L’avenir politique au Mali: L’Indispensable mise à plat

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Un échange sans fard de vérités sur le renchérissement de la vie entre gouvernement et partenaires sociaux assainira la gestion de ce problème.
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rn"Le bon vivre ensemble malien". Comme à son habitude, feu Monseigneur Luc Sangaré avait forgé une formule bien à lui pour caractériser ce qui constitue l’un des principaux atouts socio-culturels de notre pays. Dans cette expression, l”archevêque de Bamako mettait le meilleur de nos traditions de solidarité, mais également notre capacité d”écoute mutuelle, notre inclination à la tolérance et notre art de la solution consensuelle. La conjugaison de ces particularités ne fournit pas nécessairement une extinction des contradictions, mais elle forge la faculté d”éviter que ces contradictions n’atteignent leur paroxysme et n’amènent des divergences inextinguibles. C’était justement parce qu”il sentait monter une vague d”intransigeance politique et sociale à l”approche des consultations électorales que Mgr Sangaré avait en janvier 1997 lors de la présentation des vœux au président de la République appelé à la préservation du "bon vivre ensemble".
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rnIl aurait pu formuler un souhait similaire en cette fin d”année 2007. Certes, la conjoncture est tout à fait différente et l’ampleur des difficultés moindre. Mais on ne peut pour autant mésestimer les périls à conjurer et les incertitudes à affronter. Le front social très actif depuis plus de 18 mois ne s”apaise guère. Si depuis juillet dernier, et depuis la grève générale de l”UNTM, n’est survenue aucune contestation d”ampleur nationale, il subsiste une série de foyers catégoriels dans le traitement desquels le gouvernement ne bénéficie que d”une marge étroite de négociation. Car dans le dialogue engagé avec les protagonistes sociaux, l”Exécutif voit sa tâche compliquée par les anxiétés suscitées par la situation économique. En effet, face au renchérissement de la vie, les directions des divers syndicats sont talonnées par une base inquiète de la dégradation de son pouvoir d’achat et démontrent donc une propension moindre au compromis, notamment en ce qui concerne les avantages pécuniaires ou matériels.
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rnUN DOSSIER PRIMORDIAL –

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rnDans ce climat de pression, le gouvernement avait bénéficié d”un appréciable bol d”oxygène avec le semi-échec de la grève générale décrétée fin novembre par la CSTM. Il faut dire que la Confédération qui désirait certainement affirmer son influence et ne pas abandonner trop de terrain à sa rivale de l”UNTM, avait plutôt mal préparé son action. Tout d”abord en présentant un cahier de revendications extraordinairement touffu (plus d”une cinquantaine de points), très difficile à satisfaire par le gouvernement et dans lequel se perdaient ses propres militants. Ensuite, en communiquant fort mal (selon son propre aveu) sur l”échec des négociations. Enfin, en sous-estimant sa perte d”influence dans ses bastions d”origine (les banques-assurances et les transports) dans lesquels la centrale concurrente a réussi une percée relativement importante. Finalement, ce furent les militants de la Fédération de l”éducation nationale qui, par leur mobilisation, permirent à la CSTM de sauver la face.
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rnMais cette dernière ne peut objectivement projeter dans le très court terme la relance d”une action générale et elle ôte au gouvernement la pression de trouver rapidement un accord avec elle. L”UNTM qui avait pris soin de marquer nettement sa différence d”analyse de la situation socio-économique, tire du faux-pas de sa concurrente un double avantage. Le premier – évident – est d”avoir fait constater la différence de force de frappe entre les deux centrales. Le second – essentiel pour l”Union – est de n”avoir pas perdu la main dans un dossier primordial pour elle, la défense du pouvoir d”achat des consommateurs, et plus exactement l’endiguement de la montée des prix des produits de première nécessité. La direction de l”Union sait, en effet, qu”elle joue une bonne partie de sa crédibilité sur cette question dont l”acuité s”est accentuée depuis août dernier.
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rnC”est donc pour contenir l”impatience d”une base de plus en plus remuante que les responsables de l”UNTM se sont informés la semaine dernière auprès du gouvernement sur l”état des préparatifs du Forum national sur les denrées de première nécessité. Contrairement à certaines grandes messes purement formelles, cet événement qui se tiendra vers la fin de ce mois sera très attendu de l”opinion publique. Parce qu”il se rapporte à une question pour la résolution de laquelle les mesures prises depuis plusieurs mois par le gouvernement ont produit des résultats plutôt discutés.
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rnOn se souvient qu”en août dernier pour contenir la montée du prix du lait et de l”huile, l”État avait consenti des exonérations sur l”importation de ces produits. Dans le même temps, il avait accordé un appui aux abattoirs de la capitale et instauré des restrictions à l”exportation du bétail sur pied pour enrayer le renchérissement du prix de la viande à Bamako et dans certaines grandes villes du pays. En outre, les autorités administratives régionales avaient été mobilisées aussi bien dans une veille anti-spéculation que dans le contrôle de l”exportation du bétail et des céréales. Enfin, pour éviter une hausse du prix du pain, il avait été procédé toujours au mois d’août à une réduction du poids des produits vendus.
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rnNI SOURDS, NI AVEUGLES –

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rnLe gouvernement avait donc réagi assez vite et suffisamment à propos. Mais à défaut de pouvoir assurer un encadrement des prix (exercice problématique et généralement infructueux), a-t-il réussi à obtenir une loyale collaboration des opérateurs privés ? Dans l”opinion publique, la réponse est unanimement négative. Au point que se faisant le relais des élus municipaux, le président du Haut conseil des collectivités s”en est pris la semaine dernière ouvertement et publiquement à ceux qu”il a désignés comme les "vendeurs" qui par leurs pratiques blâmables ont amené les populations au bord de l”exaspération.
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rnDe fait, le grand défi des autorités aujourd”hui n”est pas tant de maintenir un statu quo (intenable) sur les prix que de convaincre nos concitoyens de l’égalité de tous dans la difficulté. Les Maliens ne sont ni sourds, ni aveugles à ce qui se passe non seulement dans les pays d”alentour, mais également dans les nations du Nord. Ils ont conscience qu”ils subiront inévitablement les effets de la hausse mondiale drastique sur certains produits de large consommation.
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rnCe qu’ils
souhaitent, c’est d’être convaincus de la moralité de comportement de tous les protagonistes dans la difficile conjoncture qui s”installe. Or, cette conviction est très loin d’être acquise. Dans l’esprit du citoyen moyen, la crise profite de manière éhontée à un certain nombre d”opérateurs économiques qui ajoutent à l”indécence du profit, l”outrecuidance de se présenter en bienfaiteurs du consommateur. C”est pourquoi la rencontre de cette fin de mois aura son utilité indiscutable. Elle permettra tout d”abord un indispensable exercice de vérité, notamment par la mise à plat de certains comptes. Puis la recherche de solutions acceptables. L”échange peut s”avérer productif, car il rejoint dans l”esprit une démarche réussie en 1994 lorsque État, Chambre de commerce et syndicats avaient dialogué pour atténuer les retombées de la dévaluation du franc CFA. Il n”y avait pas eu besoin à l’époque d”un cadre de concertation formalisé, la franchise dans les discussions et la sincérité dans la collaboration avaient suffi, complétées qu”elles avaient été par une communication méticuleuse.
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rnCette franchise et cette sincérité devront être bien présentes au rendez-vous du 26 décembre prochain. Car ce sera sur elles que se bâtiront des solutions supportables par tous. Des solutions qui ne seraient pas des palliatifs porteurs de complications futures inextricables. Des solutions qui se démarqueraient aussi des arrangements provisoires qui prolongent le stress des consommateurs. Il reste encore possible d’appeler à la rescousse le "bon vivre ensemble malien". Mais il convient de ne pas oublier que celui-ci se nourrit de confiance et de solidarité. Ce sera donc la preuve de l”une et de l”autre que les participants vont se réclamer mutuellement.
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rnG. DRABO
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