Infos ou intox : Népotisme

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Amadou et Mariam, le célèbre couple non entendant, seraient-ils embarqués dans une grande galère ? On pourrait le croire. Non parce que les deux têtes de l’exécutif sont actuellement exposées à des risques réels de rébellion au nord pour cause de retour indésirable d’ex-combattants de Libye, ou parce que le pays est menacé de famine en raison d’une pluviométrie capricieuse. Parce que certains prêtent à ATT de vouloir imiter son ancien prof. Le Guido (6-13 décembre) : Abandon du référendum constitutionnel, ATT sur les traces d’Alpha Oumar Konaré ? En 2001, l’ancien président de la République, contraint et forcé, avait renoncé à consulter le peuple sur un projet de référendum constitutionnel. Comme son successeur, Alpha avait déjà fixé des dates. Comme son prédécesseur, ATT est soumis à une pression qui provient de deux bords : le mouvement hostile à toute révision constitutionnelle, mené par un mélange de partis politiques, de syndicats, d’organisations de la société civile, de personnalités, etc., dont le slogan éponyme est Touche pas à ma  constitution ; et un courant qui s’insurge contre tout couplage du référendum et du premier tour de la présidentielle.

L’un et l’autre, malgré leur recours fréquent à la légalité, ne disposent d’aucun argument juridique valable, la loi restant muette sur la question, l’exécutif se servant du sage tout ce qui n’est pas interdit par la loi est permis. Les contestataires n’ont pas non plus toute la légitimité qu’ils veulent, notamment les partis politiques qui, à l’exception de la courageuse et honnête, ont tous voté pour les réformes institutionnelles et politiques. Ce qui confère automatiquement cette légitimité au chef de l’Etat.

Lequel n’a plus aucune raison de renoncer à son projet. Ce projet, en l’occurrence, est même une nécessité après vingt longues années de processus démocratique qui n’est marqué par aucune avancée significative. Les « vieux » textes qui ont été adoptés et promulgués dans l’euphorie générale de la liberté recouvrée en 1991, ces « vieux » textes donc, qui ont subi, pour certains, quelques toilettages, à l’évidence, gagneraient à être baignés à grandes eaux. Pour être clean, inodores et sans saveur. Surtout pour placer tous les citoyens sur le même pied d’égalité.

Or, l’égalité et l’équité n’ont pas été, au cours des vingt dernières années, les choses les mieux partagées au Mali. Et sur ce plan également, ATT, selon L’indépendant, s’apprête à suivre son prof. Selon le quotidien, en général très bien informé des entourloupes, le président de la République s’apprêterait à intégrer à la fonction publique quelques dizaines de ses proches collaborateurs, pour services rendus non pas à la nation mais au système. Infos ou intox ? Les deux sont possibles.

Toujours est-il que sous le règne d’Alpha Oumar Konaré, plusieurs cadres de son parti, l’Adema, se sont retrouvés dans la fonction publique, certains à des postes élevés de responsabilité. Du reste, au cours de la décennie PASJ au pouvoir, l’accès à tous les postes de responsabilité était soumis à l’adhésion au parti et au militantisme actif, financier et économique dans la Ruche. Des ministres aux directeurs d’un service local, des députés aux chefs de village, il ne fallait pas se contenter d’avoir la carte à l’effigie abeille rouge et blanche, mais de signer allégeance et montrer patte blanche.

Mais il y a eu pire avec les nouveaux démocrates sincères et convaincus. Ils ont continué ce que Moussa Traoré avait commencé : l’œuvre de démontage de l’économie nationale par les bradages des entreprises et sociétés d’Etat. Pour en être les principaux actionnaires et bénéficiaires. Ils ont créé de nouvelles poules aux œufs d’or, l’ACI, PMU, entre autres, se sont accaparés du gros des actions et ont distribué les autres aux militants engagés. Alors si le chef de l’Etat veut lui aussi s’aventurer dans cette voie de népotisme, qu’il n’oublie surtout pas une vérité basique. A savoir que le tour de passe-passe entre les démocrates sincères et convaincus et les démocrates en uniforme finira bien un jour. Et qu’en ce moment, il faudra bien un audit complet et intégral sur toute la gestion des autorités publiques depuis le 26 mars 1991 jusqu’à ce jour.

En parlant toujours d’intégration, les autorités s’apprêteraient à faire rentrer dans les rangs de l’armée et des forces paramilitaires les ex-combattants revenus de Libye. Il semble que nos dirigeants oublient que tous ceux qui avaient déjà été intégrés ne sont pas tous restés. Au contraire, après quelques temps d’accalmie, ils ont déserté avec armes et bagages pour recréer l’insécurité dans le nord. Il semble également que nos autorités oublient que les principaux médiateurs dans les crises du nord sont aussi les pyromanes. Mais de cela, on reparlera.

Cheick Tandina

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