Il y a véritablement intrigue lorsqu’un projet de révision constitutionnelle est mis en route au crépuscule d’un pouvoir. Ce, d’autant qu’en politique, rien ne se fait pour rien. Le président de la République a beau affirmer qu’il n’a plus de gloire supplémentaire à tirer d’une initiative de réforme de la Loi fondamentale malienne dont il savoure déjà la paternité, pour avoir fièrement organisé la Conférence nationale souveraine l’ayant accouchée, les sceptiques sont toujours nombreux.
Le projet de réformes constitutionnelles pour la consolidation de la démocratie malienne avait été annoncé un peu plus tôt par le président de la République, Amadou Toumani Touré. Mais, du fait que le projet n’avait suscité aucun enthousiasme populaire, le Malien lambda étant plus préoccupé par son quotidien que par autre chose, les premières idées de cette révision constitutionnelle avaient passé un petit temps dans les tiroirs. Le Chef de l’Etat finira par prendre son courage à deux mains pour créer une Commission des experts qui ont élaboré des propositions. Travail qui sera redynamisé et mieux formalisé par le Comité d’appui aux réformes institutionnelles (CARI) dirigé Daba Diawara qui a eu l’honneur de diriger la Commission des experts.
C’est finalement le 19 avril 2010 que l’idée des réformes constitutionnelles va davantage prendre corps lors d’une cérémonie solennelle qui a réuni au Centre international de conférences de Bamako, autour du Chef de l’Etat, les membres du Gouvernement, les chefs des institutions, les leaders des partis politiques, des représentants de la société civile, etc. Puis, après ce lancement à grand renfort de publicité, il y a eu un temps de latence qui a fait sombrer les acteurs politiques dans le doute quand à l’opportunité même de cette relecture de la Constitution du 25 février 1992. Ainsi, des voix se sont élevées pour demander à ATT de "prioriser" les seules élections générales de 2012 plutôt que de vouloir perturber la conscience de l’électorat en appelant les Maliens aux urnes pour un référendum constitutionnel avant la fin de l’année 2012.
Plusieurs leaders dont Younoussi Touré, Dioncounda Traoré, Me Mountaga Tall, IBK se sont, à maintes occasions, interrogés sur la faisabilité des réformes dans un contexte où la nation est confrontée à des préoccupations majeures comme l’insécurité au Nord, la crise de l’école et surtout le cafouillage dans la préparation des scrutins présidentiel et législatif de l’an prochain.
Si donc, dans ce contexte lourd d’appréhensions, ATT persiste et signe qu’il va achever ces réformes, dans un calendrier aussi coincé, certains esprits estiment qu’il suffira à l’Assemblée nationale de rejeter le projet de loi portant sur ces réformes. Et si, d’ores et déjà, des voix commencent par s’élever au sein du Conseil économique et social pour rejeter certaines des innovations proposées par Daba Diawara et ses amis, on ne peut que se faire une idée de l’impopularité du projet. Il semble alors que la classe politique (notamment l’Assemblée nationale) qui est de plus en plus exigeante depuis l’épisode mouvementé du Code des personnes et de la famille, serait prédisposée à prêcher le non contre les réformes. Ce, d’autant que certains points du projet tels que la création du Sénat sont loin de recueillir l’adhésion de certains partis politiques bien représentés à l’Hémicycle. Ce qui est sûr, c’est que le non contre ces réformes chères au Chef de l’Etat sera un véritable camouflet pour celui qui se prépare à quitter le palais de Koulouba.
Bruno D SEGBEDJI