Dire que la diplomatie ne se fait pas à la place publique relève d’une Lapalissade. Ce n’est pas au Mali qu’il faut surtout rappeler ce principe sacro-saint des relations internationales. Jusque-là, la diplomatie discrète déployée par le Mali a toujours porté ses fruits, en transcendant des situations pour le moins délicates et cocasses. Pour preuve, la gestion du dossier AQMI, notamment en ce qui concerne le volet relationnel avec la Mauritanie et l’Algérie. L’efficacité de la diplomatie malienne qui a opposé la lucidité, la discrétion et la responsabilité à la furie belliqueuse de ces deux Etats, a fini par ramener à la raison Alger et Nouakchott qui ont décidé de retourner à leurs postes leurs ambassadeurs respectifs, rappelés quelques mois auparavant pour, dit-on, "une consultation".
A l’heure où nous en sommes, Nouakchott doit d’ailleurs beaucoup au Mali qui a tiré d’affaire les soldats mauritaniens pris dans l’étau des terroristes d’AQMI dans la région de Tombouctou. En panne de carburant et subissant les tirs nourris des combattants d’AQMI qui les avaient entrainés dans une embuscade, les militaires mauritaniens ont reçu l’aide militaire d’une troupe militaire malienne forte de 120 hommes, en plus d’un approvisionnement en carburant et l’évacuation des blessés, dont six graves, à l’hôpital de Tombouctou. La Mauritanie ne peut plus et ne doit plus douter de la bonne foi et de la sincérité de Bamako.
L’Algérie, quant à elle, fait toujours la forte tête, mue certainement par sa volonté d’imposer son leadership dans la lutte contre AQMI. Une question qui tourne presqu’à l’obsession, à cause d’intérêts stratégiques. Faute de pouvoir s’imposer dans le Maghreb arabe, l’Algérie n’entend pas voir bafouer ses velléités dominatrices dans la bande sahélo-saharienne. Dans cet élan, le Mali réticent à se soumettre aux caprices d’Alger devient la cible des services de sécurité algériens. Toute occasion est bonne pour dénigrer le Mali- principalement son armée- et ostraciser tout un peuple, notamment les Touarègues. C’est ainsi que les puissances occidentales qui s’activent dans la lutte contre AQMI dérangent beaucoup l’Algérie, qui fait valoir son expérience, pour avoir longtemps lutté contre le terrorisme islamique, notamment contre le GIA et le GSPC.
Lors du dernier sommet arabo-africain tenu à Syrte (Libye), Bouteflika a réaffirmé au président du Mali, ATT, sa disponibilité de collaboration et de coordination des activités contre AQMI. Une position qui divorce d’avec celle des faucons de la défense et de la sécurité algériennes, qui continuent de chercher à isoler le Mali dans la zone. Dès lors, la diplomatie malienne devrait surveiller l’Algérie et ses agissements comme du lait sur le feu.
Mais il n’y a pas que l’Algérie et la Mauritanie qui sont source de préoccupations pour la diplomatie malienne. Le Mali se trouve exactement aujourd’hui dans le cas de figure que définissait Bismarck, à savoir qu’un Etat "fait sa politique, mais subit sa géographie". Faut-il rappeler que la Côte d’ivoire et la Guinée sont des poudrières à la porte du Mali ? Quand on éternue à Bouaké ou à Kankan, les échos se font entendre dans la capitale malienne. Aussi, en dehors de la proximité, plus précisément du voisinage, il existe une multitude de raisons et d’intérêts stratégiques qui poussent le Mali à porter une attention particulière sur la situation sociopolitique de ces Etats, caractérisés par une forte turbulence ces dernières années.
La Côte d’Ivoire et la Guinée sont dans le tunnel du processus électoral de sortie de crise. Espérons que l’allure démocratique enclenchée dans ces deux pays ne tourne pas à l’embardée politique. C’est en tout cas le souhait profond des autorités de Bamako.
Le Niger, un autre pays voisin du Mali, est secoué par un réveil brutal des nostalgiques de la mode kaki, prêts à user du langage des mitrailleuses pour régner. Un complot vient d’y être éventé. Il visait à entraver l’exécution du plan de remise du pouvoir aux civils mis en place par la transition pilotée par le général Salou Djibo. En effet, ce dernier a failli être liquidé par un groupe d’officiers qui avait planifié son assassinat à l’aéroport, à son retour des Etats Unis, où il était parti participer au sommet des Nations unies.
En somme, un remake du scénario de liquidation tragique de Baré Maïnassara. Il a fallu la vigilance des services secrets d’une grande puissance pour informer rapidement le général Djibo qui a mis aux arrêts les comploteurs. Dans ces conditions, la diplomatie malienne, réputée très efficace mais discrète, est en train de marcher sur des oeufs car dans cette situation d’embrouillamini politique, être chef de la sécurité ou de la diplomatie maliennes ne relèvent pas de la sinécure à cause des multiples défis à relever.
Amadou Bamba NIANG