Depuis que le Vérificateur général Sidi Sosso Diarra avait franchi, pour quelques heures, le seuil de la prison centrale de Bamako, en mars 2009, l’on avait commencé à soupçonner chez nos plus hautes autorités une volonté d’étouffer le Bureau du Vérificateur général. Même si le président de la République avait, lors d’une de ses sorties, martelé qu’il est le père de cette institution originale en Afrique et qu’il ne saurait la laisser abattre, il avait difficilement convaincu les observateurs.
A travers la conférence de presse du jeudi 10 février dernier consacrée, "officiellement", à faire le point de la mise en œuvre des recommandations contenues dans les rapports du Végal, le Gouvernement a donné un signal fort au prochain occupant du fauteuil que Sidi Sosso va laisser bientôt vacant. Le prochain Végal devra être un "enfant docile ", selon l’expression murmurée au sein d’une administration la semaine dernière.
En effet, par cette sortie musclée des ministres Maharafa Traoré, Lassine Bouaré, du Contrôleur général Amadou Gadiaga et du Procureur près le Pôle économique, Sombé Théra, le Gouvernement venait de prouver aux yeux de l’opinion nationale et internationale que le BVG devrait être surveillé comme du lait sur le feu. Son indépendance, sa liberté de ton devrait être…émoussées. C’est pourquoi les ministres se sont évertués à lui dénier le droit d’affirmer dans ses rapports que tel ou tel montant objet d’une mauvaise gestion était "recouvrable ". Pis, ses rapports ne devraient plus contenir le terme " manque à gagner ", selon nos experts en vérification que sont devenus brusquement les ministres Lassine Bouaré et Maharafa Traoré. On en déduit que les vérificateurs ne plus " autorisés " à faire cas dans leurs rapports des termes moins tendres comme " mauvaise gestion ", " détournement ", " fraudes ", etc.
En clair, comme on le constate, si les vérificateurs veulent être dans les grâces de nos gouvernants, ils devraient désormais se contenter de procéder à des vérifications de façade, à de véritables trompe-l’œil et ne pas manquer de féliciter tel ou tel ministre pour sa gestion exemplaire. C’est à ce titre que le successeur de Sidi Sosso Diarra et ses collaborateurs seront de véritables garçons de course d’une lutte contre la corruption dont le peuple doute encore de la sincérité. Quel est l’engagement à éradiquer ou tout au moins à diminuer sensiblement le phénomène lorsque constamment les plus hautes autorités dont le ministre de la justice, le ministre chargé du budget, le procureur du Pôle économique claironnent que Végal " n’est pas la justice et ne saurait s’y substituer " ? Il ne doit et ne saurait qualifier tel ou tel acte d’infraction. Il faut avouer qu’en tympanisant l’opinion avec ces rodomontades, les gouvernants affaiblissent totalement cette institution que les uns et les autres avaient considérée comme le chantre de la lutte contre la corruption. Et dire que pendant un moment déjà, on était à pied d’œuvre pour " précariser l’indépendance " de l’institution à travers une affectation de ses ressources financières au Trésor public !
Certains observateurs vont jusqu’à dire que le Bureau du Vérificateur général a été simplement créé pour séduire certains partenaires techniques et financiers en leur faisant croire que le Mali veut enrayer la corruption et la délinquance financière. Alors que le mal est sérieusement endémique et ne peut être endigué sans que des cercles insoupçonnés soient touchés. Cette lecture de la situation semble corroborée par la mise à contribution dans cette entreprise de déstabilisation du BVG par certains alliés des structures de contrôle. Le contrôleur général Amadou Gadiaga n’a pu convaincre les journalistes en marmonnant désespérément ne pas vouloir ternir l’image de son… " ami "Sidi Sosso Diarra. Il avait pourtant trouvé que certains aspects de ses vérifications n’étaient point professionnels. Pourtant, la Vérificatrice générale du Canada, Mme Sheila Fraser, des Vérificateurs et auditeurs chinois ont tous, lors de leurs visites de travail au Mali, félicité le Vérificateur général et son équipe pour " l’excellent travail " qu’ils font. Décidément, nul n’est prophète dans son pays.
Le BVG malien, qui suscite beaucoup d’admiration sur le continent et particulièrement dans la sous-région, vient d’être véritablement cloué au pilori par le Gouvernement. Tout compte fait, Sidi Sosso Diarra et ses collaborateurs sont devenus trop encombrants. Pourquoi ont-ils osé commettre le crime de lèse-majesté en allant si loin dans leurs investigations au point de fouiner jusque dans les dossiers de l’Initiative riz ? Le prochain Vérificateur général, dont le nom serait déjà connu dans certains milieux haut placés, doit retenir cette… leçon.
Bruno D SEGBEDJI
djitosegbedji@yahoo.fr
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