Infos ou intox : Hiatus et désaveu

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Ça y est, le projet de loi portant révision constitutionnelle a été voté, ce mardi 2 août 2011, par 141 députés élus à l’Assemblée Nationale. Trois Députés, tous du parti SADI ont voté contre. Le président de leur parti, Oumar Mariko, aurait été pris à partie dans les coulisses où il aurait reçu des menaces verbales et préventives de la part d’un proche du président Amadou Toumani Touré. Selon ce conseiller de Koulouba, Mariko serait un fauteur de troubles, et «gare à lui si jamais le projet de constitution n’était pas accepté par le peuple malien». Un seul député s’est abstenu de voter le projet de loi portant révision constitutionnelle. Un autre a préféré quitter la salle, il est de l’URD de Soumaïla Cissé.

Que faut-il penser de tout ce cirque ? Car, il est indéniable que c’en est un, et de la pire représentation. Concernant le SADI, l’on sait que ce parti s’est inscrit depuis quelques temps dans l’opposition parlementaire d’abord, et ensuite dans l’opposition tout court. Mais, et les autres ?

141 députés ont voté la loi. Ils viennent essentiellement de l’Adema, de l’URD, du RPM, du MPR, du Parena, du CNID, du PDES. Bref des partis dits de la majorité gouvernementale. Or, les principaux leaders des directions de ces partis politiques marquaient, il n’y a pas si longtemps, leur désaccord sur les réformes institutionnelles et politiques qu’ils jugent inopportunes, coûteuses et hors de saison.

Vingt-quatre heures avant le vote de l’Assemblée Nationale, un chef de parti, Tiébilé Dramé, pour ne pas le nommer, se fend d’une tribune dans Le Républicain (1er août) dans laquelle il pourfend la codification de la «personnalisation du pouvoir» par Daba Diawara, l’initiateur et le Ministre des Réformes dont le coup d’envoi vient d’être officiellement donné par le vote parlementaire. Avant lui, plusieurs autres responsables politiques, et pas des moindres, ont donné de la voix et du geste pour fustiger les réformes d’Amadou Toumani Touré.

A ce stade, même si le ridicule ne tue pas, il doit quand même tracer la voie à des comportements plus rationnels. Il est incompréhensible, en effet, que des présidents de parti dont les formations sont présentes et dans la majorité parlementaire et dans la majorité gouvernementale, se permettent de tenir de tels propos. Ça veut dire quoi ? Cela veut dire tout simplement que s’ils sont contre les réformes et que celles-ci sont présentées par le Gouvernement et adoptées par l’Assemblée Nationale, c’est que quelque part, il y a un hiatus, un désaveu et un rejet. Ça veut dire, par exemple, que le Ministre PPR (Prêt Pour le Réfectoire) et les Députés ne tiennent aucun compte de la direction de leur parti ; qu’ils se soucient très peu de l’avis et des états d’âme de leur président. Cela veut dire tout simplement que quelqu’un doit démissionner. Soit, c’est le président qui s’en va, soit ce sont les Députés et Ministres qui doivent démissionner.

Mais pour être juste, Tiébilé Dramé n’est pas le seul chef de parti à être désavoué par ses camarades. Le Député URD, Mamadou Awa Gassama, aurait plus ou moins reconnu publiquement que les Députés, tous autant qu’ils sont, auraient été contraints et forcés de voter le projet de loi portant révision constitutionnelle et, partant, tous les textes qui en découlent.

A l’Adéma, la situation n’est guère différente. A part le fait que Dioncounda Traoré qui se prend très au sérieux depuis qu’il a été «investi» par son parti, est beaucoup moins regardant et très flatteur à l’endroit de celui qui l’a aidé en cela. Selon lui, rapporte L’Indépendant (1er août), «l’Adéma est fière du bilan d’ATT». Mais, ce que Dioncounda Traoré ne dit pas, c’est que son parti est également et entièrement comptable de ce bilan. Cela, plus de neuf ans qu’il chemine avec ATT, se contentant souvent de miettes. Et c’est au nom de ces miettes et aussi de l’aide escomptée de la part du chef de l’Etat que les «Abeilles» ont voté.

Même situation chez d’autres. Le RPM a beaucoup glosé sur les réformes en réclamant à leur place un fichier électoral fiable et incontestable. Cela ne l’a pas empêché de quitter son semblant d’opposition pour rallier la mouvance. Le MPR, le tigre en papier mâché, n’a jamais craché dans la soupe. Son président, également, s’égosille à réclamer des élections propres en 2012, tout en sachant qu’avec le RACE, cela ne sera jamais possible.

Bref, les acteurs politiques, déjà déchirés, ont trouvé les moyens de se renier, de se désavouer et de se discréditer.

Cheick TANDINA

 

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