In memoriam: Yambo Ouologuem : Ce n’est pas une seconde mort mais le repos apaisé du guerrier

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Le premier Renaudot africain inhumé  dans sa terre mopticienne ce mardi 17 octobre 2017 à 10 heures.  Les Mendeleev de la numérologie statueront sans doute sur  la valence de la date, du lieu et de l’heure. Quant à nous, admirateurs et compatriotes de l’érudit iconoclaste et pionnier de la nouvelle écriture, nous aimerions convaincre que Yambo Ouologuem  n’est pas mort une seconde fois comme le redoutait quelques années plus tôt, l’aînée de ses enfants. Au contraire, le Yambo qui s’est couché samedi est celui qui a choisi enfin le repos éternel et que ce repos personne ne l’a mérité mieux que lui. Certes, dans d’autres circonstances et en d’autres lieux, ce poids lourd de la littérature africaine (même si l’on chercha à l’abattre en plein vol), aurait été mieux reconnu et valorisé par l’Etat. Mais, il est bon de dire que le combat discret de quelques-uns dont Moustaph Dicko pour réhabiliter Yambo Ouologuem avait porté fruit et qu’il avait rencontré l’assentiment de IBK. Il est bon enfin de préciser que la reconnaissance ne doit pas être attendue  que de l’Etat. Elle doit venir des citoyens, du monde des lettres, des universitaires, des chercheurs. Sous ce regard, l’auteur disparu avait  choisi son monde et son milieu. Retourné dans sa région après l’indignante conspiration qui a cherché à l’abaisser et à le vilipender après 1968 où il obtint le prestigieux Prix Renaudot, il s’est mis à fréquenter non pas les aréopages mais les humbles de son quartier : ménagères, ouvriers, bergers, jardiniers, etc. Il conversait tous les jours, non pas dans la langue de Molière dont il avait une maîtrise exceptionnelle mais dans les dialectes du cru : fulfulde, dogono, bamanankan.  Rarement, un esprit aura squatté un corps aussi humble,  des gestes aussi dépouillés. Pour une raison encore mystérieuse, des milieux occidentaux avaient  nourri le projet d’humilier le grand intellectuel africain que fut Yambo en l’accusant de plagiat dans son roman primé, « le devoir de violence ».  La violence de la charge a désarçonné la victime et la perte fut énorme pour la littérature, on s’en doute. Mais le complot a fait pschitt. Car ce dont Yambo Ouloguem a été injustement accusé est aujourd’hui un genre bien accepté et bien utilisé  et cela s’appelle l’intertextualité. Sa faute à lui, c’était d’avoir recouru à la technique un peu trop tôt et d’avoir mis cette ressource  au service d’une plume unique, originale, pourfendeuse qui renvoie dos à dos la civilisation kleptocrate du colonisateur et les mœurs orgiaques des élites africaines. Va, frère Yambo, cette terre ne t’oubliera pas car elle n’oublie aucun de ses fils valeureux !

Adam Thiam pour Maliweb.net   

 

Commentaires via Facebook :

10 COMMENTAIRES

  1. Dors en paix mon Grand. En un moment donné de l’histoire, ils ont été jaloux de ta plume innée et ont cherché par tous les moyens a annihile. Je vous assure qu’ils ne pourront, va tranquille, il aura toujours quelqu’un d’ici pour te défendre et que ton nom commence a raisonne dans nos cœurs et esprits.

  2. Un très bon récit Mr. Thiam sur ce grand personnage africain-malien, OUBLIÉ par presque tous et toutes mais ma mémoire restera a jamais. Merci loin nfp pour ton commentaire sur Ce Grand Personnage.
    Mes sincères condoléances à sa famille et ses proches. Que son âme repose en paix.

  3. Repose en paix, Grand Yambo.

    “…une plume unique, originale, pourfendeuse qui renvoie dos à dos la civilisation kleptocrate du colonisateur et les mœurs orgiaques des élites africaines”…
    Splendide, Thiam, juste splendide!

    Grand merci à toi de lui avoir rendu hommage d’une part, et d’autre part, de lui avoir rendu un hommage d’une telle qualité!

    Des plumes de génie telles que celles d’un Yambo Ouologuem, d’un Hamadoun Ibrahima Issebere ou de quelques autres de même envergure, laissent non seulement des traces indélébiles dans l’histoire de la littérature Africaine, mais dans l’histoire de la Littérature tout court!

    Thiam, avec ton propre talent d’écriture, tu étais à mon sens le seul à pouvoir lui rendre un hommage “à la mesure” de son génie.

    C’est chose faite, MERCI POUR LUI.

  4. Rip M.OUOLOGUEM!
    Ton combat ne sera pas vain car tu fuis tout simplement incompris car en avance sur ton temps.
    Dors en paix.

  5. merci Mr thiam pour la qualité de ta plume .il y a cette contrainte maladive a poussé quelqu’un vers le bas ,cette façon de devenir des juges idiots qui commentent avec mépris et arrogance les œuvres d’autrui; voir son prochain sur son piédestal .j trouve cela écœurant et triste .Yambo Ouologuem rien ne te dévalorisera à nos yeux .
    tout est dit .prions seulement pour le repos de son âme en paix .

  6. ” Chaque vie est un miracle, mais le final est énervant ” dixit Grand Corps Malade .
    Merci Mr Thiam pour ce bel hommage parfaitement réussi .
    J’adresse mes condoléances attristées à sa famille et à ses proches .
    Qu’ il repose en paix !

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