C’est un aphorisme de dire que la majeure partie, sinon la quasi-totalité de la classe politique, malienne est « ventripode ». Il y a quelques mois, parlant de l’élection présidentielle, nous avions défini par « ventripodes », ces dirigeants politiques qui n’ont aucun respect pour leur électorat et dont la seule ambition est d’être toujours aux affaires pour profiter des prébendes du pouvoir. Les honorables qui siègent à l’Hémicycle, place de la République à Bagadadji ont corroboré notre assertion en adoptant la loi organique sur la prorogation de 6 mois de leur mandat.
Avec les106 députés de la majorité, le citoyen lambda savait que ce projet de loi serait adopté, c’est dire que le problème de l’adoption de cette loi ne se posait nullement. Par conséquent, l’important ici, c’était de scruter le comportement des députés de l’opposition vis-à-vis de ce projet. Allait-on assister à des débats houleux au sein de l’Hémicycle, même si on savait que la bataille était perdue d’avance ? Ces débats auraient au moins permis d’éclairer l’opinion nationale sur les incongruités du projet et son caractère anticonstitutionnel. Hélas, comme à la belle époque du parti unique constitutionnel, le projet de loi a été adopté à l’unanimité de fait. En effet, en plus des députés de la majorité parlementaire, des députés se réclamant de l’opposition ont voté pour, en cette circonstance : 31 sur 36 ! Les cinq autres ayant choisi l’abstention, c’est dire qu’aucun député n’a voté contre ! Avec 137 voix pour, zéro contre et cinq abstentions et puisque « qui ne dit rien consent », on pourrait dire de fait que le projet de loi a été adopté avec l’agrément de tous les députés.
Ce qui s’est passé à l’Hémicycle le jeudi 22 novembre 2018, ne plaide pas en faveur de l’opposition. Peut-on dénoncer dans la rue toutes les irrégularités du fonctionnement des institutions de l’état et cautionner ces mêmes irrégularités au sein de l’Hémicycle dans la mesure où celles-ci ne vont pas à l’encontre des intérêts personnels ? Quels crédits accorder alors à toutes ces déclarations, marches, sit-in et autres meetings organisés depuis la proclamation des résultats de l’élection présidentielle ? En votant ce projet de loi sans débat, l’opposition s’est laissée piéger. L’ouverture de débats au sein de l’Hémicycle aurait montré au moins sa cohérence sur le rejet de tout acte allant dans le sens de la violation de la loi fondamentale. A contrario, cette adoption à l’unanimité de fait a prouvé son incohérence, à la limite son manque d’éthique en politique. Peut-être a-t-elle fait sienne cette citation partielle d’un écrivain et politique français, André Malraux : « On ne fait pas de politique avec de la morale » en occultant sciemment le reste de la phrase : « mais on n’en fait pas davantage sans. »
Tout semble donc naturel pour nos honorables députés pour préserver leurs intérêts personnels, surtout que nombre d’entre eux sont persuadés qu’ils ne retrouveront plus leur siège à l’issue des prochaines législatives. Comme quoi, à Bagadadji, quand le ventre parle, la raison et l’éthique demeurent aphones.
…sans rancune
Wamseru A. Asama