Le consensus est l’antidote de la démocratie”, commentait cette semaine un diplomate accrédité à Bamako. L’homme, dont il faut préserver l’anonymat, analyse la chute brutale du modèle démocratique malien, bien encensé avant le 22 mars 2012. Et cet observateur averti de la scène politique de plusieurs pays de souligner que le régime du président Touré avait fasciné mais que plusieurs analystes étaient sceptiques quant à sa longévité. “En politique, le consensus ne doit être appliqué que durant un laps de temps assez court ; car il comporte une annihilation de la compétition qui doit caractériser la sphère politique”. Pour cet ancien ministre de son pays, en prônant le consensus sur des années, plusieurs acteurs politiques ne sont pas souvent d’accord avec les options de gouvernance choisies, mais refoulent l’expression du désaccord. Ce qui tue l’aspiration même à la démocratie.
Et notre analyste de poursuivre que ce consensus est lié à un fond culturel du peuple malien. Ce fond, dont certaines manifestations sont le cousinage à plaisanterie, est une épée à double tranchant. Cette valeur culturelle permet de pacifier rapidement les rapports sociaux, mais elle développe la tendance à chercher toujours des compromis. “On se retrouve dans un schéma de gouvernance où on privilégie toujours l’arrangement à l’application des mécanismes institutionnels. Quand il y a des problèmes, au lieu de les résoudre, on cherche des voix de contournement pour complaire à tout le monde. Et, à la longue, les problèmes deviennent insurmontables. Ce qui a précipité ce pays dans la profonde crise actuelle. Mais, comme l’ont remarqué plusieurs acteurs politiques, les intellectuels et la classe politique doivent tirer les leçons de cette crise pour réajuster le parcours“.
Parlant du fond culturel, notre interlocuteur a aussi souligné cette tendance exagérée du peuple à cultiver un esprit autosuffisant avec l’argument de l’héritage. “ Nous sommes héritiers de tel ou tel empereur célèbre…et on refuse toute proposition d’assistance”, analyse-t-il. Ce qui a contribué à retarder le processus d’intervention d’une force internationale pour appuyer l’armée malienne.
Dans une récente analyse de notre confrère RFI, on pouvait lire : “La chute d’ATT, c’est aussi la défaite du consensus politique dont il avait fait son modèle de gestion…. Au fil des ans, ce consensus a fini par anéantir toute forme d’opposition politique. “Nous sommes rentrés dans l’ère des griots “ reconnaît cet ancien ministre pro-ATT aujourd’hui désabusé devant le bilan politique des dix dernières années. “Progressivement, on a assisté à un alignement de tous les partis politiques autour du président”, confie un autre homme politique qui estime que le consensus a fait reculer l’idée même de la démocratie.
Depuis, les langues se délient : le consensus a verrouillé toute la société malienne, à commencer par les médias qui sont aux ordres, reconnaît un journaliste malien. Toutes les voix discordantes sont systématiquement dénoncées. Information aux ordres et manque de communication à tous les étages : dans l’armée mais aussi au sein du gouvernement. Les hommes politiques maliens le reconnaissent : la classe politique s’est laissé phagocyter et l’opposition a quasiment disparu. Le jour du malheur, dit le sage, est fait pour réfléchir. Afin de mieux faire pour ne plus sombrer dans les errements du passé !
Bruno D SEGBEDJI
Le consensus ne veut pas dire la complicité!”Tougnè fo itériyé o tè tèriya sa” (=dire la vérité entre amis ne tue pas la vraie l’amitié).
Certes,le consensus a “tué” notre démocratie, c’est vrai mais les hommes politiques maliens aussi ont failli à leur devoir: celui de la défense des interêts du peuple qui les a élus!Si on pense aux Dionkounda et Soumi qui se sont désistés aux préseidentielles pour soutenir le candidat indépendant ATT en 2007, cela démontre l’échec même de la démocratie au Mali. 😉
Comments are closed.