Officiellement, la célébration de l’accession du Mali à l’indépendance a pris fin avec les cérémonies de "courses des chameaux" et "Flamme de la paix" en, début février à Kidal. Elles ont été magnifiques sur le plan artistique. A travers des symboles forts, les manifestations nous ont fait découvrir des pans glorieux de notre passé (la Résistance de Logo-Sabouciré, la Charte de Kouroukanfouga), des facettes fascinantes de notre culture et de notre histoire avec l’ambition de nous redonner confiance pour le présent et l’avenir.
Aujourd’hui, c’est une nouvelle page blanche de l’histoire qui doit s’ouvrir aux Maliens. Elle doit être remplie par des idées novatrices et des actes concrets allant dans le sens de l’équité et de la justice sociale. Une page blanche dont nous sommes tous les rédacteurs et que nous ne pourrons pas bien écrire en se cramponnant à certaines étapes douloureuses du précédent cinquantenaire. Justice sociale, réconciliation nationale, consolidation de la démocratie… doivent nous guider pour le futur cinquantenaire.
Que retenir du cinquantenaire passé de l’indépendance du Mali ? Certes, le pays n’est pas forcément allé dans le sens souhaité par tous : le plein épanouissement économique, social, politique et culturel. Mais, comme l’analysait si pertinemment le président Amadou Toumani dans son message à la nation du 22 septembre 2010, "le développement socioculturel, le développement rural, industriel et énergétique, le développement des infrastructures, des moyens d’information et de communication, de l’urbanisme et de l’habitat, de l’artisanat et du tourisme et des relations extérieures ont connu des avancées hautement significatives au regard de la situation à la veille de notre accession à l’indépendance".
Ainsi, le 22 septembre 1960, le Mali disposait de 350 km de route bitumée contre 5 700 km en 2010. Aujourd’hui, la Fonction publique compte 12 500 de catégorie A contre moins de 20 cadres à notre accession à la souveraineté nationale et internationale. Au plan agricole, les superficies aménagées pour l’irrigation s’élevaient à 50 000 hectares contre présentement 345 240 ha. L’approvisionnement en eau, assuré par 3 stations de pompage, touchait seulement 2 % de la population. De nos jours, ce taux de couverture est estimé à environ 73,34 %.
rnQuant au réseau électrique, il était alimenté par deux mini-centrales (à Darsalam et Félou) alors que le Mali de 2010 totalise 19 centrales autonomes et 6 centrales de réseaux interconnectés. Mais, sur la même période, la population de notre pays est passée de 4 millions à 14,5 millions d’habitants. Une croissance démographique qui crée de nouveaux besoins, suscite de nouvelles attentes et des exigences de satisfaction. La rupture brutale du 19 novembre 1968 a été une cassure handicapante pour l’atteinte des ambitions nourries à l’indépendance. Elle a mis le développement (social, économique et politique) du pays en veilleuse en sacrifiant des compétences.
La démocratie n’a pas non plus comblé les attentes en matière de bien-être économique et social, de justice sociale… Bref, tournons courageusement la page en tirant les enseignements utiles à la rédaction de la nouvelle page de l’histoire ouverte après la fastueuse célébration du cinquantenaire de notre indépendance. Une rédaction dont la charpente doit être la justice sociale à traves l’égalité des chances, la consolidation de la démocratie et la tolérance pour définitivement nous réconcilier.
A notre avis, pour mieux amorcer le vaste chantier du prochain cinquantenaire, il est urgent que les anciens s’écartent aujourd’hui au profit des jeunes et cela dans tous les secteurs. Il faut faire confiance aux trentenaires et aux quadragénaires pour mener des reformes (politiques, administratives, économiques et sociales) en profondeur dont le pays a besoin pour réellement décoller.
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rnLibérer les énergies et les compétences
rnEt il est temps de réellement libérer toutes les énergies et toutes les compétences. En effet, les différents régimes qui se sont succédé dans ce pays ont stérilisés de nombreuses compétences au nom du fait partisan. Quelles sont aujourd’hui les chances d’un cadre compétent et honnête d’être judicieusement utilisé pour le développement de son pays en dehors du sérail politique ? Pour être aujourd’hui pris en compte dans la gestion du pays, il faut être d’un bord politique influent. Et un cadre qui arrive aux affaires par le biais d’un parti politique n’est plus libre de ses actions. Il est obligé de suivre la ligne de son parti, donc de céder à la tentation de la corruption, de la gabegie et du népotisme.
Au Mali, de l’indépendance à nos jours, les partis politiques ont énormément contribué à prostituer les cadres, à les vassaliser… On comprend alors aisément que nos partis politiques soient aujourd’hui réduits à être des repères d’apparatchiks plutôt soucieux de servir leurs partis tout en se faisant les poches au lieu de mettre leurs compétences au service du développement de la nation. Organisés en véritables réseaux mafieux, ils s’appuient toujours sur des "oligarques affairistes" qui faussent le jeu économique en s’enrichissant et en se nourrissant de corruption et de toutes sortes de magouilles.
Faire confiance à la nouvelle génération de cadres est un choix responsable compte-tenu des exigences et des aspirations de la majorité de la population malienne, c’est-à-dire la jeunesse. En effet, les jeunes constituent de nos jours 60 à 65 % (selon les tranches d’âge) de la population malienne.
Une jeunesse qui, en majorité, regarde avec dégoût et dédain une bourgeoisie cleptomane voire mafieuse se vautrer dans le luxe acquis au prix de moult malversations, de crimes crapuleux et de dilapidation de fonds publics. Si les autorités ne prennent pas cette option, les jeunes vont les obliger à ce changement de cap plus tôt qu’elles ne croient.
Pensez-vous que des jeunes cadres compétents et ambitieux vont encore longtemps se laisser écraser par des médiocres et des parvenus parce qu’ils sont agglutinés dans les sphères du pouvoir ?
Nous ne le pensons pas. Bientôt, eux aussi vont réclamer "dignité et le travail" pour ennoblir une liberté si chèrement acquise le 26 mars 1991. Les peuples n’ont pas seulement besoin de liberté et de démocratie, mais aussi et surtout d’équité et de justice sociale. Ils ne peuvent pas donc longtemps tolérer des injustices comme priver certaines couches de la propriété foncière (outil de production, moyen de survie…) en faveur de la construction de supposés logements sociaux attribués beaucoup plus selon des considérations politiciennes que sociales. Par rapport à, l’égalité des chances, le Mali n’est pas très loin de "la République très très démocratique du Gondwana".
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rnL’égalité des chances pour booster le développement social et économique
rnLa justice sociale pour tous est l’une des conditions sine qua non pour la réalisation d’un vœu exprimé par le président Modibo Kéïta, lors de la proclamation solennel de l’indépendance du Mali, le 22 septembre 1960. "Toutes les Maliennes et tous les Maliens doivent se considérer comme mobilisés pour la construction de la République du Mali, patrie de tous ceux qui sont fermement attachés à la réalisation de l’indépendance et de l’unité africaine. Toutes les Maliennes et tous les Maliens doivent accepter tous les sacrifices pour que notre pays puisse sortir grandi, rayonnant, de l’épreuve qu’il traverse pour que les Africains libres, réellement libres, puissent, sans possibilité d’ingérence, s’unir pour que s’affirme une grande nation africaine qui marquera de son sceau la politique internationale, pour que la paix, espoir des peuples en voie de développement, s’établisse entre tous les pays du monde… ", avait-il souhaité pour la circonstance.
d’ailleurs dans son message à la nation à l’occasion du 22 septembre 2010, le président ATT n’avait-il pas souligné que pour construire le Mali de nos rêves et ambitions, il faut agir pour que "toutes les filles et tous les fils se rapprochent, pour que les fractures se referment et génèrent des attitudes positives, riches de fraternité et de spiritualité" ? Une belle analyse à traduire en actes concrets pour judicieusement rédiger la nouvelle page blanche de notre histoire aujourd’hui ouverte.
rnLa justice sociale est aussi l’un des préalables pour que chaque citoyen puisse intégrer dans ses comportements de tous les jours des valeurs positives qui ont fait la fierté des puissants royaumes et des grands empires dont nous sommes les héritiers. Aujourd’hui, nos aînés ne sont pas forcément des références parce que peu d’entre eux font du respect du bien public, le sens de l’Etat "des vertus à fortifier pour que puissent mûrir à leur contact, les jeunes générations porteuses du devenir de notre peuple" (ATT, Message du 22 septembre 2010).
Des royaumes à la 3è République en passant par les grands empires, l’histoire du Mali forge le respect et impose la réflexion à la nouvelle génération. La réflexion pour bâtir un autre pays sans nous renier et sans "déchirer aucune page de notre histoire". Cela commence par la réconciliation nationale. Une réconciliation à laquelle n’est pas visiblement prête la classe politique malienne. A ce niveau, les rancœurs sont encore tenaces et les blessures ou frustrations encore fraiches.
rnLa preuve, est que le président Amadou Toumani Touré n’est pas parvenu à ramener toute la nation sur la même longueur d’ondes à ce sujet. Moussa Traoré et son régime continuent toujours de hanter et de diviser la classe politique.
rnOui, le problème se situe surtout au niveau des politiciens parce que les populations ont tourné la page même si les familles des victimes du dictateur déchu n’oublieront jamais leur souffrance, le drame qui les a endeuillées. Mais, qu’on réhabilite ou non Moussa Traoré, qu’est-cela change dans le vécu quotidien du Malien lambda ? Rien ou très peu de chose !
"Pour construire ce futur riche de promesse, nous devons rester nous-mêmes. A cet égard, il me plaît de rappeler que le Peuple du Mali n’a jamais arraché une seule page de son histoire. Il a gardé intacte la mémoire de son parcours. Des Maliennes et des Maliens ont certes enduré des souffrances, porté des deuils que les circonstances leur ont imposés mais notre peuple n’a jamais accepté de tourner le dos à l’avenir", avait martelé ATT dans son message à la nation du 21 septembre 2010.
rnUn point de vue que nous partageons parce que la tolérance et le pardon sont des vertus cardinaux de notre société, jadis et aujourd’hui. On ne peut jamais construire une nation moderne en s’attardant sur les rancunes et les vécus dramatiques du passé. Il faut savoir donc tourner la page sans tomber dans l’indifférence et l’oubli. C’est ce que le Japon et l’Allemagne ont compris après la seconde guerre mondiale. C’est ce que le Rwanda a aussi compris après le génocide de 1994. Et pourquoi pas nous au Mali ?
rnEn tant que Malien, nous partageons l’histoire de notre pays. Nous sommes tous les auteurs des plus belles pages et des plus tragiques pages de cette histoire. Quelque part, nous sommes donc tous victimes et bourreaux. C’est l’indifférence et la résignation des peuples qui font la force des tyrans et des dictateurs. Il ne faut pas oublier que Moussa Traoré a été acclamé par ce même peuple quand il a pris le pouvoir le 19 novembre 1960.
Tout comme ATT le 26 Mars 1991 et Alpha Oumar Konaré le 8 juin 1992. Ont-ils comblé toutes nos attentes ? Ont-ils toujours résistés à la tentation de régler autrement les comptes que par la voie démocratique ? N’ont-ils pas frustré ou brimés ceux qui ne partageaient pas forcément leurs visions des choses ? Rien ne saurait effacer le sang versé, les vies sacrifiées… Autant alors avancé dans l’unité pour que cela ne se reproduise plus jamais.
Sur le plan politique, il est regrettable que le multipartisme intégral est loin d’être un système politique fédérateur. C’est un obstacle à l’épanouissement démocratique. Comme aux Etats-Unis, en Grande Bretagne, l’Allemagne, ou en Inde, il nous faut aujourd’hui deux grands partis et quelques petites formations qui gravitent tout autour.
C’est sans doute la meilleure voie de la consolidation de la démocratie malienne. A quoi sert-il de surcharger le pays d’une multitude de petites formations insignifiantes et gourmandes, mais qui ne servent absolument à rien qu’à meubler le répertoire des chapelles politiques ?
Dans l’intérêt de la démocratie malienne, il est temps d’aller vers le regroupement et non fermer les yeux sur la prolifération insensée de partis minables !
rnKader Toé
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