Fuite en avant, enfoncement sans fin

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Une séquence pour le moins aussi impromptue que truculente s’invite, depuis jeudi dernier, dans le déroulé d’une actualité nationale vampirisée par une crise sécuritaire sans précédent dans l’histoire récente du Mali. Affaire Me Hassane BARRY ou fiction Me Hassane BARRY ? La polémique fait rage autour du timing et du tempo de l’interpellation de cet homme qui, quoi qu’on puisse penser de lui, n’est pas le dernier des quidams sur cette terra malienne. S’agit-il d’une grossière mise en scène ?

Il y a d’abord des précédents fâcheux qui allèguent cette thèse d’une turlupinade. À titre d’exemple, il y a eu l’interpellation ahurissante de Paul Ismaël BORO. Le prétexte ? Il serait impliqué dans l’armement des individus chargés de tirer sur les forces de l’ordre lors d’une marche organisée par l’opposition à Bamako, quelques jours avant la Tabaski. Bien sûr, le spectacle a tenu toutes ses promesses, mais l’affaire Paul BORO, Moussa KIMBIRI et Bourama DIARRA a tourné en eau de boudin.

Il y a ensuite l’opportunité qui est là. L’arrestation de deux présumés terroristes sur lesquels pèsent de très lourdes charges, mais surtout leur jonction supposée ou réelle avec Me Hassane BARRY auquel il est prêté un dessein funeste à l’égard du Mali dans sa croisade anti-terroriste.

Il y a enfin ce que les criminologues appellent le mobile. En effet, vu du microcosme bamakois, épicentre de toutes les contestations et dénonciations de la faillite du pouvoir, l’interpellation rocambolesque de Me Hassane BARRY ne doit rien au hasard. Heurté à une ribambelle de problèmes en chaîne, une spirale négative qui s’est accélérée, le pouvoir a besoin de se refaire la cerise. La situation désastreuse sur le plan militaire en fait un impératif. En un peu plus d’un mois, les Forces armées maliennes [FAMa] ont perdu au moins 120 soldats au cours de trois attaques distinctes. Le 30 septembre, bataillon malien de la Force conjointe du G5 Sahel, a été attaqué par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM]. Bilan : 40 tués et plusieurs disparus. A In Delimane [au moins 49 tués, ndlr], lors d’une attaque revendiquée par l’État islamique dans le grand Sahara [EIGS] le 2 novembre, au moins 49 FAMa sont tués. Une embuscade dans la vallée de Tabankort a fait environ 44 tués. Ça fait beaucoup, ça fait même trop de pertes en vies humaines. Le traumatisme sur la population n’est pas quantifiable, mais il est certain qu’il a atteint le summum.

Face à une population quinaude, le rôle de tout pouvoir est de véhiculer un message de fermeté et d’assurance inébranlable : la situation est sous contrôle, le meilleur est à venir. Alors, l’on fait appel à la bonne vieille recette dans laquelle ont excellé certains régimes à la survivance spasmodique : la théorie du complot. Il faut noyer une actualité dramatique dans une ‘’affaire’’ qui apparaît comme le lapin sort du chapeau ou une génération spontanée. La garde à vue de Me Hassane BARRY a de forts relents d’un canular similaire. L’impasse totale du côté des officiels d’une tragicomédie qui se joue sous nos yeux. Parce que la personne placée en garde à vue est un Avocat, parce qu’elle a occupé les fonctions d’ambassadeur du Mali, parce qu’elle a occupé les fonctions de ministre de la République. A son sujet, la taciturnité ne peut qu’être charivari. A cet égard, l’offensive généralisée de ses confrères avocats est indicative. Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls, puisque l’Association TabitalPulaaku, dès l’annonce de la nouvelle a porté les gants contre la garde à vue qu’elle qualifie, à l’instar des Robes noires, de ‘’séquestration’’ de Me Hassane BARRY.

In fine, l’odeur de fuite en avant est toxique. Claude-Louis Combet disait : ‘’il en va de la lecture comme de toute débauche : fuite en avant, enfoncement sans fin’’.

 

PAR BERTIN DAKOUO

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