDans un premier temps, les réformes les plus visibles et les plus symboliques vont donc se situer au niveau des textes. Le président Touré avait ouvert certaines pistes lors de son discours du 22 septembre dernier et le gouvernement a donné suite à l’une de ces annonces en adoptant lors de son premier Conseil des ministres un projet de loi portant abolition de la peine de mort. La réaction des associations musulmanes n”a certes pas été immédiate, mais elle s”est exprimée avec fermeté au cours des deux semaines passées. Le ton en est à une contestation sans nuances d”un projet qui pour elles va à l”encontre des principes édictés dans le Livre saint. Sans entrer dans l”échange des arguments, il y a un fait à reconnaître, une spécificité à rappeler et une situation à prévoir.
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rnUNE RADICALISATION INATTENDUE –

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Le fait est que dans la conduite de ce dossier, le gouvernement n”a pas souscrit à une tradition établie depuis la Transition sur toutes les questions sensibles, celle de la concertation préalable avec les principales parties concernées. L’avantage du recours à cette pratique est que sans bloquer la prise de décision, il permet d”infléchir celle-ci au besoin et surtout de prendre la mesure des résistances que les autorités auront à affronter. L”Exécutif avait certainement présumé de la réceptivité de l”opinion publique. Il a pensé ne pas rencontrer d’opposition dans un contexte où la peine de mort n”est plus appliquée depuis des décennies et où l”abolition aurait eu la vertu de consacrer un état de fait tout en marquant une avancée humaniste.
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rnLa spécificité concerne l’heureuse séparation jusqu’ici respectée dans notre pays entre le politique et le religieux, séparation qui fait que le premier a toujours échoué à récupérer les combats livrés par le second. Cela s’est vu il y a quelques années lorsque gonflait la polémique autour de l’avant-projet de Code de la famille et de la personne. Les personnalités partisanes qui avaient à l’époque exprimé une sympathie appuyée en faveur des thèses des associations musulmanes n’en avaient obtenu aucun signe de reconnaissance publique en retour. Le souvenir de ce précédent assez récent laisse donc penser qu’il n’y aura certainement pas d’ébullition politique significative sur la question de l’abolition de la peine de mort.
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rnLa situation à prévoir est celle qui surviendrait si la loi était adoptée par le Parlement. Il convient de bien écouter les responsables islamiques qui se montrent tous légalistes et admettent qu”ils ne sauraient s”opposer au gouvernement si ce dernier maintenait son cap. Correctement déchiffré, le message indique clairement qu”il n”y aura ni fronde ouverte, ni trouble organisé à la suite de l”instauration de l”abolition. Par contre, la netteté du clivage entre les deux camps laisse présager la persistance d’une situation contentieuse et l”installation d”une grogne rampante dans le milieu des associations islamiques. Grogne qui alimentera – comme cela est déjà perceptible – les joutes autour de la révision du Code de la famille.
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rnSur ce texte, également annoncé lors de l’allocution présidentielle du 22 septembre, la bataille est ancienne et complexe. Elle s”était en effet radicalisée de manière plutôt inattendue dans une dernière ligne droite qui s’annonçait sans difficulté. Rappelons que l”avant-projet de Code avait en 2000 et 2001 franchi sans anicroche les filtres des concertations locales, régionales et même nationale. Ce fut au moment où commençait la rédaction du projet que prit corps sa remise en cause par les associations musulmanes.
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rnCes dernières ciblèrent prioritairement un certain nombre de dispositions qu”elles jugeaient inacceptables pour le maintien des bonnes mœurs et la sérénité de la famille. Au nombre des points contestés figuraient notamment les droits à accorder aux enfants nés hors mariage, la possibilité pour la femme de se voir attribuer la prérogative de chef de famille, l”encadrement plus strict du mariage religieux. A l”époque, la protestation des associations musulmanes s”était exprimée à travers deux meetings monstres et surtout dans une succession de prêches virulents dans le réseau des mosquées. Les autorités d”alors avaient pris note de la subite radicalisation du rejet et avaient préféré geler l”examen de l”avant-projet. Le texte a été revu dans le sens d”une plus grande cohérence et d’un plus grand réalisme entre 2002 et 2007, mais avant qu’il soit mis en discussion à l’Assemblée nationale, il ravive déjà les passions.
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rnBOULEVERSE ET CABRE –

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C”est visiblement une volonté de dissuasion qui anime l”action actuelle des associations et ce bouillonnement précoce complique l”approche d”une question délicate en elle-même. Il reste au gouvernement à privilégier une conciliation intelligente et à apaiser les préventions qui ne s”expriment en fait que sur un nombre limité de points jugés emblématique. C”était à cet effort de communication supplémentaire que s”étaient refusés les premiers concepteurs du texte en arguant que le cycle de concertations avait valeur de validation et qu”il ne fallait pas craindre de bousculer le présent pour fortifier l”avenir. Le raisonnement avait le mérite d”être courageux, il présentait la faiblesse d”être provocateur. En effet dans ce domaine bien précis, il est préférable d”avoir un texte qui entérine l”évolution sociologique et encourage l”ouverture des esprits qu”un Code qui bouleverse les usages et cabre une large frange de citoyens. Autant l”innovation est indispensable, autant la négation de réalités encore vivaces dans le pays réel peut générer des retombées pernicieuses.
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rnLa troisième piste de réforme évoquée déjà en plusieurs occasions par le président de la République est sans doute la moins polémique. Il s”agit de valoriser le verdict démocratique exprimé par les consultations électorales en ouvrant une réflexion sur le mode d”inscription des citoyens. Ici, il faut surtout se défaire de la tentation de la facilité qui consisterait à se limiter à une substitution mécanique de l”inscription volontaire sur les listes électorales à l”inscription d”office. En effet, si l’on néglige d”étendre la réflexion à l”amélioration et à la simplification des procédures, l”on en arriverait à des listes électorales numériquement très éloignées du chiffre de la population en âge de voter (ce qui serait déjà une forme d”échec) ; et l’on ne s”éviterait pas une faible participation qui se nourrirait de la difficulté à recouvrer la carte électorale et à identifier le bureau de vote. Souhaitons donc à la personnalité qui héritera de cette réforme un solide sens du pragmatisme.
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rnLes premiers chantiers institutionnels fournissent déjà matière à réflexion. Leur nécessité ne se discute, guère pas plus que leur inscription dans ce second quinquennat qui peut et qui doit laisser sa trace dans l”histoire récente de notre pays. La question se pose surtout en termes de juste tempo et de méthode adaptée. Les résistances sont inévitables, il faut empêcher qu”elles ne se cristallisent. La griserie de l”innovation pour l”innovation n”est pas négligeable, il convient de la contenir pour ne pas se retrouver avec des textes qui soient des usines à gaz, superbes et inapplicables. La contrainte du délai est forte en raison des limites de la partie « utile » du mandat, la cadence des réformes se doit d”être soutenue. L”entreprise ne manque donc pas d’embûches. Mais elle vaut absolument d”être menée. En faisant attention au rythme et en se souciant de la manière.
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rnG. DRABO
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