Intime conviction Des élections au \” Jasmin \” pour un renouveau social et politique

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Les Maliens sont-ils réellement conscients de l’incapacité de leur classe politique à prendre efficacement en charge leurs préoccupations et leurs aspirations ? Si oui, une telle prise de conscience peut-elle justifier leur indifférence par rapport à la situation actuelle du pays et leur " refus " de s’indigner et d’agir pour imposer leur volonté à ceux qui sont supposés diriger le pays à leur nom.

‘’J’offre cette distinction à tous les Italiens qui ont encore la force de lutter, critiquer, s’indigner " ! C’est le commentaire fait par le cinéaste italien Bernardo Bertolucci en recevant une " Palme d’honneur " à l’ouverture du Festival de Cannes, le 11 mai 2011. Ce monstre sacré du cinéma mondial est réputé pour la " conscience politique " qu’il parvient toujours à inculquer à ses œuvres. Ce qui n’est d’ailleurs surprenant de la part de celui dont les thèmes de prédilection tournent autour de " la recherche d’une identité perdue, le choix amoureux identifié à l’option partisane, le héros qui puise sa métamorphose dans le contexte historique ".

Pour M. Gilles Jacob, président du prestigieux Festival de Cannes, ce qui stimule cette référence mondiale du 7è art, " c’est la jeunesse en colère, les éclats désespérés de la révolte, les raffinements d’une société moribonde, l’individu qui se fond dans l’épopée collective. Voilà ce qui fait de vous un des grands artistes de notre temps ".

Vous vous demandez sans doute quel est le lien avec l’actualité politique ou socioéconomique du Mali, où est-ce qu’il veut en venir ! " Les Italiens qui osent s’indigner " ! D’abord, c’est à la fois le coup de gueule et le cri de cœur d’un artiste engagé qui s’inquiète de l’avenir de son pays, qui se préoccupe du silence voire de l’indifférence de ses concitoyens par rapport à des dérives dangereuses des responsables politiques.

Le sens de cette déclaration voire de cette interpellation est très profond ! S’indigner pourquoi ? De la façon dont leur pays est géré, les frasques de leurs dirigeants, le poids écrasant de l’argent et du pouvoir sur la justice qui est pourtant supposée réguler leurs rapports sociaux, économiques et politiques pour que les valeurs essentielles d’une société puissent être sauvegardées. Ils sont nombreux les Italiens, comme les Maliens, qui regardent aujourd’hui d’un regard amusé ce qui se passe dans leur pays. Les frasques d’un Sylvio Berlusconi leur dit peu !

 

 

 

On s’en fou tous !

D’ailleurs combien de peuples s’indignent-ils réellement face à la décadence de leur pays, surtout dans des domaines essentiels des mœurs politiques, des valeurs morales et du spirituel ? Pour ce qui est du Mali en tout cas, la résignation est en train de l’emporter doucement, mais sûrement sur l’indignation. Comme le dit Tata Pound (la seule et vraie opposition crédible du pays) dans " Lèkècè ", son nouvel album : On s’en fou ! Le pays fonce droit sur le mûr, la corruption gagne du terrain sous la protection de l’impunité, des milliers de foyers sombrent chaque année dans la pauvreté, personne n’est aujourd’hui en sécurité, les institutions sociales (mariages, familles…) volent en éclat, la médiocrité devient la valeur référence… Bref, comme le dirait Tiken Jah Fakoly, le pays va mal ! Mais, on s’en fou ! Que le pays brûle, les Maliens s’en foutent parce qu’ils sont résignés à leur sort !

Une situation dramatique à la veille de 2012, une année charnière puisque devant marquer une nouvelle alternance du pouvoir. Le sort du Mali se joue présentement sous le regard amusé d’un peuple visiblement résolu à laisser son sort entre les mains des politiciens plutôt soucieux de se hisser au sommet de la hiérarchie socio-politique du pays.

Cela est très inquiétant parce que les politiciens ne cherchent qu’à nous rouler dans la farine afin de réaliser leurs ambitions personnelles ou claniques. Comme le disait un jeune réalisateur Tunisien, " les politiciens ne savent que parler d’eux avec un nombrilisme effarant. Aucun ne semble présenter un projet sérieux ". Aujourd’hui, la classe politique malienne est en ébullition. Pour qui ou pourquoi ? Au sujet du fichier électoral ! Aujourd’hui, les préoccupations des Maliens ne les intéressent plus ! Les politiques se battent pour " un meilleur fichier électoral " gage d’élections transparentes et crédibles selon eux. Et pourtant, tous ceux qui jouissent présentement d’un mandat électoral ont été élus sur la base du présent fichier comme l’as si bien rappelé le président ATT lors de la remise de la Lettre de Mission au Premier ministre, Cissé Mariam Kaïdama Sidibé. Et comme d’habitude, il a raison sur la classe politique qu’il confond aisément chaque fois dans le débat politique.

 

 

 

Le faux débat du fichier électoral

Si " ATT est mal élu " à cause du présent fichier, ce que les députés, les maires… ont également été tous été mal élus. La leçon à tirer de cette brusque ébullition de la classe politique, c’est que les politiciens de ce pays ne soucient guère du peuple que dans les discours démagogiques de campagnes. Au peuple alors de faire la part des choses, de disséquer le discours politique afin de choisir le moindre mal.

Après 20 ans de démocratie, la classe politique malienne s’est montrée impuissante, dans sa grande majorité, à prendre en charge nos aspirations. Et il faut en tirer les conséquences pour 2012. Après le 26 Mars 1991, nous avons été nombreux à faire l’erreur d’appréciation que la démocratie est le contraire de la dictature. Hélas, la dictature a seulement changé de face. Militaire dans le temps, elle est devenue bourgeoise et cleptomane. N’étant jamais parvenu à faire la part des priorités et des enjeux, les classes moyennes sont toujours dans la crainte d’un avenir incertain. Il faut que le peuple se reprenne pour arracher ce qui reste de positif de la révolution des griffes des politiciens. Et comme le dit Ferida Labidi (avocate, islamiste activiste de la révolution Jasmin en Tunisie), " un peuple qui a décidé de se libérer est capable de protéger son pays ". Nous nous sommes démontrés incapables de le faire jusqu’à présent même si les peuples arabes nous montrent la voie depuis janvier 2011.

" Dans la construction d’un espace démocratique, nous avons tous un rôle à jouer. Et le risque est que,  pris dans une ouverture du champ politique, on en oublie le peuple qui s’est montré digne. On risque gros si l’on l’écarte de la démarche de construction d’une nation ", défendait récemment un activiste de la Révolution du Jasmin en Tunisie. Malheureusement, c’est ce à quoi on assiste de plus en plus dans le Mali démocratique où le peuple n’est présent que dans des discours politiques plus démagogiques que réalistes.

 

 

 

Réaliser notre rêve d’un renouveau social et politique

Mais, il est temps que le peuple démontre aux uns et aux autres qu’il n’est ni dupe ni idiot. Il demande à être entendu et ses attentes sont très longues. Aujourd’hui, le peuple malien a besoin de concrétiser les rêves nourris avec l’avènement de la démocratie. Il a envie de se projeter avec espoir, de s’imaginer un avenir radieux en refusant surtout d’être dupé par des marchands d’illusions réunis dans des chapelles politiques.

Sans vouloir totalement tourner la page d’un passé récent (20 ans de démocratie), les Maliens veulent du renouveau. Un renouveau social et politique sur fond de redynamisation de nos valeurs culturelles de progrès économique. La démocratie et le libéralisme sauvage qu’il a engendré n’ont profité qu’à une classe minoritaire qui déjà favorisé par la position économique ou politique. A partir 2012, le Mali a plus que jamais besoin d’un nouveau modèle économique, plus juste et plus équitable par rapport à l’effort et au niveau des revenus. Un modèle social très moderne et qui n’est pas le fruit d’un quelconque mimétisme et qui donnera réellement et courageusement la chance aux jeunes. Cela est d’autant nécessaire que, comme la plus part des pays africains, le Mali est en transition démocratique depuis fin 80 début 90.

" Pour ces trois pays africains (Côte d’Ivoire, Tunisie et Egypte), l’avenir était bouché. Il est aujourd’hui incertain. Mais, il appartient désormais à leurs peuples, débarrassés des oligarchies politiques qui accaparaient le pouvoir, de l’écrire.

Chacun d’eux le fera à sa manière et selon son génie propre ", écrivait récemment Béchir Ben Yahmed de ”Jeune Afrique” a propos de la révolution du jasmin au Maghreb et le rétablissement de l’ordre démocratique en Côte d’Ivoire. Pendant vingt ans nous n’avons pas pu construire notre pays selon notre génie et nos rêves parce que nous avons fait confiance aux politiques et nous sommes résignés à leur incapacité à parvenir au changement tant attendu. Mais, il est encore temps de nous reprendre. Et pour ce faire, il est nécessaire de revenir à nos valeurs socioculturelles positives. Tout comme il faut une société civile active, des institutions non corrompues et des médias qui jouent leur rôle d’information et de sensibilisation afin de contraindre tous les acteurs à composer à partir de son devoir à l’égard du pays.  C’est l’une des conditions sine qua non pour sauver le Mali démocratique, briser le joug de cette classe minoritaire qui a la main mise sur toutes les richesses du pays en condamnant la grande majorité à la précarité, à l’humiliation et à la décadence socio-morale.

 Et 2012 nous en offre l’opportunité à travers les élections présidentielles et législatives ! Une opportunité historique à saisir !

 

 

Kader Toé


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