Le rebelle est un héro qui a perdu la guerre et le héro est un rebelle qui a gagné la guerre.
Quelle fortune pour les deux ex-protagonistes de la crise ivoirienne ! Mr Gbagbo Laurent ancien Chef d’Etat et Mr Soro Guillaume ancien Secrétaire Général des Forces Nouvelles illustrent bien ce libellé pathétique qui est à tout point de vu descriptif de la « guérilla politique », car c’en était une, entre le « professeur des histoires » et son « élève » depuis Septembre 2002.
Celui qui, en l’absence de canevas démocratiques dans son pays et pendant les années de braises sur le continent, s’est illustré par son opposition au « one party rule » et à ce qui semblait définir les préceptes d’une monarchie républicaine incarnée par le PDCI sous la « clairvoyance » de Mr Félix Houphouët Boigny. Celui là même qui, traqué comme une bête de somme, devait trouver refuge dans l’ancienne métropole coloniale en qui il ne reconnaît aujourd’hui aucune valeur humanitaire, démocratique et républicaine.
Laurent Koudou Gbagbo, oui c’est bien lui, le rebelle Gbagbo, avait fini par vêtir les habits de Parcifol, ce héros légendaire médiéval symbole aussi de l’innocent, qui s’avère maintenant trop amples pour ses mensurations rétrécies à gogo de parangon. Eh oui ! Il était facile d’être un héro à cette époque où le cliché populaire se referait plus aux formes qu’au fond du demi-dieu pour vous hisser au firmament des bâtisseurs de conscience nationale et d’anticonformiste notoire. La perception en politique s’apparente assez souvent à la réalité. Le verni de démocrate qui embellissait bien de pseudo démocrates n’a pas résisté au temps et à l’épreuve du pouvoir lorsque l’acabit des Abdoulaye Wade, Gbagbo Laurent, Frederik Chiluba, Mamadou Tanja et j’en passe s’est retrouvé aux affaires au moment décisif où plus que jamais les champs devraient fleurir d’espérance et les cœurs vibrer d’espoir dans cette Afrique où les populations étaient tout à fait attentives aux sirènes du changement et prêtes aux sacrifices. Quelle amertume !-
Bref, la venue de Gbagbo au pouvoir était anti-démocratique, sa gestion du pouvoir s’est révélée, elle aussi, pas démocratique et son départ, c’est connu maintenant, ne peut pas se faire de façon démocratique.
Laurent Gbagbo ne perd pas qu’une élection face à Mr Allassane Ouattara, non ! Il perd beaucoup plus que ça. En fait, il perd tout ce qui se joue en Côte d’Ivoire depuis ces joutes électorales qu’il n’a jamais voulu organiser se sachant d’avance incapable de les remporter dans la clarté et dans la transparence. Mieux, c’est toute une carrière politique, tout un crédit objectif ou subjectif qui se transforme en avoir toxique du côte du « balance sheet » de l’homme. Gbagbo a défait toute une réputation de l’un des « pères de la démocratie ivoirienne » ou de « l’enfant des élections ». Finalement, il perd un capital de sympathie qu’il avait glané, plus à tort qu’à raison, dans l’esprit de beaucoup de jeunes ivoiriens et africains des années 90 jusqu’à sa prise de pouvoir, de manière calamiteuse, selon lui-même, en octobre 2000. A force de pétrir la farine, il a fini par être fariné par son opposition si patiente et même si indolente par moment. C’est bien l’histoire du balayeur balayé de la symphonie inachevée ivoirienne avec comme acteurs principaux Guei Robert et le même Gbagbo Laurent. Quelle ironie !
« Celui qui rit en dernier est assurément le vrai vainqueur » dit la maxime arabe.
De la rébellion à la république et de la république à la rébellion. Voici de façon succincte le trajet de la « bête » politique ivoirienne. La grossière caricature de Nicolas Machiavel justifie, par son cynisme et sa désinvolture, que le pouvoir est une fin et non un moyen. La fin ne justifie t-elle pas les moyens ? Mr Gbagbo a-t-il assimilé l’histoire qui est entrain de se faire de lui ?
Aujourd’hui les masques sont définitivement tombés pour lui, ne reste que la face hideuse du dictateur qui s’agrippe, contre vents et marées, au pouvoir dépourvu de ses attributs.
Le courage est la première des vertus sans laquelle aucune autre n’est possible. Soro Kigbafori Guillaume peut manquer de tout sauf de cran. Le capital dont il jouit, dorénavant, n’a été obtenu que par sa détermination à s’opposer à la gestion archaïque du pouvoir de son ex-mentor dont il connaît jusqu’aux comiques mimétismes de ses « pièces théâtrales ». Il est bien connu que toute révolution finit par manger ses propres enfants et, ceux qui en sortent indemnes auraient vu, invraisemblablement, des vertes et des pas mûres. La rébellion conduite par Soro avait pour idéal de s’opposer à un régime violent, meurtrier et revanchard. Si nous condamnons, avec la dernière énergie d’ailleurs, toutes les exactions commises sur les non acteurs de la crise par les ex rebelles, il nous faut promptement leur concéder le devoir sacré et indispensable de l’insurrection devant un régime qui violait les droits du peuple. En ce sens donc, Soro Guillaume était un rebelle. Mais, il existe une différence qualitative entre ce rebelle de droit et de celui qu’est Laurent Gbagbo. La philosophie derrière la raison de leur révolte n’est pas de degré mais de nature vous conviendrez !
Beaucoup de choses ne résistent pas à l’épreuve du temps et parmi elles, le mensonge et les amalgames. Les rôles, au lieu d’être inversés, se sont plutôt redressés. A César ce qui est à César. Quand on a comme référence un certain Kragbé Gnangbé, sécessionniste reconnu, qui appelle le sang pour émouvoir les cœurs et les esprits, quand on refuse au peuple son imperium, sa souveraine puissance et son pouvoir de sanction par un juridisme de mauvais aloi, enfin, quand on se trouve esseulé et en guerre contre le monde entier, c’est bien d’un esprit rebelle aux valeurs démocratiques dont on est animé. La rébellion de Gbagbo est de la plus vile espèce parce que centrée sur un ego surdimensionné, destructeur et putatif. Le vrai se distingue de l’ivraie lorsque sonne l’heure de l’hallali. Elle a sonné cette heure où plus rien n’obscurcit notre champ de vue de ces hérauts médisants et qui réservent à la Côte d’Ivoire des moments macabres et incertains. Les rebelles sont dans nos rues, prétextant d’un couvre feu génocidaire pour soumettre le peuple qui leur a repris son du, ils sont dans nos institutions qu’ils galvaudent de leur illégitimité, sur nos ondes qu’ils aspergent de messages vermoulus à la haine et à la xénophobie.
Le chef rebelle n’a semé que morts et désolations depuis son apparition officielle sur la scène politique ivoirienne. Il s’est rebellé contre l’école avec sa FESCI, c’est lui les casses du début des années 90, le boycotte actif avec son corollaire de déplacés et de morts, les élections calamiteuses où déjà il enjambait les corps de ses concitoyens plus pour la luxure que pour les devoirs du pouvoir, les escadrons de la mort, comme la Stasi et la Gestapo, à la solde du chef pour refroidir ceux qui osaient réchauffer les consciences contre les inepties d’un régime aux abois. Nous sommes à la saison des moissons et la récolte est à la dimension de la semence. Que de chaos ! Qui sème le vent récolte la tempête.
Fasse Dieu que le sang arrête de couler en Côte d’Ivoire après que soit parti le rebelle à la raison, à la démocratie, enfin ! Le rebelle à la vie et à la décence. Amen !
Une contribution de Mr Haïdara Chérif, Chicago, ILLINOIS.