Il faut le dire : Des décrets arrêtés

0

Depuis l’interruption du processus démocratique, le 22 mars dernier, il se passe bien de choses bizarres au Mali. Les décrets et arrêtés, il est vrai, rythment la vie administrative de la nation et lui servent à bien gérer les affaires publiques.
Encore faudrait-il que ces textes soient pris à bon escient. Or, il faut le dire, ça ne semble pas être le cas dans ce Mali qui a trébuché un certain 22 mars et ne parvient plus à avoir une démarche assurée. Pire, par ces temps qui courent, ce pays titube comme une nation ivre. Tenez ! il y a quelques jours, le 21 septembre, des décisions ont été prises. C’était à l’occasion de la célébration de l’indépendance du pays. Anniversaire qui donne l’occasion d’élargir des prisonniers ou de réduire leur peine, de faire l’état de la nation, de distribuer des médailles, de grader des bidasses, flics, pandores et gabelous. Ce jour « d’indépendance » donc où les deux tiers du territoire national dépendent de la volonté de groupes armés indépendants, le ministre de la sécurité intérieure et de la protection civile a eu la curieuse idée de faire nommer à des grades supérieurs des fonctionnaires de la police nationale. Ainsi des sous-officiers se sont vus bombarder au grade de commissaire ou d’inspecteur, une promotion qu’il n’aurait dû avoir qu’après de nombreuses années de bons et loyaux services. Vérification faite, il s’est avéré que les nouveaux promus sont tous issus de la tendance du syndicat national de la police proche de la junte militaire qui a fait le coup d’Etat du 22 mars. D’où le courroux de l’autre tendance qui s’est sentie flouée et a réclamer des comptes. Par delà cette quête de grades faciles, il est curieux que dans un pays dont la constitution définit le coup d’Etat comme un crime imprescriptible, on nomme des policiers parce qu’ils ont aidé des putschistes à renverser un président démocratiquement élu  et en fin de mandat. N’est-ce pas faire l’apologie du coup d’Etat ? Pour l’heure, les décisions ont juste été rapportées. Il convient peut-être de les supprimer pour éviter que les gendarmes, gardes et militaires, qui se sont également montrés actifs le 22 mars, ne demandent ce qu’ils estiment leur revenir de droit.
Quelques jours après, c’est un arrêté du ministre de la fonction publique qui abroge des textes d’intégration dans la fonction publique de plus de deux cent cinquante agents désormais ex-fonctionnaires. Le gros lot de ces fraudeurs, tricheurs et falsificateurs est fourni par la douane. Ils se sont révoltés et ont battu le pavé. Pourtant, depuis près d’une décennie, le syndicat national des douanes avait tiré sur la sonnette d’alarme. Le cabinet du ministre de tutelle, Abdoul Wahab Berthé est resté indifférent et a continué de procéder à des recrutements plus que douteux. Pourtant, le Centre des concours et examens avait été institué mais manquait volontairement de moyens pour faire normalement son travail. D’autres agents seront bientôt sortis de la fonction publique pour les mêmes raisons, dont des militaires, gardes, policiers et gendarmes. L’Etat entend rester ferme et sourd à toute supplication.
Mais bien avant tout cela, le 08 août, les autorités ont décidé, à l’insu de tous sauf de ses auteurs, de prendre un mystérieux décret qui nomme le capitaine Amadou Haya Sanogo à la tête de son nouveau joujou, le comité militaire de suivi des réformes des forces de défense et de sécurité. Ce comité, semble-t-il, lui-même a été créé à l’insu de tous sauf de ceux qui en ont signé l’acte de naissance. Que le capitaine Sanogo en soit le président, puis plus tard le vice-président du Haut conseil d’Etat, est presque normal. Parce que depuis le coup d’Etat, le 22 mars, et le démantèlement du corps des commandos parachutistes, à partir du 1er mai, le chef de la junte est devenu le véritable maitre des forces armées et de sécurité et l’homme fort du pays, même si il n’est pas le plus gradé, il est capitaine, ni même le plus instruit, il n’a fait que quelques  formations aux Etats-Unis. Depuis quelques mois, il bénéficie d’une loi d’amnistie (d’amnésie ?) qui l’absout. Toutefois, le décret de nomination du capitaine pose quelques problèmes. En effet, selon certaines indiscrétions, il n’a jamais été publié dans le journal officiel. Or, il y déjà quelques décennies qu’un autre décret fait obligation aux autorités de mentionner dans le journal officiel tous les textes législatifs et réglementaires. Il va falloir que le jeune officier vérifie qu’il n’a pas été roulé par les politiques. Déjà qu’on lui avait donné, sans décret, un titre très flatteur et fort rentable d’ancien chef d’Etat, et qu’ensuite, on lui a dit le contraire.
Malgré cette profusion de décrets, il y a des agents qui attendent toujours ceux qui les ont nommés comme conseillers techniques ou chargés de mission dans les départements ministériels.
Cheick Tandina

Commentaires via Facebook :