La gouvernance malienne est-elle suffisamment médiatisée? Pas assez. Pourquoi ne pas alors mobilser des chaînes internationales, ameuter une pléthore d’artistes au plan national et international pour célébrer la bonne gouvernance à la sauce ATT? Surtout qu’en procédant ainsi on faisait d’une pierre plusieurs coups. Chapeau!
Car l’on ne sait quelle magie, la rumeur publique bien colportée par quelques parlementaires soucieux de leur avenir politique a pollué Bamako. “Harmonisation des mandats“. L’on avait que ces expressions sur les lèvres comme si on peut intelligemment affirmer que les mandats du président de la République, des députés et celui des conseillers municipaux peuvent être ” harmonisés“. La Constitution du 25 février 1992 attribue exclusivement au président de la République la prérogative de dissoudre l’Assemblée nationale. Pendant ce temps, le Conseil communal peut, lui, être dissout par une décision du gouvernement ou même dans certains cas par un arrêté du ministre de l’Administration territoriale et des collectivités locales dans le cadre des nombreux contentieux électoraux post communales. On comprend alors qu’il est vain de vouloir ” harmoniser ” des mandats électifs dont les débuts peuvent difficilement coïncider. On peut, à la rigueur, concevoir un calendrier électoral permettant de coupler les élections communales, législatives et communales. Il s’en suit que le débat par rapport à ce que l’on a dépensé tant d’énergie à appeler grossièrement “ harmonisation des mandats ” n’avait pas sa raison d’être. Ne serait-il pas alors une pure diversion politicienne ? Hypothèse difficile à écarter. D’autant que les trépidations liées à ce débat ont pu pousser les ténors de l’ADEMA à repousser à plus tard leurs futures querelles de leadership pour choisir le porte-drapeau du parti pour la présidentielle de 2012. Car, pour certains d’entre eux, pour la fameuse harmonisation des mandats, il faut étudier la possibilité d’accorder deux ans supplémentaires au second mandat finissant d’ATT.
Le deuxième concept de la trilogie à laquelle la classe politique nous a abreuvés en ce début de l’année 2011 est la thèse de “l’urgence de récompenser le mérite”. Cela s’appelle, selon le mot du premier vice-président du PDES, “distinction pour mérite “. La distinction à travers la remise de médaille à ATT, le samedi dernier, avait fait jaser, surtout que l’événement se veut être à mille lieues d’une stratégie philanthropique. Décorer le premier magistrat de la République n’est point anodin. Le faire à 14 mois de son départ de la présidence de la République a plus que jamais donné lieu à des interprétations sur lesquelles nous ne souhaitons pas revenir.
Seulement, cette distinction a particulièrement été célébrée dans une forme de distraction à fort renfort de décibels. ” Distraction“. C’est bien là le dernier concept du triptyque bien vulgarisé, la semaine passée, par nos acteurs politiques. Même si quelques uns avaient plutôt la tête aux élections communales partielles d’hier, 6 février 2011.
Mobiliser des artistes des quatre coins du monde, des médias internationaux et nationaux pour tympaniser toute la République au Stade Modibo Kéita, en vue de récompenser ATT, il fallait le faire en cette ère du Cinquantenaire. Comme quoi, le peuple a toujours besoin de distraction, même si la majorité des Maliens et Maliennes ont bien des soucis sur le plan denrées de première nécessité, santé, insécurité dans le septentrion, chômage des jeunes. Pour ne citer que ces maux. Pourvu que cette récompense, à forts relents d’expression d’une soif de loisir n’intéresse le prochain Vérificateur général. Tout compte fait, diversion, distinction et distraction, l’on ne pouvait pas être mieux servi pour oublier, durant un week-end, le mal-vivre quotidien. Un mal-vivre qui n’est pas le lot de certains privilégiés de la République.
Bruno D SEGBEDJI