C’est privé de plus de 2/3 de son territoire, occupés depuis cinq mois par des rebelles touaregs et des islamistes armés, que le Mali a célébré le 52e anniversaire de son accession à l’indépendance. C’est sans doute l’anniversaire le plus sombre et le plus humiliant que les Maliens ont célébré depuis le 22 septembre 1960. Une situation qui nous interpelle tous et doit nous exhorter à sortir de notre réserve pour agir.
«Pour avancer, l’Afrique a besoin de probité, de travail et d’honnêteté. Le reste viendra avec le talent et la créativité des Africains», écrivait Zyad Limam dans «L’Air du Temps» (AM 323-324/Août-Septembre 2012. Cela est aujourd’hui plus que jamais vrai pour le Mali où 23 ans de dictature et 20 ans de démocratie n’ont profité qu’à une petite minorité, avec bien sûr leurs relations d’affaires de l’étranger, qui a mis le pays économiquement et culturellement K.O avant de le pousser vers le chaos, le précipice de l’islamisme et de la sécession.
Malheureusement, persistent sur cette voie périlleuse la classe politique (si elle existe franchement) et la junte de putschistes aveuglés par le désir de vengeance et non par le devenir de ce pays. Ce qui fait que le pays ne cesse de s’enfoncer dans la division suite au coup d’Etat du 22 mars 2012 et la poussée salafiste. Et le trio qui a pris le pays en otage ne cesse de l’humilier aux yeux du monde entier en essayant encore de faire prévaloir un égo démesuré et surtout une fierté bafouée depuis que les rebelles touaregs et ces crapules d’islamistes nous ont privé du septentrion.
Aujourd’hui, pour paraphraser mon amie Mata Sow, nous constatons amèrement que le Mali est devenu «la petite boutique des horreurs avec ces actes ignobles perpétrés par ces islamistes de m… au nord». Et elle a parfaitement raison quand elle écrit sur Facebook, «l’unité nationale est un souvenir si lointain… On ne peut même plus plaisanter tranquillement sur certaines choses. On a le sentiment que le pays est entièrement divisé en deux camps…. Toujours les pro et les contre. Pro ou contre Dioncounda Traoré, Pro ou contre Cheick Modibo Diarra, Pro ou contre la Charia, pro ou contre la Junte… Jusqu’où irons-nous dans la destruction de notre beau Mali ???» ! Question pertinente grande militante de l’émancipation du peuple malien et de l’ancrage de la démocratie.
Acteurs passifs, complices face à l’histoire
Et nous nous sommes là, en acteurs passifs, préoccupés mais incapables de prendre la moindre initiative pour rappeler à tous ces rapaces que ce pays ne leur doit rien que sa faillite, que son effondrement géographique et moral, que d’être la risée des voisins qui ne ratent aucune occasion de nous humilier.
Où sont passés ceux qui ont bravé les forces armées et de sécurité en janvier et mars 1991 ? Où sont passés ceux qui ont bravé la torture, le bagne de Taoudéni et toutes les privations et humiliations pendant les 23 ans de dictature militaire et du parti unique ? Pourquoi ont-ils laissé cette démocratie, arrachée dans le sang et les linceuls, être confisquée au point de causer la perte de ce qui nous restait de notre dignité, de notre orgueil, de notre fierté depuis le 22 septembre 1960 : l’intégrité territoriale ?
Aujourd’hui, nous comprenons mieux le sens de leur lutte acharnée : conquérir le pouvoir pour l’exercer à leur profit, en fonction de leurs intérêts ! Franchement depuis le 19 novembre 1968, qui a réellement exercé le pouvoir pour le mieux des intérêts nationaux ?
Comme le disait Tetou, une sœur artiste, «tout n’est qu’une question de contrôle, de pouvoir…et malheureusement d’égoïsme…» ! Et cela depuis la fin précipitée de la 1ere République. Chaque régime fait de nouveaux milliardaires aux dépens de populations chaque jour éprouvées davantage par les charges sociales. Les initiatives, un moment jugées pertinentes, se révèlent par la suite comme des stratégies de vider les caisses de l’Etat pour combler l’appétit d’un clan d’affairistes.
Cela va des logements sociaux au programme de pluies provoquées en passant par les travaux d’infrastructures routières… Il n’y a jamais eu de compte rendu officiel sur les recettes des péages sur nos routes nationales et des justifications de leur utilisation. Mais, nous avons continué à payer sans jamais exiger de comptes. A qui le faute donc ?
Même la supposée campagne pour la sécurité routière par l’immatriculation des engins à deux roues et le port obligatoire des casques n’était pas innocente car visant à consolider des monopoles, à renforcer des empires financiers. Le gouvernement de la Transition veut remettre ça afin de renflouer les caisses du Trésor public au grand bénéfice de nouveaux prédateurs pour qui l’heure de s’enrichir a enfin sonné.
Sinon, nous vous assurons que notre sécurité est le cadet des soucis de nos dirigeants. Sinon, il n’y aurait pas eu tant de tergiversation et de divergence autour d’une intervention des forces de la Cedeao, sous la bannière de l’Union africaine et des Nations unies, pour nous aider à reconquérir notre Nord où les gens sont plus que jamais en insécurité, où les populations ne sont aujourd’hui à l’abri d’aucune exaction.
Victimes de la barbarie islamiste, mais aussi de l’insouciance des dirigeants actuels du pays
Alors, dans presque l’indifférence totale, le pays s’enfonce dans l’impasse. Tandis que Bamako tergiversait, et perdait un précieux temps, par rapport aux modalités d’une intervention de la Cedeao, les islamistes continuaient à conforter leur main mise sur le Nord du pays. Les populations de cette région continuent à être victimes de leur barbarie se manifestant par des amputations et des lapidations ainsi que la restriction du mouvement des femmes, notamment à Tombouctou.
Comment une majorité de Maliens peut-elle restée silencieuse devant les manipulations politiciennes de ceux qui ont orchestré la rébellion et le coup d’Etat du 22 Mars 2012 dans l’espoir de profiter de la cohue de l’instabilité pour s’accaparer du pouvoir ? Le Mali méritait-il d’être propulsé vers ce précipice pour être «débarrassé» d’ATT ?
Ceux qui s’acharnent aujourd’hui sur le «héros déchu» ne sont pas aussi innocents qu’ils veulent nous faire croire. Ils ont tous, directement ou indirectement et à un moment donné, profité du système, du partage du gâteau national déguisé en «gestion consensuelle» du pouvoir ! Ceux qui s’agitent trop aujourd’hui, sont les pires profiteurs ou ceux qui sont frustrés parce qu’on leur a enlevé le pain de la bouche ou qui ont été tenus à l’écart de l’Etat vache laitière…
Nous devons agir, si nous ne voulons pas être jugés par l’histoire comme leurs complices dans le bradage de notre souveraineté nationale chèrement acquise, il y a 52 ans. Refusons le diktat de cette minorité qui essaye de faire prévaloir un faux orgueil et une fierté infantile pour davantage enliser le pays. Montrons à tous ces pseudos patriotes que nous connaissons leurs aspirations et que nous ne sommes pas dupes de leur démagogie mégalomaniaque. Comme le conseille Tetou, «nous devons sortir, de manière pacifique et nous gagnerons…» face à ces gens qui nous prennent pour des naïfs !
Il est temps que ces frustrés, ces aventuriers de l’apocalypse comprennent que ce pays ne sera pas ce qu’ils veulent en faire : une République bananière sans cesse piller par une succession de prédateurs ! Mais, pour cela, il est temps de montrer nos muscles pour barrer la route à ceux qui n’œuvrent qu’à maintenir le Mali dans le coma politique et économique ainsi que le chaos social actuel.
Hélas, cette amie a raison quand elle dit des Maliens d’aujourd’hui, «tout le monde veut aller au paradis, mais personne ne veut mourir…» ! Le Malien est curieusement devenu un être paradoxal qui ne cesse de manifester son désir du changement, mais qui reste les bras croisés pour l’attendre comme un miracle.
Et pourtant, chacun de nous, à un moment, a juré de «bâtir le Mali même au prix de notre sang» ! Cela ne doit pas rester des engagements en air !
Kader Toé