En décidant de sacrifier cette année le défilé militaire du 22 septembre, le président de la République n’a pas pour autant une certaine confusion dans biens d’esprits, lesquels pensent que le 22 septembre est une fête militaire. Ils n’ont pas tout à fait tort quand on sait que depuis 1960, année de l’indépendance nationale, à quelques rares exceptions près, ce jour est fêté avec faste mais surtout avec fanfare et parade des forces armées et de sécurité.
En 2010, cinquantenaire de l’indépendance, le 22 septembre n’a connu que le seul défilé militaire, sur «L’Avenue du Mali». Ce n’est que le lendemain que les civils ont eu leur fête. Et chaque année, tout est fait pour que tous croient que le 22 septembre est avant tout militaire. Et même l’intermède civil de 1992 à 2002 n’y a rien changé. Pourtant, cette intox n’aurait jamais dû avoir lieu. Pour deux raisons essentielles. La première est que l’indépendance acquise le 22 septembre 1960 est l’aboutissement de luttes et revendications essentiellement d’associations et organisations politiques, sociales et syndicales, donc civiles. La deuxième est qu’à la date du 22 septembre 1960, le Mali n’avait pas encore de forces armées et de sécurité. L’armée n’a officiellement été créée que le 20 janvier 1961, date, dit-on, du départ du dernier militaire français. D’ailleurs, les corps fêtent seuls chaque année le 20 janvier.
Le 22 septembre 2010, lors du seul défilé militaire grandiose, le chef de l’Etat avait un invité de marque : son frère et ami Mouammar Kadhafi. Le «Guide» de la révolution libyenne est beaucoup aimé par le peuple malien en faveur duquel il a gracieusement fait plusieurs réalisations. Allant même jusqu’à aménager des terres cultivables dans la zone de l’Office du Niger, avec pour objectif de booster la riziculture et de donner à manger aux pauvres que nous sommes. Comment oublier ces mosquées érigées ça et là pour renforcer la piété. Mais il est encore plus adulé par nos dirigeants successifs auxquels il offrait des séjours de villégiature sur ses plages en bord de mer, des mallettes et caissettes, les moyens de boucler les fins de mois difficiles. Pour renforcer les capacités de notre gouvernement, il a bâti et équipé un périmètre entier dans lequel chaque ministre a son lot. Ce périmètre s’appelait «Cité administrative Mouammar Kadhafi». Aujourd’hui il n’a plus de nom. Les autorités ont décidé tout simplement que le «roi des rois» étant déchu, il n’est plus ni l’ami ni le frère, et que son nom ne doit plus salir les enseignes de ce joyau architectural. Exit Kadhafi et basta. Une manière pour ATT de renier son désormais ex-protecteur et de reconnaitre le Conseil national de transition (CNT), ces rebelles qui ont fait fuir son ami et frère et qu’il refuse de reconnaître officiellement. Intox ? Non. ATT avait déjà reconnu ces rebelles quand il s’est abstenu d’agir lorsque ces derniers ont remplacé le drapeau libyen par les couleurs du CNT à l’ambassade de la Libye au Mali, sis à l’ACI 2000. De même, quand l’ambassadeur de Kadhafi s’est volatilisé, il a été remplacé par un adepte du CNT qui s’est installé sans jamais présenter, semble-t-il, de lettres de créances ou d’accréditation. Les mauvaises langues susurrent que ce nouveau diplomate se serait senti en terrain conquis, comprenant qu’il pouvait compter sur la neutralité du général.
Le 22 septembre 2011, le président de la République, qui était fatigué de défiler tout le temps, a préféré inaugurer des infrastructures et poser la première pierre d’autres. Parmi celles inaugurées, il y a le Pont de l’amitié sino-malienne, un ouvrage offert par la Chine à ATT qui l’a offert au peuple malien. Très ému, ATT a ressuscité Isaac Newton pour expliquer qu’il fallait mieux construire des ponts qui relient les peuples que d’ériger des murs qui les séparent. Joliment et judicieusement trouvé. En effet, pour l’heure, le troisième pont de Bamako relie surtout les communes I et VI. Mais sûr que dans peu de temps, il sera pris d’assaut par toutes les populations. En ce qui concerne les murs, ATT n’est pas en reste, il passe même pour en être un des plus grands spécialistes. Qu’on se rappelle les murs des logements sociaux érigés aux quatre coins du pays avec pour credo «un toit, une famille», même si c’est des familles nucléaires ou monoparentales. Qu’on se rappelle également le mur en béton armé qu’ATT est en train de construire entre certains partis politiques et le palais présidentiel de Koulouba. Un mur construit à partir de matériaux composites à base de fichier électoral et de CENI. Vous ne connaissez pas ? Entrez donc dans la quincaillerie du général Kafou, vous en aurez pour votre avoir.
Cheick TANDINA